Vers une limitation de l’assurance chômage. Pas d’alternative : vraiment?

chomage_2015Le manque d’emploi est un problème majeur et structurel de notre société. Toutefois, ce sont systématiquement ses victimes que l’on accuse et sanctionne, comme c’est le cas en ce moment avec les exclusions des allocations dites d’insertion. Quelle alternative crédible le mouvement organisé des travailleurs peut-il mettre en avant ?

Par Emily (Namur)

Chômage de masse : à la faveur de qui ?

Depuis 30 ans, nous subissons un chômage structurel. Le taux d’emploi – qui exprime un rapport entre les personnes qui ont effectivement un emploi sur celles en âge de travailler – n’est que de 57% (2013, Belgique). Un constat ressort : il n’y a pas suffisamment d’emplois pour tous. En 2013, nous comptions 584.302 demandeurs d’emploi en Belgique (source FOREM) pour à peine 61.630 emplois vacants la même année (source SPF Économie) !

Pourtant, l’idéologie dominante veut faire passer les travailleurs sans emploi pour des fainéants et des profiteurs à sanctionner. Le grand patronat a toutefois intérêt à maintenir un certain taux de chômage : cette armée de réserve du capital lui permet de tirer vers le bas les conditions de travail et salaires. ‘‘Tu n’es pas content de ton boulot? Il y en a 10 qui attendent de prendre ta place!’’ Le monde patronal est, en cela, soutenu par les autorités gouvernementales du pays, dont les efforts visent aussi à favoriser le développement d’un large secteur à bas salaires. Derrière la rhétorique reposant sur la prétendue ‘‘priorité à l’emploi’’ se cache une campagne pernicieuse rendant les travailleurs sans emploi responsables de leur situation.

Attaquer les chômeurs ou le chômage ?

emploi_02C’est ainsi que de nombreuses mesures ont été instaurées, dont le mécanisme ‘‘d’activation’’ des chômeurs, mieux connu sous le sobriquet de ‘‘chasse aux chômeurs’’. Cette mesure instaurée en 2004 (à l’instigation de la coalition libérale/social-démocrate de l’époque) se base sur des contrôles permanents et renforcés pouvant conduire à des exclusions temporaires ou définitives du droit aux allocations de chômage. Sa logique est que les chômeurs se complaisent dans leur situation d’isolement social, de détresse psychologique et de précarité financière…

Le gouvernement Di Rupo en a rajouté une louche en 2011 avec la limitation dans le temps des allocations de chômage dites d’insertion jusqu’à 3 ans à partir du 30e anniversaire, sauf pour les cohabitants non-privilégiés. Cette mesure est entrée en vigueur ce 1er janvier. 37.000 personnes auraient ainsi été exclues depuis le premier janvier (source CEPAG). Ce nombre est malheureusement appelé à augmenter: certaines catégories spécifiques se sont vues accorder un sursis provisoire, tandis que de nouvelles vagues de demandeurs d’emploi se verront exclues d’année en année. Les anciens bassins industriels sont bien évidemment les régions les plus touchées. Les femmes sont aussi surreprésentées dans ces exclusions (65%, source Réseau Stop Art.63§2). Ceci est directement lié à leur surreprésentation dans les emplois à temps partiel qui compromettent la possibilité d’ouvrir des droits à un chômage complet.

Le gouvernement Michel a poursuivi sur la même voie : l’allocation d’insertion ne serait maintenant accessible avant 21 ans qu’à ceux qui ont obtenu leur diplôme d’enseignement secondaire supérieur et serait limitée à l’âge de 25 ans. Ceux qui étudient trop ou trop peu seront de facto sanctionnés. Ainsi, chaque année, pour 13.000 étudiants belges francophones, la suppression de l’ouverture du droit aux allocations d’insertion se traduirait par une perte annuelle variant de 5.104 euros à 13.269 euros (source CNE).

Face aux exclusions, le CPAS est le dernier recours. Cela signifie un transfert de charge du fédéral vers les CPAS et donc les communes, avec une situation qui deviendra rapidement ingérable. En effet, les exclusions du 1/1/2015 représenteront une hausse de plus de 20% de leur budget consacré au revenu d’intégration sociale (RIS) avec quelque 10.000 chefs de ménages et isolés qui y émergeront en Wallonie (source CEPAG). En ce qui concerne les cohabitants aucun RIS n’est possible ! Et lorsque le CPAS envisage intervenir, il réalise préalablement une enquête auprès de la famille (parents ou enfants majeurs) pour évaluer sa capacité à verser une pension alimentaire et l’y contraindre. Ce système nous sort du mécanisme de solidarité organisé pour nous mettre dans une situation de dépendance familiale avec tout ce que cela sous-entend.

Il peut sembler absurde de s’attaquer au chômeur lorsque le problème est l’emploi. Mais si l’on prend en considération que ces mesures sont favorables à la classe capitaliste dominante, cela prend alors tout son sens. Le but des attaques contre les chômeurs n’est pas tant de réduire ce poste de dépense budgétaire, mais bien de dégrader nos conditions de travail et nos salaires tout en stigmatisant une couche spécifique de la population, ce qui permet de dévier l’attention des vrais problèmes. A titre d’exemple, en 2012, le paiement des allocations de chômage a représenté 3% du budget fédéral, contre 20% consacré au remboursement de la dette publique aux spéculateurs ! (Source: CADTM)

32h/semaine pour assurer un droit au travail pour tous

emploi_01Il nous faut construire une alternative crédible par rapport à cette problématique de l’emploi reposant sur la force du mouvement organisé des travailleurs. Face au chômage de masse, un partage équitable du temps de travail disponible entre tous est indispensable, sans perte de salaire et avec diminution des cadences. En moyenne, nous ne travaillons déjà en Belgique que 31h/semaine, et ce, sans compter ni le fait que les capacités de production ne sont pas utilisées à 100%, ni les gaspillages inhérents au système. Mais sous le régime capitaliste, cette statistique prend la forme d’une exclusion de masse par le chômage d’un côté et d’une pression abrutissante au travail de l’autre. Le développement technologique, pour autant qu’il soit orienté vers les intérêts des travailleurs, permettrait de diminuer le temps de travail et de libérer ces derniers des tâches répétitives et abrutissantes.

Avancer une telle revendication confronte directement la classe des travailleurs, qui doit vendre sa force de travail contre un salaire, à la classe capitaliste, qui détient les moyens de production. Pour permettre de véritablement libérer les travailleurs de l’aliénation du travail, pour permettre de dégager du temps au profit des loisirs, de la vie sociale et de l’implication dans la gestion de la société, la revendication de la réduction du temps de travail avec embauches compensatoires et sans perte de salaire doit absolument être liée à la perspective d’une rupture anticapitaliste et d’un changement socialiste de société. Ce que nous entendons par là, c’est la collectivisation des secteurs-clés de l’économie et des grandes entreprises sous le contrôle et la gestion des travailleurs et de la population au sens large. De cette manière, l’emploi ne serait plus le synonyme d’un maillon d’une monstrueuse chaîne de production socialement et écologiquement destructrice, mais serait au contraire une contribution importante au développement de soi-même et de son apport à la société. À terme, cela ouvrirait la voie vers une société sans salariat.

=> 25 février : journée d’action contre les exclusions des chômeurs des allocations d’insertion et pour l’abrogation de l’Art. 63§2.

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