Violence sectaire au Pakistan. Parachinar saigne à nouveau

Violence sectaire, accusations de blasphème contre des minorités comme les Ahmedi, les chrétien.ne.s ou les chiites, meurtres collectifs, meurtres de chiites, génocide chiite : Une fois de plus, des échos effroyables nous parviennent de Parachinar, dans le nord-ouest du Pakistan.

Article d’Andleeb Haider, militante d’origine pakistanaise

Le district de Kurram est une région de la province de Khyber-Pakhtunkhwa (KPK), dans le nord-ouest du Pakistan. Ce district est divisé en trois parties : le Haut-Kurram, le Kurram-Centre et le Bas-Kurram. Sur la carte, Parachinar, la ville centrale du Haut-Kurram, apparaît comme une enclave afghane. Une seule route relie Parachinar au reste du Pakistan. Cette route est appelée « Thall Parachinar » parce que la ville est située sur une montagne et qu’il n’y a pas d’autres routes qui descendent.

Parachinar a joué un rôle important dans l’affrontement entre l’URSS et les États-Unis au cours de la guerre soviéto-afghane. Située à 90 km de Kaboul, cette ville frontalière pakistanaise a servi de rampe de lancement aux djihadistes venus du reste du pays et du monde entier pour combattre les Russes. En représailles, les troupes soviétiques et leurs alliés afghans ont bombardé à plusieurs reprises le district de Kurram et Parachinar. La population chiite locale n’était ni pro-soviétique ni pro-djihadiste, mais elle a payé un lourd tribut à la guerre. Elle l’a fait non pas une fois, mais plusieurs fois.

Dans les années 1980, la population chiite locale, en particulier la tribu Turi, a résisté aux djihadistes pour mettre fin aux représailles contre Parachinar. Cependant, le passage était stratégiquement très important. Le dictateur de droite Zia-ul-Haq a tenté de faire de Kurram une base permanente pour les djihadistes, malgré la résistance de la population locale. La situation dans cette région frontalière a toujours été tendue, la paix et la prospérité n’ayant jamais été la priorité du gouvernement et des élites pakistanaises.

Après les attaques américaines suivant le 11 septembre 2001, les djihadistes ont recommencé à se rassembler à Kurram pour franchir la frontière afghane et combattre les États-Unis. Les tribus chiites, quant à elles, ont choisi de soutenir les Hazaras vivant en Afghanistan. Une fois de plus, des talibans pakistanais et afghans appartenant aux deux camps ont mené des attaques contre Parachinar et d’autres zones où les chiites sont majoritaires. Depuis 2007, la route d’accès centrale est bloquée suite aux attaques du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP). L’approvisionnement n’est donc possible que par le biais de convois armés.

En même temps, la population de Kurram est également en proie à des dissensions. Selon les données officielles, celle-ci se compose de 43 % de chiites et de 57 % de sunnites, mais les chiites possèdent davantage de terres. Lors de conflits, des tribus sunnites se sont emparées de terres. Cela s’accompagne souvent de disputes et d’affrontements. En 2023, des affrontements dans le village de Bushehra ont fait 7 morts et 37 blessés. Un an plus tard, de nouvelles violences sectaires ont fait 49 morts et 200 blessés. La terre est très riche et fertile pour toutes sortes de cultures et, selon des sources locales, les montagnes de la partie supérieure du district de Kurram et des environs de Parachinar regorgent de minéraux.

Le 24 novembre 2024, un convoi d’environ 200 véhicules s’est rendu de Peshawar à Parachinar sous la supervision de l’armée. Dans le Bas-Kurram, il a été attaqué. Cette attaque a fait 49 morts, dont un bébé de six mois. D’autres incidents ont également eu lieu. La route a été complètement fermée. Il n’y a plus de nourriture, de médicaments et de carburant. Des dizaines d’enfants sont morts faute de médicaments.

Le gouvernement fédéral dirigé par le PML-N et le gouvernement provincial dirigé par le PTI se renvoient mutuellement la responsabilité. Ils s’accusent mutuellement et n’hésitent pas à mentir. Après de nombreux travaux, une réunion des autorités a finalement eu lieu le 23 décembre pour discuter de la situation à Kurram. Le Premier ministre de la province de KPK a annoncé que tous les habitants du district seraient désarmés. Toutefois, les tribus chiites, qui sont invariablement la cible de tirs de part et d’autre de la frontière, sont très inquiètes.

Les habitants de Paranichar protestent et s’opposent au désarmement et aux massacres brutaux. Des manifestations sont organisées pour défendre la paix et la stabilité, l’éducation et les soins de santé pour les enfants, l’ouverture du Thall Parachinar et la sécurisation de cette route afin que les gens puissent voyager sans crainte. Les litiges fonciers doivent être portés devant les autorités et agences compétentes.

La violence sectaire et le conflit en cours montrent comment l’impérialisme et les puissances régionales, avec leurs conflits et leurs guerres, ne causent pas seulement la mort et la destruction dans les régions qu’ils ont ciblées, mais perturbent également des équilibres locaux vieux de plusieurs décennies entre les populations. L’absence de moyens pour l’éducation, la santé et l’avenir des populations alimente la spirale de violence meurtrière et de barbarie croissante. Le sort terrible des habitants de Parachinar est à peine évoqué dans les médias du monde entier. Nous devons agir pour que cela change.

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