Lutter contre les néofascistes et les populistes de droite avec une alternative sociale contre l’austérité

Par Geert Cool, porte-parole de Blokbuster, article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

Le spectre allant du populisme de droite au néonazisme est aujourd’hui représenté par près de de 100 eurodéputés. En France, le Front National est sorti des urnes en première place, de même que les populistes de droite de l’UKIP en Grande-Bretagne. Le parti néonazi allemand NPD entre au Parlement européen, en compagnie de trois néonazis grecs d’Aube Dorée et de trois collègues hongrois du Jobbik. La croissance des diverses forces d’extrême-droite a conduit à des protestations dans plusieurs pays, avec une impressionnante manifestation à Bruxelles contre la venue de Marine Le Pen le 28 mai, où se sont retrouvés 2.500 manifestants après un simple appel lancé par les JOC (Jeunes Organisés et Combattifs) sur Facebook, appel notamment soutenu par les Etudiants de Gauche Actifs.

Les populistes de droite progressent

Il y a 20 ans, le phénomène de l’extrême-droite se limitait essentiellement à des partis néo-fascistes qui avaient dû nager à contre-courant des années durant en construisant un cadre de parti et qui, tout à coup, se sont développés sur base d’une rhétorique raciste. L’extrême-droite actuelle est bien plus diversifiée. Une partie de la direction des partis néo-fascistes a siégé pendant des années aux parlements, se sont adaptés à cet environnement et ont connu des difficultés internes. Une concurrence est aussi arrivée de la part de toutes sortes de formations qui pouvaient à peine se qualifier de ‘‘partis’’ mais ont obtenu de bons scores électoraux avant de rapidement baisser, voire de totalement disparaître.

L’exemple du Parti de la liberté néerlandais de Geert Wilders (PVV) est significatif à cet égard. Quelques années seulement après l’émergence de Pim Fortuyn, ce fut au tour de Wilders. Mais aux dernières élections municipales néerlandaises, son parti est parvenu à se présenter dans deux villes seulement. Une grande partie des élus nationaux et locaux du parti l’ont quitté en réaction à un commentaire très polémique de Wilders sur les Marocains. Wilders ne dispose plus vraiment de parti pour organiser son soutien, ce qui rend tout come-back difficile.

Des phénomènes similaires existent aussi ailleurs, à l’instar de l’UKIP de Nigel Farage. Cet ancien courtier se présente comme un ‘‘homme ordinaire’’ opposé à l’establishment, alors qu’il est tout heureux d’y appartenir. La progression de telles formations exprime la radicalisation à l’œuvre chez certaines couches de la petite bourgeoisie, des managers qui ne sont pas parvenu au sommet ou de petits patrons qui souffrent de la concurrence féroce devenue plus insoutenable avec la crise. Le large soutien sur lequel ils peuvent électoralement compter est d’autre part une expression de l’hostilité grandissante auquel est confronté l’ensemble de l’establishment. Même des populistes scandaleux comme Laurent Louis et son ‘‘Debout les Belges’’ ou encore le Parti Populaire de Modrikamen parviennent dans une certaine mesure à s’attirer un certain soutien.

Le petit bourgeois radical pleure très fort, et il peut parfois s’attirer des couches plus larges de travailleurs qui ne voient pas encore d’alternative suffisamment viable dans leurs propres rangs.

L’extrême-droite ‘‘traditionnelle’’ n’est pas morte

Le Front National a profité du boulevard que constitue l’aversion pour le PS actuellement au pouvoir et pour l’UMP qui y était encore jusqu’il y a peu. Toutes les dernières élections ont illustré le retour du FN, la baisse connue à l’époque de Sarkozy semble bien loin. Le Parti de la liberté autrichien (FPÖ) est lui aussi de retour après avoir été affaiblit par sa scission constituée autour de l’ancien leader Jörg Haider. Le Vlaams Belang espère suivre ce même chemin, mais il est aujourd’hui dans une position très défensive.

Les néonazis entrent au Parlement européen

Nous savons très bien ce dont est capable Aube Dorée. Ses militants ont commis de nombreux actes de violence et des assassinats d’immigrés ou encore du rappeur militant antifasciste Pavlos Fyssas. Une partie de la direction du parti est aujourd’hui en prison, ce qui ne l’a pas empêché d’atteindre les 9% et d’envoyer trois élus à Bruxelles, dont deux généraux à la retraite. Le Jobbik hongrois, connu pour sa violence contre les Roms, envoie lui aussi trois élus au Parlement européen.

En Allemagne, plusieurs dirigeants du NPD ont gravité autour du groupe terroriste Nationalsozialistischer Untergrund (NSU) dans les années 1990, qui avait commis plusieurs meurtres. Un responsable du NPD, Rolf Wohlleben, a été arrêté pour les avoir aidé à entrer dans la clandestinité et leur avoir donné de l’argent, des armes et des munitions. Leur nouvel eurodéputé, Udo Voigt, avait déclaré en 2007 à la télévision que ‘‘Six millions de morts, cela ne peut pas être exact. Au maximum, 340.000 personnes sont mortes à Auschwitz.’’ Selon le NPD, l’élection d’Obama aux Etats-Unis s’expliquait par une ‘‘alliance américaine des Juifs et des Noirs.’’

Chez nous aussi, on trouve des cercles d’extrême-droite qui sympathisent avec ces partis. L’an dernier, le NSV, organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang, avait organisé une réunion à Anvers avec pour orateur un membre du Jobbik, qui a pris la parole aux côtés du député flamand Tom Van Grecs et d’Udo Voigt. La section de Louvain du NSV n’a pas hésité à faire référence à Aube Dorée dans sa propagande. Côté francophone, le groupuscule néonazi Nation a organisé durant sa campagne électorale un meeting intitulé ‘‘Après les élections du 25 mai : une aube dorée ?’’ qui masque mal les sympathies entretenues pour ce parti…

Le Vlaams Belang doit resserrer les rangs. Mais maintenant que son échec électoral peut entrainer moins d’attention médiatique, il n’est pas exclu que la direction du parti donne le feu vert à toutes sortes de néo-nazis présents dans ses rangs pour qu’ils sortent en rue.

L’heure est à la résistance !

Immédiatement après les élections européennes, plusieurs villes françaises ont connu de grandes manifestations et grèves de lycéens. A Bruxelles, le 28 mai, une manifestation antifasciste impressionnante s’est tenue contre l’arrivée de Marine Le Pen avec 2.500 antifascistes, parfois très jeunes, qui ont défilé du Parlement européen aux bâtiments de la commission européenne. Cette action fut organisée en très peu de temps, mais a su compter sur un large soutien ayant dépassé toutes les attentes.

C’est une bonne base pour renforcer le combat antifasciste. Cette lutte ne doit pas se limiter à exprimer notre opposition à l’extrême-droite et au racisme, nous avons besoin de nous en prendre au terreau sur lequel l’extrême-droite se développe : la crise du capitalisme. La vague d’austérité et ses attaques contre chômeurs, pensionnés et travailleurs laissent un espace pour que grandisse la logique de division et de recherche de boucs émissaires. Il faut organiser notre colère en une résistance efficace. Les élections européennes ont aussi montré que là où le mouvement des travailleurs est entré en action, la gauche radicale a également connu une percée.

Un programme offensif pour un changement de société fait partie intégrante de notre résistance antifasciste. La crise capitaliste conduit à une polarisation et exige des réponses audacieuses. Nous voulons aussi concrètement faire avancer la lutte dans le contexte d’un appel à manifester partout à travers l’Europe le 9 novembre prochain (date de la Nuit de Cristal, un pogrom anti-juif commis en 1938 dans l’Allemagne nazie). Les actions tenues spontanément en France et la manifestation de Bruxelles du 28 mai dernier démontrent le potentiel d’une telle journée d’action. Participez vous aussi, contactez-nous !

L’extrême-droite au Parlement européen

Voici ci-dessous un aperçu non-exhaustif des résultats obtenus par l’extrême-droite aux dernières élections européennes. Nous avons classé ces résultats en trois catégories : populistes de droite, extrême-droite ‘‘traditionnelle’’ et formation néonazies.

Populistes de droite : 48 sièges

• Grande-Bretagne. UKIP : 26,6% et 24 sièges
• Pays-Bas. PVV : 13,3% et 4 sièges
• Finlande. Parti des Finlandais : 13% et 2 sièges
• Danemark. Parti du Peuple Danois : 27% et 4 sièges
• Allemagne. AFD : 7,04% et 7 sièges
• Pologne. Congrès de la Nouvelle Droite : 7% et 4 sièges
• République Tchèque. Parti des Citoyens Libres : 5,2% et 1 siège
• Lituanie: Ordre et Justice : 14,3% et 2 sièges

Extrême-droite ‘‘traditionnelle’’ : 36 sièges

• France. Front National: 25% et 24 sièges
• Italie. Ligue du Nord: 6% et 5 sièges
• Autriche. FPÖ: 20% et 4 sièges
• Suède. Démocrates Suédois : 9% et 2 sièges
• Belgique. Vlaams Belang : 6,8% et 1 siège

Neonazis: 7 sièges

• Hongrie. Jobbik : 14,8% et 3 sièges
• Allemagne. NPD : 1,03% et 1 sièges
• Griekenland. Gouden Dageraad: 9,4% en 3 zetels

Formation de fraction

Pour former un groupe au Parlement européen, 25 sièges issus de sept États membres sont nécessaires. Ces fractions doivent être constituées pour fin juin. Le groupe autour de l’UKIP peut facilement répondre à ces exigences. Autour de ses 24 sièges, il peut compter sur des élus de Finlande (Parti des Finlandais), du Danemark (Parti du Peuple Danois), de Suède (Démocrates Suédois), des Pays-Bas (le SGP, parti religieux conservateur) et éventuellement sur des partis eurosceptiques allemands, polonais et tchèques.

Le groupe autour du Front National français aura plus de mal, surtout au vu de la pression de l’opinion publique qui s’exerce sur les Démocrates Suédois pour qu’ils rejoignent plutôt groupe autour de l’UKIP. La Ligue du Nord italienne, qui était précédemment dans la fraction autour de l’UKIP, fait le mouvement inverse et rejoint Le Pen avec ses quatre élus. Il reste deux autres partenaires à trouver, mais en dehors de quelques partis populistes de droite d’Europe de l’Est, il ne reste de possibilités que parmi les néo-nazis.

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