Protestation à l’ULB: une occasion gaspillée

Enseignement

Début octobre, la direction de l’Université Libre de Bruxelles a annoncé trois mesures qui ont fait l’effet d’une bombe à l’ULB. Les deux premières sont la vente d’une grande partie des terrains du campus de la Plaine et la privatisation des logements étudiants. La troisième mesure est l’introduction d’une carte électronique multifonction regroupant l’accès à tous les services sur le campus, comportant toutes sortes de données personnelles et détectable à distance.

Laure Miège

Cette carte menace les libertés individuelles mais représente surtout un coût démesuré : plus de 500.000€ pour l’installation, puis plus de 60.000€ chaque année. Quand on sait que, l’année passée, 312.000€ ont été supprimés du budget social, on comprend bien que le prestige prévaut sur l’accessibilité aux yeux de la direction…

Une première Assemblée Générale s’est réunie le 16 octobre, qui a réuni plus de 1500 étudiants – une première depuis de nombreuses années – et a voté contre ces trois projets. Plus de 600 étudiants sont partis ensuite spontanément bloquer le conseil d’administration qui devait trancher la question quelques heures après.

Deux jours plus tard, une nouvelle AG était convoquée, à laquelle plus de 700 étudiants ont participé, mais rendue stérile par les méthodes bureaucratiques de ceux qui la dirigeaient. Les discussions tournaient autour du prolème plus général qu’est celui du financement public et de la nécessité d’actions massives. Or, au moment de prendre une décision commune, les étudiants administrateurs pris de panique ont clôturé le vote en appelant les étudiants à se réunir immédiatement devant le rectorat (nous n’étions alors plus que 30 et l’action dura 15 minutes !).

Cette attitude a contribué à pourrir le mouvement, à le démobiliser et à faire gagner la direction. En effet, le manque de clarté sur des perspectives pour le mouvement a mené beaucoup d’étudiants à se lasser, ne voyant comment ils pourraient y participer et montrer leur désaccord, et à ce que diverses initiatives prennent place (assemblée quotidienne, occupation d’un auditoire, tags,…) sans engager ni obtenir une approbation large dans la communauté universitaire.

Un comité fut élu à une AG de seulement 200 étudiants environ le 9/11. Cette assemblée a voté pour des revendications plus larges (telles que le refinancement massif de l’enseignement à hauteur de 7% du PIB, contre la répression policière sur le campus, …) et une grève (en solidarité avec les actions du primaire et du secondaire exigeant plus de budget) la semaine suivante. Les mêmes qui avaient envoyé l’énorme potentiel dans le mur ont là encore joué un rôle complètement démobilisateur. A cela s’est ajoutée une campagne mensongère d’ampleur menée par les autorités. Le tout a eu pour résultat que le blocage a été un échec complet. Il faut savoir qu’au sein du comité, notre organisation étudiante (Etudiants de Gauche Actifs) appelait à faire des piquets informatifs et non un blocage total, vu le rapport de forces, mais nous avons été minoritaires sur ce point.

Finalement, les jeunes les plus investis dans ce mouvement ont été pour la plupart cassés, désillusionnés, et les AG ont eu de moins en moins de participants. Il est important de tirer un bilan du développement de cette lutte (voir nos articles sur www.gauche.be) afin de ne pas laisser passer les mêmes erreurs à l’avenir.

Ce n’est que par un rapport de forces conséquent que l’on pourra obtenir des victoires sur nos revendications. En effet, les syndicats, le personnel, le corps académique n’ont à aucun moment été appelés à soutenir et à s’impliquer dans cette lutte. Seul EGA a mené la discussion avec le personnel et les syndicats sur la nécessité de l’unité dans le mouvement. La lutte pour un enseignement de qualité et accessible à tous doit être portée par l’ensemble des travailleurs et des jeunes.

Pourquoi ces mesures ?

Les mesures proposées par la direction de l’ULB ne peuvent se comprendre que placées dans un cadre plus général.

Le premier élément est la faiblesse des moyens alloués aux universités et aux hautes écoles par le budget de la Communauté française qui oblige chaque établissement à chercher des rentrées financières à l’extérieur (sponsoring, privatisation de services,…).

L’autre, c’est le processus de Bologne, qui se concrétise de plus en plus au niveau européen,et qui conduit à un enseignement à deux vitesses : d’une part, des universités « de luxe » dotées de gros moyens, rivalisant entre elles sur le marché international, mais que le coût élevé des inscriptions et des études réservera aux plus riches et, d’autre part, des écoles « de seconde zone » destinées au marché régional, dont le diplôme coûtera moins cher mais ne vaudra rien.

L’éducation supérieure sera ainsi placée sous le joug de la compétitivité et de la rentabilité…

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Première page de Lutte Socialiste