Manning : Le Soir a choisi son camp

‘‘A peine condamné à 35 ans de détention’’ : c’est ainsi que commence le principal article du Soir consacré aujourd’hui à Bradley/Chelsea Manning, qui a dévoilé des preuves concernant les crimes de guerre commis par l’armée américaine. Mais de ces crimes, l’article n’en fait nulle mention, et ce n’est pas le seul problème…

Selon le journaliste, Bradley Manning (qui désire dorénavant être appelé Chelsea et a décidé de changer de sexe) devrait déjà s’estimer heureux de ne pas avoir été condamné à la peine maximum de 135 ans de détention ! Pour le reste, l’article fourmille d’erreurs et d’imprécisions qui – c’est étrange – caressent toutes dans le sens du poil les autorités américaines.

Ainsi, Manning aurait ‘‘exprimé des regrets’’ à l’issue du procès. Cela tendrait à dire que la leçon est comprise et que, si l’occasion se présentait à nouveau, aucune information ne serait divulguée. C’est faux. Dans sa lettre publiée à l’issue de sa condamnation, Manning déclare effectivement : ‘‘Si mes actions ont nui à quelqu’un ou aux Etats-Unis, je le regrette.’’ Mais la suite précise très clairement que Manning ne regrette en rien d’avoir dévoilé les crimes de guerre dont sont coupables les autorités américaines ! On peut ainsi lire dans ce même texte : ‘‘En toute conscience, nous avons choisi de dévaluer le coût de la vie humaine en Irak et en Afghanistan. En combattant ceux que nous percevions comme nos ennemis, nous avons parfois tué des civils innocents. Chaque fois que nous avons tué des civils innocents, au lieu d’en assumer la responsabilité, nous avons décidé de nous retrancher derrière le voile de la sécurité nationale et des informations classifiées afin de ne pas avoir à rendre de comptes publiquement.’’ (Lettre de Bradley Manning à Obama: “Je suis prêt à payer le prix pour vivre dans une société libre”) C’est pour cette raison que Manning a décidé de dévoiler des informations classifiées.

Sortir une phrase de son contexte de cette manière pour lui faire dire son exact contraire, c’est visiblement considéré comme étant du journalisme à la rédaction du Soir.

Dans le reste de ‘‘l’article’’, Manning en est réduit au simple rang d’espion avec un type de comportement qui est ‘‘susceptible de mettre en danger la vie d’agents en opération ou de militaires engagés sur le terrain.’’ De la vie de civils innocents, il n’est par contre absolument pas question. Son cas est comparé à celui d’un militaire belge ayant vendu des informations aux services secrets de l’armée russe en 1989 pour 4 millions de francs belges. Le parallèle est d’ailleurs grassement souligné par le fait qu’Edward Snowden et Julian Assange (de WikiLeaks) sont qualifiés de ‘‘complices et ‘‘clients’’ du soldat Manning’’. Encore une fois, ce ne sont pas des motivations financières qui ont motivés les divulgations de Manning.

Par ailleurs, nous sommes heureux de pouvoir apprendre au ‘‘journaliste’’ du Soir que Snowden n’a rien à voir avec les documents publiés par WikiLeaks… Edward Snowden est un informaticien qui avait travaillé pour la CIA et la NSA et qui a rendu public diverses informations fracassantes concernant les programmes de surveillance de masse des autorités américaines et britanniques.

Le travail de journaliste n’est pas facile aujourd’hui. A la rapidité de circulation de l’information s’ajoutent, comme ailleurs, les compressions de personnel et l’augmentation de la charge de travail. Il est parfois difficile de traiter correctement d’un sujet dans ces conditions, et nous voyons ici ce que cela peut concrètement signifier en termes de qualité de l’information. Il est toutefois bien plus probable que l’orientation scabreuse de cet article scandaleux n’ait rien à voir avec cela et ait été parfaitement volontaire. Si tel est le cas, nous espérons au moins que la rédaction du Soir et le journaliste directement responsable seront invités au prochain cocktail de l’ambassade américaine. Ce serait un minimum pour ‘‘service rendu’’.

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