C’était il y a tout juste 50 ans : le 16 janvier 1961

La grève est toujours totale dans les centres industriels wallons de Liège, de Charleroi, du Centre, du Borinage et de Mons. Des manifestations se déroulent encore. A Chénée, en région liégeoise, les gendarmes tirent une nouvelle fois sans sommation, blessant trois grévistes, dont un grièvement à la tête qui devait décéder au cours de la nuit. Il s’agit de Jo Woussem, âgé de 32 ans et ancien champion de boxe. Il y a encore 50 arrestations.

Cet article, ainsi que les autres rapports quotidiens sur la  »Grève du Siècle », sont basés sur le livre de Gustave Dache  »La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61 »

A Grivegnée, toujours à Liège, une concentration a lieu, suivie d’un meeting. Dans son discours, André Renard y commente les points du mémorandum remis au Roi qui contient, dit-il : ‘‘tout ce que la FGTB propose et défend depuis des années.’’ A l’issue de la manifestation de graves incidents éclatent.

Il n’y a pas de solution au conflit en vue, les grévistes sont en colère, ils ne comprennent pas que les jaunes fassent circuler des autobus, ils ressentent cela comme une provocation. Les manifestants s’attaquent à ces véhicules en pulvérisant les vitres. Les renforts de la gendarmerie repoussent avec brutalité les manifestants, des ouvriers qui parlaient paisiblement sont attaqués à coups de crosse dans le local syndical. C’est la bagarre entre les gendarmes et les grévistes. Les travailleurs n’ont aucune intention de se laisser attaquer sans riposter avec vigueur.

A Bruxelles, une manifestation en hommage aux ‘‘victimes de la répression aveugle et ivre de violence’’ est organisée par la FGTB. A Charleroi une manifestation de plus de 2.000 travailleurs des ACEC, Robert Dussart en tête, défile une nouvelle fois devant la prison de Charleroi en scandant : ‘‘Libérez les grévistes.’’

A Liège, comme à Roux, les soldats sont nourrit par les femmes des grévistes, qui leur apportent de la soupe, des tartines et même des cigarettes. Pourtant, dans ces temps très durs, les moyens sont très limités, mais c’est le cœur des femmes des grévistes qui parle. Les soldats ne se rendent pas toujours compte du rôle que le gouvernement leur fait jouer. Mais ce dont ils se rendent compte, c’est que ce sont les grévistes qui leur apportent à manger.

A Auvelais, à la Maison du Peuple, les femmes des grévistes qui se rendent à la prison pour voir leurs maris détenus pour faits de grève rapportent que : ‘‘c’est eux qui nous remontent le moral.’’

Le rôle des femmes dans la grève générale a été comme toujours fondamental. En effet, elles ont été de toutes les actions. Aux piquets, dans les manifestations, dans les affrontements parfois très violents avec les forces de répression. Dans différents endroits du pays, plusieurs d’entre elles ont été blessées et amenées à l’hôpital. Partout dans le pays, elles n’ont pas seulement soutenu les hommes dans la lutte, elles y ont-elles-mêmes activement participé, avec un moral et une combativité exemplaires et avec un dévouement sans borne.

Aux petites heures du matin, quand elles n’étaient pas aux piquets, certaines d’entre elles étaient aux Maisons du Peuple pour accomplir des tâches alimentaires, comme de fournir des repas avec soupe et tartine aux grévistes, etc. Elles ont même parfois pris l’initiative de manifester seules pour la libération de leurs maris grévistes détenus pour faits de grève. Certaines, arrêtées le matin et libérée l’après-midi, se retrouvaient déjà en manifestation le même jour, à leur poste de combat.

Le plus bel hommage que l’on peut rendre à la combativité et au dévouement des femmes grévistes dans ce grand combat de la classe ouvrière belge de 1960-1961, c’est de se rappeler que dans les moments mêmes où la lutte des classes était des plus dures, comme lors des heures d’insurrection de Liège le 6 janvier, elles étaient dans la rue.

France Arets a interviewé Anne Massay, qui était permanente du SETCA pour le secteur des grands magasins de Liège. Voici ce qu’elle a déclaré à propos des femmes : ‘‘La grève de 1960-1961 contre la Loi Unique éclate, les femmes sont en première ligne. Les femmes sont de toutes les manifestations, lors de l’affrontement à la gare des Guillemins, elles s’opposent aux gendarmes qui matraquent les militants à terre, et se font arrêter. D’autres le sont encore après des échauffourées nocturnes, elles resteront en prison plus d’un mois. Elles pleurent mais ne dénoncent personne.’’ (France Arets et Anne Massay dans le livre Changer la société sans prendre le pouvoir, Matéo Alalouf, P.127)

A Chênée, Victor Closet est atteint de plusieurs balles au bras, il y a eu une vingtaine de détonations. Les portes de la mutualité socialiste sont défoncées à coups de crosse, la concierge est matraquée et blessée à la tête à coups de crosse. Des grévistes, sortis du local le bras levé sont également odieusement brutalisés à coups de crosse. Les gendarmes pénètrent dans la Maison des Syndicats la crosse en avant, brutalisant toutes les personnes présentes dans l’établissement. Des femmes et des vieillards sont embarqués dans le camion de gendarmes. Les habitants du quartier baissent leur volet en signe de deuil. Un échevin socialiste de la commune aurait déclaré ‘‘on se serait cru revenu aux plus baux jours de l’occupation.’’

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