L’an dernier, 92 fusillades ont eu lieu à Bruxelles, entrainant la mort de 9 personnes et 48 blessé.e.s. La plupart des incidents étaient liés à la drogue. Après une série de fusillades à Anderlecht, le gouvernement a apporté les réponses classiques : une task force et davantage de policiers. Echouant partout ailleurs, la « guerre contre la drogue » réussira-t-elle à Bruxelles ? Où trouver un début de solution ?
Une affaire de milliards
La production de drogues en Amérique latine continue d’augmenter. Ce n’est pas surprenant : en Colombie, un.e agriculteur.trice reçoit environ 720 euros pour un kilogramme de cocaïne. Le gouvernement tente d’encourager les agriculteur.trice.s à se tourner vers le cacao, mais cela ne leur rapporte que 1,9 euro par kilo. La pression exercée sur les agriculteur.trice.s entraîne une augmentation de la production de cocaïne et une déforestation alarmante.
Cependant, c’est la distribution, tant la vente en gros que la vente finale aux consommateurs, qui génère les plus gros profits. Le criminologue Steven Debbaut (VUB) note que « c’est un marché noir dans lequel beaucoup d’argent est impliqué ». Le marché européen de la cocaïne représenterait à lui seul un chiffre d’affaires annuel de 10,5 milliards d’euros. Cela laisse place à toutes sortes d’organisations criminelles, chacune cherchant à obtenir une part toujours plus importante des profits de la drogue.
Les dirigeants de ces organisations se protègent. Fin janvier, par exemple, il a été révélé qu’une trentaine de criminels anversois, condamnés ou recherchés, possédaient ensemble plus de 200 propriétés à Dubaï, d’une valeur de plus de 250 millions d’euros. Pour les besognes du trafic et la protection de leurs « propres » débouchés, ils font appel à des jeunes des quartiers populaires séduits par l’argent et le statut.
Le fait que la mafia de la drogue trouve si facilement du « personnel » en dit long sur la maladie de cette société. Il s’agit souvent de jeunes qui vivent dans des quartiers où ils ne peuvent pas faire grand-chose d’autre que traîner dans des squares. Leur avenir se résume souvent à des flexi-jobs ou à d’autres emplois mal payés qui les condamnent à rester dans le même quartier, ou à être repoussés vers des quartiers moins chers sous la pression de la gentrification. Les politiques actuelles ne feront qu’exacerber cette aliénation. Les plus grandes victimes sont les autres personnes qui habitent ces quartiers et les travailleur.euse.s, comme le personnel soignant (ambulances, services d’incendie…), qui sont de plus en plus souvent agressés lors des interventions.
Leur seule réponse : la répression
La seule réponse des autorités consiste invariablement à renforcer la répression ou, faute de moyens, à annoncer davantage de répression. Pendant ce temps, rien n’est fait contre le modèle de profit de l’industrie de la drogue. Les politiques antisociales assurent un apport constant de nouvelles recrues pour les patrons de la mafia. La « guerre contre la drogue » échoue depuis des décennies, depuis que le terme a été popularisé par Nixon en 1971.
En outre, ces politiciens visent généralement les consommateur.trice.s, du moins celleux qui sont les plus susceptibles d’être marginalisé.e.s. Les problèmes liés aux drogues ne surviennent généralement que lorsqu’il existe d’autres problèmes sous-jacents. L’ouverture d’un nombre suffisant d’espaces de consommation pour protéger les consommateur.trice.s et la décriminalisation des drogues feraient une grande différence. La prévention doit être débarrassée des moralistes. Elle doit fournir des explications solides et scientifiques sur les drogues et offrir aux jeunes la possibilité de résoudre leurs problèmes.
Il faut investir dans les conditions de vie de la majorité de la population, en particulier dans les quartiers populaires les plus pauvres. Pensez à des salaires décents pour de bons emplois, à davantage de services publics, à des possibilités de loisirs intéressantes, mais aussi à la rénovation des vieux quartiers (de meilleurs logements, abordables, davantage de parcs et de verdure…).
Dans un système capitaliste où tout tourne autour des profits réalisés légalement et illégalement, la mafia de la drogue peut se développer et terroriser nos quartiers. Pour changer les choses, il ne faut pas compter sur les partis traditionnels ou sur la poursuite des politiques qu’ils mènent depuis des années. Ce qu’il faut, c’est rompre avec les politiques qui détruisent nos communautés. Briser l’énorme machine à fric du trafic de drogue, c’est aller à l’encontre de tout le système capitaliste.