Brésil : A l’approche de la Coupe du Monde, le climat social devient plus tendu

Protestations aux Brésil : Action de solidarité à Bruxelles ce vendredi 13 juin

Une vague de luttes et de manifestations déferle sur le Brésil dans la perspective de la tenue de la Coupe du Monde. Les travailleurs du métro de Sao Paolo ont ainsi entamé le 5 juin dernier une puissante grève. Cette grève a été suspendue ce lundi soir, mais une assemblée générale est prévue ce mercredi, veille du coup d’envoi de la Coupe afin de décider d’éventuelles nouvelles actions. Cette lutte dépasse largement le cadre strict des revendications salariales et représente le combat pour la défense des transports publics pour la population. Les grévistes ont bénéficié d’une attention nationale, mais ont été victimes d’une répression brutale de la part de l’Etat.

Ce vendredi 13 juin, nous appelons à la tenue d’une action de solidarité face à l’ambassade du Brésil, Ambassade du Brésil, 350 Avenue Louise 1050 Bruxelles, à 17h30. Des actions similaires se tiendront dans d’autres pays, à l’initiative de sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), dont le PSL est la section belge.


 

Une nouvelle étape franchie dans la lutte des classes

Par André Ferrari, LSR (CIO-Brésil)

La grève des travailleurs du métro a très précisément commencé à la date anniversaire du début des manifestations massives du mois de juin de l’an dernier. Des millions de personnes étaient alors descendues dans les rues de centaines de villes à travers le pays, révoltées contre une nouvelle augmentation des tarifs des transports en commun. À la suite de cette explosion sociale, les différentes autorités du pays ont été contraintes de revenir sur ces augmentations, mais elles n’ont en rien remis en cause le processus néolibéral de privatisation et de démolition des transports en commun publics. A partir de juin 2013 s’est ouvert un nouveau cycle ascendant des luttes de la classe des travailleurs dans un contexte de crise économique croissante et d’impasse du modèle économique et politique des gouvernements du PT (tant sous la présidence de Lula que sous celle de Dilma).

Si les luttes ont été plus fragmentées depuis lors, elles ont acquis un clair profil de classe. D’innombrables grèves ont eu lieu dans les secteurs public et privé. Ces batailles de classe ont touché non seulement les secteurs de travailleurs ayant de fortes traditions syndicales combattives (enseignement, banque, poste, métallurgie, etc.) mais aussi les secteurs plus précaires qui ont plus de difficultés à développer une organisation syndicale. Ce fut le cas des travailleurs publics du secteur du nettoyage à Rio de Janeiro, qui ont organisé une grève au beau milieu du «carnaval». Ils ont dû faire face à la brutalité et à la répression de la mairie de Rio de Janeiro, mais aussi à la pression de la bureaucratie syndicale pro-gouvernementale. Ils ont pu jouir d’un énorme soutien populaire et ont remporté une énorme victoire qui a stimulé des luttes similaires dans d’autres villes du pays. Ce fut encore le cas d’environ 28.000 du complexe pétrochimique de Rio de Janeiro. De même, les chauffeurs d’autobus de Rio de Janeiro et Sao Paulo ont organisé des grèves, en passant par-dessus la volonté de leurs dirigeants syndicaux. À l’heure actuelle, plusieurs secteurs sont en lutte et beaucoup en grève. Un des plus forts mouvements de grève se trouve dans les universités de l’Etat de São Paulo, notamment à l’USP (Université de São Paulo) avec des mobilisations intenses d’étudiants, d’enseignants et du reste du personnel.

Le rôle central du MTST

Au cours de ces dernières semaines, les manifestations dirigées par le Mouvement des Travailleurs Sans-Toit (MTST), principalement à São Paulo, ont eu une large attention. A l’aube du 3 mai, le MTST a mené une occupation massive de terres que leurs propriétaires destinaient simplement à la spéculation. Ce terrain est situé à quelques kilomètres du stade qui accueillera l’ouverture de la Coupe du Monde dans le quartier Itaquera, à l’est de la ville de São Paulo. Le stade a coûté près d’un milliard de Reals (400 millions de dollars), et l’occupation visait à illustrer le contraste entre d’une part les dépenses publiques destinées à stimuler les bénéfices de la FIFA, des grands constructeurs et des spéculateurs immobiliers et d’autre part la situation de vie précaire des travailleurs.

L’occupation d’Itaquera a été dénommée « la Coupe du Peuple », et elle implique aujourd’hui 4.000 familles environ. La Coupe du Monde a entrainé une forte augmentation des prix de l’immobilier (jusqu’à 200% dans certains quartiers de la ville) et de grandes augmentations de loyer. Des millions de travailleurs sont contraints de quitter leurs foyers et de vivre plus loin de leur lieu de travail, aggravant encore le problème de la mobilité urbaine dans une ville comme São Paulo. Les revendications consacrées au droit au logement et au transport font partie intégrante de la lutte pour le droit des travailleurs à disposer de leur ville, alors qu’elle est aux mains des entreprises.

Le MTST a pu organiser des marches de milliers de travailleurs sans-abri et de leurs alliés afin de défendre leurs revendications. La dernière a eu lieu le 4 juin, quand 25.000 personnes ont bloqué l’accès au nouveau stade tout juste une semaine avant l’ouverture de la Coupe du Monde. Cette manifestation a mis en évidence la force du mouvement, capable de menacer l’ouverture même de la Coupe du Monde.

Quelques jours avant, la menace d’une expulsion forcée du site Itaquera ouvrait la sombre perspective d’un bain de sang, puisque le mouvement avait opté pour la résistance. Mais peu après, le gouvernement fédéral de la présidente Dilma Rousseff (PT) a cherché à ouvrir des négociations et a indiqué que le gouvernement allait répondre aux revendications du mouvement. Le terrain occupé par la «Coupe du Peuple » doit être affecté à la construction de logements abordables avec des fonds publics sous l’administration du mouvement lui-même. Une fois confirmée une telle retraite de la part du gouvernement, cette victoire éclatante de la lutte du MTST ouvrirait la voie à de nouvelles luttes pour d’autres mouvements.

La grève du Métro

C’est dans ce contexte que la grève des travailleurs du métro a lieu. Dans ce cas, l’ennemi direct est le gouvernement de l’État de São Paulo dirigée par le néolibéral Alckmin (PSDB). L’approche des autorités a jusqu’ici été faite de brutalité extrême avec répression policière aux piquets de grève dans les stations de métro, menaces de licenciement et une grande intransigeance dans les négociations. Le syndicat des travailleurs du métro est dirigé par la gauche syndicale, généralement liée aux partis PSTU et PSoL, et bénéficie d’un large soutien dans le secteur. La plupart des dirigeants syndicaux sont liés à la fédération CSP-Conlutas, mais le syndicat du Métro n’est pas affilié à une fédération syndicale particulière. Les assemblées générales quotidiennes réunissent plus de 2000 travailleurs, sur environ 9500. Les piquets de grève sont organisés pour bloquer certains pans du réseau, puisque les patrons se sont mobilisés pour faire fonctionner certaines lignes de métro, en mettant par ailleurs en danger la population puisque le personnel n’est pas formé pour cela. Le gouvernement essaie à tout prix de tourner l’opinion publique contre les travailleurs du métro, sans beaucoup de succès. Mais la tâche est rude pour gouvernement Alckmin, puisque ce gouvernement et de précédents du PSDB sont impliqués dans un énorme scandale de corruption qui implique de grandes entreprises comme Siemens et Alstom, fournisseurs de matériel et de services pour le métro de São Paulo…

Dans le cadre de la préparation de la grève, le syndicat a dénoncé la politique du gouvernement Alckmin concernant les transports publics. Le syndicat a également proposé que, pour ne pas nuire à la population, les travailleurs annulent l’arrêt de travail en échange de l’ouverture des tourniquets de métro donnant ainsi gratuitement accès aux utilisateurs! La proposition a été bien accueillie par la population et a même servi à promouvoir le débat sur la revendication de la gratuité des transports publics, qui a gagné en popularité depuis juin 2013.

Mais le gouvernement, avec le soutien de la Cour du travail, s’est réuni ce dimanche pour juger la grève illégale, au motif que le syndicat ne garantit pas le bon fonctionnement du métro pendant les «heures de pointe», car il s’agit d’un service « essentiel ». Que reste-t-il du droit de grève si une catégorie des travailleurs est censée travailler à 100% durant une grève ? Les tribunaux ont imposé une amende de cent mille Reals au syndicat (40.000 $) par jour de grève et ont déclaré légitime le licenciement des grévistes. Les travailleurs se sont réunis à nouveau réunis en assemblée le dimanche 8 juin et ont décidé d’affronter le gouvernement, les médias et les tribunaux.

À l’heure actuelle, de nombreux secteurs du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, y compris le MTST et les organisations de jeunesse, se mobilisent pour construire une action de masse en soutien des travailleurs du métro. La force et la volonté de se battre des travailleurs du métro, avec le soutien populaire organisé en une grève, sont des facteurs qui peuvent être en mesure de pousser le gouvernement à la défaite.

Unifier les luttes et construire une grève générale de 24 heures

LSR (section du CIO au Brésil) a lutté de toutes ses forces pour construire l’unité des luttes qui se développent aujourd’hui dans le pays. LSR est notamment intervenu dans les luttes du MTST et de la CSP-Conlutas, le groupe le plus dynamique de la gauche syndicale, en défendant que ces deux pôles de lutte devaient agir de manière coordonnée, ce qui est maintenant en train de se produire. LSR a également préconisé la nécessité d’une conférence nationale des mouvements en lutte pour élaborer une plate-forme commune et un plan d’action commun. Nous avons également fait valoir qu’il est nécessaire de construire par la base une grève générale de 24 heures dans le pays.

Parvenir à une lutte unifiée des travailleurs du métro, des enseignants, des travailleurs sans-toit et des jeunes est une condition préalable à la réorganisation et à la reconfiguration d’un mouvement des travailleurs combattif et d’une gauche socialiste.

Des messages de solidarité avec les travailleurs du Métro peuvent être envoyés au Sindicato dos Metroviarios de Sao Paolo, sindicato@metroviarios-sp.org.br, avec copies à andre.ferrari@uol.com.br .

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