Les Sanctions Administratives Communales : un renforcement de la répression et une atteinte à nos droits démocratiques

Les politiciens établis ont une solution miracle pour toutes les nuisances. Musique trop forte lors d’une fête ? Des jeunes qui traînent tard le soir sur une place publique ? Des manifestants qui s’opposent au banquet des riches à Bruxelles ? Des initiatives telles qu’Occupy-Anvers qui organisent une opposition politique en rue? La réponse des partis établis est là : les Sanctions Administratives Communales (SAC).

Par Mathias (Anvers)

Tout devient “nuisance”

Les SAC existent depuis 1993 et avaient initialement pour but de punir plus rapidement de petits délits. La portée de ces amendes a été élargie il y a quelques années, toute forme de “nuisance” pouvant dorénavant être ainsi punie en fonction des réglementations décidées séparément par chaque commune. Le résultat est une série de règles absurdes et souvent totalement arbitraires.

La résistance collective peut arrêter les amendes SAC

En 2009 le conseil communal de Gand a décidé d’abolir la taxe combi (sous forme de SAC) pour les manifestations. Le 10 novembre 2009, des dizaines de jeunes manifestants antiracistes et des passants furent arrêtés après une manifestation. Arrêtés sans raison, après coup, ils avaient tous reçus une amende SAC. La résistance contre ces amendes a été tout de suite organisée avec un large soutien. Une centaine de manifestants avait protesté devant le conseil communal et des pétitions avaient circulé parmi les étudiants.

La question a reçu l’attention des médias et la ville a dû se distancier des actions de la police et des SAC en cas d’action collective.

Cette victoire partielle montre bien que la lutte organisée peut donner des résultats.

Ce mercredi 28 novembre, à Ixelles : Protestations de la Ligue des Droits de l’Homme contre les Sanctions Administratives Communales. 13h Maison Communale d’Ixelles (Chaussée d’Ixelles168, Bruxelles)

Il est même possible de recevoir une amende SAC en jetant des confettis au carnaval, ou en s’asseyant sur le dossier d’un banc. Des agents peuvent avoir à déterminer si une personne traîne trop longtemps à un endroit. Mais les formes de “nuisance” vont aussi plus loin. Dans beaucoup de communes il est interdit d’organiser des actions sur des lieux publics ou même de se réunir sans autorisation du bourgmestre. L’autorisation doit être demandée plusieurs semaines à l’avance. Dans le cas d’un événement “à risque” (quel qu’il soit), à Courtrai, il faut même demander l’autorisation 3 mois d’avance. Il est donc maintenant possible de recevoir des requêtes unilatérales sur un piquet de grève, mais aussi des SAC.

A Hasselt, il est interdit d’accrocher une banderole le long de la route ou de distribuer des tracts sans autorisation du bourgmestre. A Anvers, des lycéens peuvent être sanctionnés lorsqu’ils organisent une grève étudiante comme il est interdit ‘‘de stimuler des activités (…) qui ont pour résultat que la scolarité obligatoire n’est pas suivie.’’ Diverses actions antiracistes ou anti-guerre menées dans le passé peuvent donc être sanctionnées d’une amende aujourd’hui.

Une atteinte au droit à l’action collective

La liberté d’expression sur la voie publique et le droit de mener des actions collectives sont reconnus par plusieurs traités internationaux, mais le règlement de la police de Hasselt, par exemple, est au-dessus de ces traités. Il vaut mieux protester contre cette logique en silence et sans bruits ‘‘inutiles’’ sous peine de recevoir une SAC (voir l’encadré). La Ligue des Droits de l’Homme réclame du Conseil d’Etat l’annulation de ce règlement de police. Ces Sanctions Administratives Communales augmentent les possibilités de politique arbitraire et de répression contre tous ceux qui ne se sont pas “adaptés” aux normes de l’élite. A Anvers, plusieurs amendes ont frappé des actions de protestations. A Bruxelles, tous les manifestants arrêtés durant l’action contre le banquet des riches (voir en page 15) risquent une amende SAC. Si écraser l’opposition avec des amendes est une pratique qui fait plutôt penser aux méthodes de Poutine, cette technique se développe chez nous aussi. Tous les partis établis s’accordent sur la logique fondamentale de ces amendes, malgré parfois quelques réserves.

Ces mesures visent d’abord les jeunes ou les SDF. Mais une fois que ces mesures seront bien rôdées pour ces couches de la population, les autres suivront. Le droit à l’action collective sera encore plus affaibli. Il sera finalement possible d’interdire chaque forme de protestation, en particulier celles émanant du mouvement syndical.

Pas de solution pour la nuisance

Ces amendes peuvent-elles être utiles pour des cas mineurs de nuisance, pour autant qu’il existe une définition claire de ce qu’est une nuisance ? Beaucoup d’aspects des “nuisances” ont rapport avec la “politique des pénuries” menée actuellement. Puisque la collecte des déchets doit faire du profit, le nombre de bacs dans les rues diminue pour que nous mettions nos déchets dans les sacs officiels (et plus coûteux). Cela mène au déversement illégal. Des jeunes qui traînent sur une place ou qui y boivent quelque chose, le font dans beaucoup de cas parce qu’il n’y a nul autre endroit pour boire sans trop payer. Bien sûr les autorités n’investissent pas dans des moyens de détente publics ou dans des lieux de rencontre publics. Elles créent donc les pénuries puis donnent des amendes à leurs victimes…

Entretemps, même les représentants de la police doivent admettre que la répression ne fonctionne pas. A Turnhout il y a eu des problèmes avec des groupes de jeunes. La répression forte a vite conduit à des problèmes encore plus graves. “La répression est contre-productive”, a admis Luc Gorris de la police locale de Turnhout. Une approche positive dans laquelle il y a des discussions avec les jeunes eux-mêmes a eu de bien meilleurs résultats. Les amendes SAC ne résolvent en rien les causes profondes des nuisances, qui sont souvent des problèmes sociaux. Avec une interdiction de rassemblement, un couvre-feu et l’interdiction de consommer de l’alcool dans les lieux publics, comme à Anvers Nord, les autorités peuvent essayer d’arrêter la vie publique. Mais cela ne donnera pas du boulot aux 20% des jeunes qui sont au chômage, ni ne donnera de perspectives d’avenir aux 25% d’enfants qui vivent dans la pauvreté.

Le PSL s’oppose à cette vague d’amendes contre les groupes les plus vulnérables de la société et contre toute opposition politique. Nous défendons la nécessité d’investissements publics dans les logements sociaux, l’enseignement, la création d’emplois, etc, car c’est seulement en s’attaquant aux problèmes sociaux qu’on peut vraiment combattre la nuisance.


A Hasselt, c’est la folie

La Ligue des droits de l’homme exige le retrait du règlement de police dans la zone HaDiZo (Hasselt, Diepenbeek, Zonhoven). Dans ce règlement il y a quelques règles particulièrement détaillées et parfois absurdes. Le ton du premier article est déjà clair : “Pendant la journée et/ou la nuit il est interdit de produire n’importe quel bruit sans raison ou sans nécessité comme résultat d’un manque de prévoyance et de précaution”. Le carnaval est une affaire sérieuse au Limbourg. “Il est interdit aux participants de l’activité comme mentionné dans l’article 34 [le carnaval], d’insulter et/ou de taquiner quelqu’un.” (article 35). L’article 38 interdit de “jeter des confettis par terre” pendant le carnaval. A Courtrai, ils vont plus loin: il est tout simplement interdit de “jeter ou posséder” des confettis.

Si tu fais du sport, il faut suivre les “règles générales en ce qui concerne la garde-robe et le comportement” (article 60). Le commissaire de la police déclarait dans les médias qu’il est par exemple interdit de jouer au basket dans un maillot de bain. Mais comment la police va-t-elle vraiment contrôler que toutes les “règles générales de comportement” d’un sport sont bien suivies ? Va-t-elle remplacer les arbitres par des agents qui ne donnent pas de carton jaune ou rouge mais des amendes SAC ?

L’article 154 dit : “Il est interdit de s’assoir sur le dos des bancs publics ou de les salir.” A quand la règle qui dit qu’il faut être assis bien droit ?

La liste des mesures absurdes est longue. Selon la police, ils veulent être “prêts à tout”. Alors que les fraudeurs peuvent tout se permettre, que les multinationales peuvent sans problème s’attaquer à l’avenir de milliers de familles et que toujours plus de jeunes sont condamnés à être une “génération perdue”, les partis établis se préparent à nous donner des amendes quand nous nous mettons sur le dos d’un banc dans un parc.

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