[INTERVIEW] “Se préparer à l’austérité à venir par un front de résistance !’’

Interview d’Anja Deschoemacker

Pour ces élections, des listes ‘‘Gauches Communes’’ étaient déposées à Bruxelles, à la Chambre et à la Région. Ces listes regroupaient des militants du Parti Socialiste de Lutte et du Parti Humaniste, avec également des indépendants, autour de la nécessité d’un plan radical d’investissements publics massifs pour répondre aux diverses nécessités sociales (logement, crèches, écoles,…) tout en créant des emplois décents et socialement utiles. Nous avons discuté de l’évaluation de cette campagne avec Anja Deschoemacker, tête de liste à la Chambre pour Gauches Communes et membre du PSL.

Comment s’est déroulée la campagne de Gauches Communes ?

Tout d’abord, nous n’avons bénéficié d’aucune attention médiatique. Nous avons été très peu invités aux débats syndicaux, associatifs, etc., conséquence du ‘‘vote utile’’ pour le PTB. Lors de précédentes campagnes, soit avec le Front des Gauches (qui réunissait le PC, la LCR, le PH, le CAP, Vélorution et le PSL en 2010), soit pour la première campagne de Gauches Communes aux dernières élections communales, nous avions pu être orateurs lors de plusieurs débats. Mais pour ces élections, nous avons eu comme seule visibilité notre campagne en rue et les nombreuses discussions sur le terrain.

Mais compte tenu de nos forces encore limitées, il ne nous a pas été possible de mener campagne dans tout Bruxelles, nous ne l’avons fait que dans les quatre communes où nous nous étions présents aux communales – Anderlecht, Jette, Ixelles et Saint-Gilles – en nous concentrant toutefois sur Saint Gilles. D’autres campagnes avaient également été menées contre les deux dernières augmentations des tarifs de la STIB, et contre l’augmentation du prix de la distribution de l’énergie, conséquence de la manière dont la commune fait payer à la population l’affaire Dexia. La commune devra encore payer de nombreuses années l’emprunt contracté auprès de Dexia pour… avoir renfloué Dexia ! On parle tout de même d’un demi-million d’euros par an… Une des particularités de ces campagnes était l’effort systématique visant à mener des actions avec les habitants et pas seulement entre militants.

Quel a été l’écho des idées défendues par Gauches Communes parmi la population ?

Il fut très bon. Une des idées que nous avons le plus accentué est la nécessité de construire un large front de résistance une fois les élections passées, puisque nous savons qu’une politique d’austérité nous attend à tous les niveaux. Sur ce point, les discussions ont été formidables aux stands et lors des distributions de tracts.
Mais nous avons été confrontés à deux ‘‘votes utiles’’. Le premier, pour le PS, n’a rien de neuf, mais il est par contre en (plein) déclin. Il a été basé sur l’idée de se préparer à la victoire de la N-VA en Flandre ainsi que sur la menace de finir avec Reynders comme ministre-président de la Région bruxelloise. Mais le dégoût s’est fortement développé vis-à-vis du PS, suite à l’expérience d’un gouvernement fédéral dirigé par Di Rupo. Et ce n’est pas la politique régionale ou communale qui fait la différence… Mais, même affaibli, le PS est tout de même très présent. Le deuxième vote utile, c’était celui pour le PTB. Là aussi, c’était un élément déjà présent lors des élections communales, mais cela s’est considérablement renforcé.

Nous avons toujours fait des propositions au PTB pour déposer des listes unitaires à gauche, tant avec le Front des Gauches qu’avec Gauches Communes, propositions qui se sont toujours soldées par un refus. Cette fois-ci, nous avions proposé de participer aux listes PTB-GO, même un groupement de liste n’a pas été possible ! Le PTB-GO (qui comprenait également des candidats de la LCR et du PC) a préféré conclure un accord avec les listes Pro-Bruxsel et BUB, alors qu’elles n’ont rien de gauche.

Nous n’avons jamais cessé de discuter lorsque notre interlocuteur nous disait préférer voter pour le PTB : c’est un pas en avant positif par rapport au soutien aux partis établis, et c’était l’opportunité de discuter des initiatives à prendre une fois passées les élections, notamment autour de cette question d’un front large et unitaire de la résistance sociale contre la politique d’austérité.

Au final, nous avons obtenu 0,29% à la Chambre (soit 1.461 voix) et 0,21% à la Région (soit 843 voix). Sur Saint-Gilles, nous avons obtenu 1,12% à la Chambre et 0,89% à la Région. Bien entendu, nous aurions espéré obtenir un meilleur, tout en sachant par avance que cela n’allait pas du tout être évident de reproduire le résultat obtenus aux communales à Saint-Gilles (3,65%). Mais ce qui est frappant, c’est la nouvelle progression de la gauche véritable dans cette commune. Alors que le PTB et Gauches Communes réalisaient ensemble 7,5% aux communales, le score le plus élevé dans une commune bruxelloise, il est maintenant question de plus de 9% ! Nos campagnes ont incontestablement joué un rôle dans ce succès. Si nous parvenons à réaliser une unité plus large, nous pouvons positionner la gauche radicale comme deuxième force de cette commune derrière le PS !

A côté des éléments précités, il faut aussi savoir qu’une large partie de la population saint-gilloise est issue des communautés européenne ou marocaine, qui pouvaient voter pour le scrutin communal mais pas pour ces élections.

Peux-tu nous en dire plus sur cette nécessité d’un front de résistance contre l’austérité ?

Nous avons eu un bon début de discussion autour de cette idée lors d’un meeting que nous avons organisé avec ‘‘Alternatives à Bruxelles’’. Le PTB n’avait malheureusement pas envoyé d’orateur, mais des représentants du PC, de la LCR, de VEGA, de la LCT, du PSL et du PH étaient présents à la tribune. Il ressortait clairement de cette discussion que, malgré les divergences, l’idée faisait mouche. Gauches Communes veut d’ailleurs organiser une rencontre à la rentrée afin de poursuivre cette discussion et de voir comment poser les premiers pas concrets en cette direction.
Les autorités vont bénéficier de 5 ans sans élection nationale (et de 4 ans avant les prochaines communales). Elles vont appliquer une austérité bien plus sévère que ce que le gouvernement précédent a déjà réalisé (le gouvernement Di Rupo a déjà appliqué une austérité de 22 milliards d’euros…). Ce constat est partagé plus largement puisque, quelques jours plus tard, Jean-François Tamellini, secrétaire fédéral FGTB, a lancé un appel à un ‘‘vaste mouvement social’’ contre l’austérité.

Mais des obstacles restent présents, parmi lesquels les liens entretenus entre les directions syndicales et des partis comme le PS, le SP.a ou encore le CD&V, très certainement dans le cas d’une tripartite traditionnelle au fédéral. Malgré la discussion autour de l’Appel du 1er mai 2012 de la régionale FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut appelant à rompre avec le PS et Ecolo, la direction nationale de la FGTB a très explicitement appelé à voter pour le PS et le SP.a. Aucun groupe de gauche ou organisation de gauche ne peut, à lui seul, briser cette situation, il faut que les différentes organisations de gauche soutiennent et inspirent la gauche syndicale pour qu’elle s’organise et qu’émerge enfin un plan d’action conséquent et audacieux qui implique activement le nombre le plus large de travailleurs.

A ce titre, le processus de l’Alliance D19-20, qui a pris en charge l’organisation d’actions contre l’austérité européenne et le Traité Transatlantique, représente un pas dans la bonne direction et illustre le potentiel existant pour un plan d’action élaboré collectivement, notamment avec des assemblées générales, et pas uniquement avec des réunions de représentants syndicaux ou de mouvements. Mais il faut réagir à tous les niveaux de pouvoir, car les mesures d’austérité viendront de partout. Sans lutte sérieuse, nous ne ferons que perdre nos conquêtes sociales les unes après les autres.

A la Région bruxelloise, des années durant, toutes les revendications des travailleurs ont été mises de côté sous l’argument qu’il fallait attendre le refinancement de la Région. Ce refinancement est aujourd’hui là, mais il est quasiment exclu qu’il soit utilisé pour améliorer les conditions de travail et le salaire des travailleurs de la Région. Ne parlons même pas des travailleurs communaux chez qui l’on trouve les conditions de travail les plus révoltantes !
Ce front de résistance devrait aussi soutenir les travailleurs du privé, qui aujourd’hui sont souvent condamnés à se battre de manière isolée. Nos luttes doivent être reliées, les unes aux autres, pour pouvoir enfin lier à l’action la force de la classe des travailleurs, lorsqu’elle est unie et marche dans la même direction.


 

Merci !

Nous tenons à remercier nos électeurs de même que tous les camarades et sympathisants de Bruxelles et d’ailleurs qui ont rendu possible cette campagne dans les rues de Saint-Gilles. Le travail n’a pas manqué et ce fut un grand effort de pouvoir maintenir des stands quotidiens, assurer le collage d’affiches dans les magasins, distribuer les tracts dans les boîtes aux lettres (plusieurs tracts différents en 20.000 exemplaires à chaque fois).
Cette expérience fut très bénéfique. Les membres du PSL sont habitués à intervenir aux piquets de grève, lors d’actions ou de manifestations syndicales et de la jeunesse radicalisée. Mais c’est autre chose de mener une campagne vers un public plus large sans baisser le niveau de notre programme, avec un effort constant pour populariser des mots d’ordre tels que la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique et en argumentant systématiquement sur la nécessité de changer de système pour parvenir à un changement réel.
Dans la perspective du retour de luttes massives en Belgique, cette campagne fut une excellente préparation pour notre parti.

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