Delhaize. Visite de solidarité au piquet de Flagey

Ce jeudi 12 juin, nous sommes allés à la rencontre des travailleurs du Delhaize Flagey, à Ixelles, en nous rendant à leur piquet de grève. Il n’y avait d’ailleurs pas que des membres du personnel sur place. Il y avait aussi un ancien collègue venu les soutenir, la permanente syndicale qui faisait le tour des magasins, des forces de l’ordre (sans que personne ne sache vraiment la raison de leur présence) et le directeur du magasin qui s’empressait de partir.

Les travailleurs étaient pour beaucoup sous le choc. Le directeur du magasin venait de leur faire un petit discours moralisateur selon lequel il fallait penser à l’entreprise et que la grève faisait perdre à tout le monde beaucoup d’argent. Quel culot !

La colère, le désarroi, l’envie de se battre, la peur de ce qui va se passer demain, étaient autant de ressentis différents qui traversaient le groupe présent.

L’accueil a été en tout cas très chaleureux à notre égard. Et la proposition que nous avons faite d’aller faire signer leur pétition de soutien dans le quartier a été très bien accueillie.
Nous avons recueilli les propos d’Alex, employé depuis 14 ans à Delhaize.

Par Laure (Bruxelles), photos de Karim (Bruxelles)

Comment avez-vous appris la nouvelle ?

L’annonce a été prise comme une trahison. Un mois auparavant, ils nous avaient réunis dans notre magasin en nous montrant une belle petite vidéo, pour nous dire qu’il fallait alléger les coûts d’une trentaine de magasins mais qu’en même temps tout allait bien. Pour nous rassurer, il nous même parlé d’engagement !
Et puis, un mois après, on se retrouve avec l’annonce que 14 magasins vont fermer, 2.500 licenciements plausibles, une baisse de salaire annoncée pour tout le monde et on nous dit qu’un gros paquebot qui n’avance pas trop, faut pouvoir le soulager.

Qu’est-ce qu’ils entendent par « n’avance pas trop », l’entreprise n’est-elle pas en bénéfice ?

Pas assez pour eux. Depuis la crise de 2008, l’entreprise fait des bénéfices donc on n’est pas soumis à un plan de restructuration ou autre, ils nous parlent dans le vent, c’est des choses qui ne sont pas concrètes.

Les gens étaient contents de travailler chez Delhaize, on a une prime qui est pas énorme, mais c’est déjà quelque chose, on a des chèques repas, on a un treizième mois,… C’est peut-être pas grand-chose, mais pour nous, tous ces petits acquis, ça nous soulage à la fin de l’année.

Et maintenant, on ressent l’insécurité, l’angoisse surtout avec tout ce qui s’est passé ces derniers temps, avec Carrefour, avec ArcelorMittal,… Face à tous ces plans de restructuration, ces licenciements,… les gens se sentent impuissants et ne savent pas comment réagir. L’histoire du bateau, ils l’ont sorti des milliers de fois. Mais je suis désolé, l’entreprise fait des bénéfices.

Y a parfois des gens qui travaillent en couple dans le même magasin. Ils vont se retrouver tous les deux au chômage ! Et ceux qui ont un crédit hypothécaire sur le dos, et ceux qui ont des enfants. Il y a des gens qui sont à la fin de leur carrière, qui sont là depuis plus de 20 ans… C’est inhumain de faire ça. Alors ils nous disent qu’ils ont des plans, qu’ils vont faire ceci ou cela. Mais on y croit plus. On a vu tellement de choses que maintenant on ne croit plus en la direction, on n’a plus confiance.

Donc face à ça, le moyen qu’on a, c’est de faire grève. Si c’est le seul moyen ? Je ne pense pas mais c’est en tout cas le seul que je vois pour qu’on se fasse entendre. Y a personne qui peut aller tout seul devant la haute direction de Delhaize, s’exprimer, montrer son mécontentement,…

Comment vois-tu les mois à venir ?

Delhaize a montré qu’il était visionnaire, et qu’il avait des bonnes idées. Aujourd’hui, avec tout ce qu’ils font, je ne pense pas que les gens reviendront avec le même état d’esprit au boulot. Ça leur a fait un choc. On ne viendra plus avec plaisir mais juste par besoin, parce qu’on a besoin de stabilité, et que si on n’a plus à la fin du mois de quoi se nourrir…

Donc on est là pour l’avenir, pour soutenir les magasins qui ferment, pour les autres aussi, parce qu’on est tous touché par ces 2500 licenciements, tous on va le subir, comme les baisses de salaire.
On est là pour représenter les clients aussi. Parce que l’entreprise a toujours mis beaucoup d’importance aux bons services rendus au client. Mais aujourd’hui, ils nous demandent de donner le meilleur service possible au client avec un minimum de personnel. Et ça n’est plus possible.
Dans le magasin, on est passé de 120 personnes à 85 au total. Si on compte les maladies, les congés, etc. on est plus ou moins 75 au complet. On ressent déjà que la qualité des services n’est pas la même, et ils veulent encore nous retirer du personnel ?! C’est pour ça qu’on se bat aussi.

Ça fait 14 ans que je travaille à Delhaize, j’ai vu clairement une dégradation des conditions de travail, et forcément une augmentation de la pression aussi. Par exemple, on nous demande d’être polyvalents. La polyvalence, dans une certaine mesure, c’est très bien. Ça nous permet d’apprendre plein de choses sur le magasin, de ne pas faire toujours la même chose, etc. Mais aujourd’hui, on nous demande d’être surpolyvalent et de passer d’une tache à l’autre sans avoir le temps de le faire correctement. On ne retrouve plus de satisfaction au travail, et ça devient très frustrant quand on aime le travail bien fait.

Donc on va voir. On reste en contact avec ce qui se passe dans les autres magasins mais on attend. On a peu d’informations. Donc, il y a rien de plus pour le moment, mais c’est aussi pour ça qu’on est là aujourd’hui. Pour montrer qu’on est là, qu’on n’est pas d’accord avec le plan, qu’on est solidaire avec nos collègues et avec les autres magasins. Parce que si on n’agit pas, si on ne fait rien, alors c’est porte ouverte. Et si c’est porte ouverte, alors ils se sentent intouchables et ils font ce qu’ils veulent.

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