C’était il y a tout juste 50 ans… 20 décembre 1960: Spontanéité et débordement des appareils

Le mot d’ordre de grève n’avait été lancé que par la Centrale Générale des Services Publics de la FGTB mais, ce matin du 20 décembre 1960, la colère ouvrière brise toutes les digues installées par toute la bureaucratie pour empêcher l’éclatement de la grève générale dans le secteur privé. Elle rassemble aussi, bien au-delà des seuls membres de la FGTB.

Le 20 décembre, c’est la date que le gouvernement avait choisi pour commencer la discussion sur la Loi Unique au Parlement: en pleine période des préparatifs pour les fêtes de fin d’année, un moment plus difficile pour la mobilisation ouvrière. La direction du PSB et de la FGTB comptait également sur cette période pour éviter de prendre l’ initiative de déclencher la bataille.

Les ACEC et les verreries de Charleroi, Cokerill à Liège et les dockers anversois sont les premiers à cesser le travail spontanément, sans attendre de mots d’ ordre. Cette avant-garde se dirige ensuite vers les autres entreprises afin de généraliser le mouvement de grève à l’ensemble de la classe ouvrière du pays, rejoignant ainsi la CGSP et indépendamment de la hiérarchie de la FGTB qui n’ avait jusque là pris aucune décision d’ action. La direction de la CSC nationale s’ était, quant à elle, prononcée contre toute grève.

La grande presse dévoile que le PSB n’ a plus ses troupes en main, qu’il y a divorce entre les sommets et la base. On n’insistera jamais trop sur le caractère spontané du démarrage de la grève générale, sur les initiatives des ouvriers à la base, qui ont pris eux-mêmes à bras le corps la décision d’étendre le mouvement de grève à toutes les entreprises. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont pris cette décision spontanément, sans attendre les consignes des appareils bureaucratiques.

Quand on tire les enseignements des grands combats que la classe ouvrière belge a mené dans le passé, on s’ aperçoit très vite qu’il y avait dans cette grève des indices qui ne trompaient pas. La volonté, la spontanéité dans l’ action, la virulence, l’ initiative collective,… sont autant de signes de luttes, montrant que la spontanéité révolutionnaire du prolétariat était capable de bousculer et de renverser l’ ordre établi ; la lutte posait de fait la question du pouvoir…

Si, avant le 20 décembre 1960, il y avait du côté des travailleurs wallons une certaine effervescence contre la Loi Unique, les travailleurs flamands n’étaient pas restés sans réaction. Le 8 octobre déjà, une première manifestation contre la Loi Unique s’ était déroulée à Anvers, en front commun, et les représentants chrétiens, socialistes et libéraux y avaient violemment attaqué le projet du gouvernement Eyskens et avaient décidé de poursuivre la lutte par une action de grève pour le 17 octobre 60. A la veille du mariage du Roi, le 13 décembre 60, les travailleurs gantois avaient spontanément arrêté le travail pendant deux heures en guise de protestation contre la Loi Unique.

Dès le premier jour de la grève, le 20 décembre, la Flandre n’ est pas en reste pour se lancer dans la lutte. A Anvers et à Gand, les débrayages spontanés se multiplient et s’étendent également à plusieurs secteurs malgré l’opposition farouche des organisations syndicales et politique, et plus particulièrement de la FGTB où la pression pour l’ action est la plus forte.

Le secrétaire général de la FGTB et député socialiste d’ Anvers, Louis Major, déclarera à la Chambre le 21 décembre 1960 que : «Nous avons essayé, Monsieur le premier ministre, par tous les moyens, même avec l’ aide des patrons, de limiter la grève à un secteur professionnel.» (Citation reprise dans les Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 21 décembre 1960, p.20) Louis Major est resté fidèle à cette position durant toute la grève générale de 60-61.

Toute la presse du 21 décembre relatera que les états-majors ont été dépassés par leurs troupes le 20 décembre. Le journal « La Cité » écrit ainsi : «on signale qu’en plusieurs endroits, les dirigeants de la FGTB eux-mêmes auraient été pris de court (…) Il semble bien qu’en certains endroits du moins, le contrôle du mouvement échappe à la direction de la FGTB.» Effectivement, la FGTB est débordée par les débrayages spontanés et l’ action des travailleurs, qui se déploient dans la rue. Certains militants ouvriers de base commençaient petit à petit à s’ organiser pour pallier au manque de direction de la grève. Un peu partout, dans plusieurs régions du pays, des contacts ont lieu, de même que des réunions, des discussions, des concentrations et des distributions de tracts.

Débordée, la FGTB est obligée de suivre le mouvement. La direction nationale se décharge de sa responsabilité, et c’est aux régionales de prendre une décision. A Charleroi par exemple, ce n’ est que trente heures après que la grève ait éclaté spontanément, après qu’elle ait été générale dans toute la région et dans le pays, que la FGTB a été contrainte d’ annoncer le mot d’ ordre de grève générale pour la régionale.

On a beaucoup épilogué sur la grande combativité des ouvriers wallons certes, mais en négligeant parfois de mettre sur un pied d’égalité la combativité des ouvriers flamands, qui devaient faire face à de plus grandes difficultés. C’est d’ ailleurs en Flandre qu’a lieu l’occupation de la régie de l’électricité, pendant dix jours, du 20 au 30 décembre. Ce n’ est pas un acte banal, mais une action très significative de la volonté et de la combativité qui existaient aussi parmi la masse des travailleurs de Flandre. C’est la seule entreprise en Belgique qui fut occupée par les grévistes pendant la grève générale de 60/61.

L’ occupation d’ une entreprise, quoique encore relativement pacifique comme ce fut le cas, a une énorme importance symptomatique. Par cette action les ouvriers disent : « Nous sommes les maîtres dans l’ entreprise ». En cette journée du 20 décembre, la combativité était grande, tant chez les travailleurs flamands que bruxellois et wallons.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai