Nous sommes beaucoup à ne pas pouvoir tenir le coup et à partir en maladie. Pour les partis de droite, la chasse est ouverte. Et toutes les personnes qui seraient susceptibles d’être complices des malades sont dans le collimateur, jusqu’aux médecins et aux compagnies d’assurance maladie.
Bien peu de gens seront épargnés. De Wever veut réintroduire le jour de carence: le premier jour de carence lors d’une maladie courte durée ne serait plus payé. Selon la super note, cette mesure est nécessaire pour “contrecarrer l’utilisation abusive de courtes périodes d’incapacité sans certificat médical”. L’idée sous-jacente, c’est que chaque personne malade à la maison est un.e suspect.e qui s’absente «abusivement». Depuis quelque temps, il n’est plus obligatoire de fournir un certificat médical pour les absences d’une seule journée dans les grandes entreprises. Les absences d’un jour ont augmenté, mais il y a eu moins d’absences courtes dans l’ensemble. Les travailleur.euse.s restent plus facilement à la maison pendant une journée, mais retournent plus rapidement au travail par la suite. L’absentéisme de courte durée a diminué en 2023 par rapport à 2022.(1) Le point de départ de la super note est donc un fantasme qui ne repose pas sur des faits.
L’attaque la plus grave concerne les malades de longue durée. Celles et ceux-ci doivent reprendre le travail le plus vite possible. Nous n’avons aucun doute quant au fait que de nombreuses malades de longue durée ne demanderaient pas mieux que de pouvoir contribuer à la société. Tout le problème, c’est de pouvoir leur fournir un travail adapté et réalisable. Quand des gens quittent le boulot, c’est généralement pour des problèmes de santé physique ou d’une surcharge nerveuse. Mais la droite ne dit rien à ce sujet. C’est la victime qui est fautive. Et faute de coopérer suffisamment à leur parcours de retour à l’emploi, on leur volera une partie de leurs allocations.
Histoire que la pression soit encore plus forte, De Wever veut contrôler les médecins et analyser les statistiques pour voir qui “prescrit des périodes d’incapacité de travail nettement plus nombreuses et/ou plus longues”, afin d’imposer une sanction financière. Protection de la vie privée? Relation médecin-patient ? Avec la N-VA, ça dégage!
Outre les médecins, les caisses d’assurance maladie sont également visées. En attendant que le contrôle de l’incapacité soit retiré aux caisses d’assurance maladie, la super note veut faire dépendre le financement de ce contrôle de “la mesure dans laquelle elles parviennent effectivement à réintégrer les malades de longue durée dans le marché du travail”. Ainsi, un médecin-conseil qui déclare un malade de longue durée inapte au travail ponctionnerait sur ses propres fonds de fonctionnement. Ce n’est pas une mince affaire en termes de conflit d’intérêts!
Pour le document de travail de l’Arizona, il faudrait passer “d’une approche essentiellement médicale à une approche multidisciplinaire et davantage axée sur le marché du travail”. Une approche médicale des personnes malades, imaginez l’horreur!
D’où vient donc cette hausse des maladies de longue durée ? Selon la Banque Nationale, l’évolution démographique des travailleur.euse.s est un facteur important: en 1999, un quart de la masse salariée avait plus de 45 ans. En 2019, il s’agissait de 42%. (2) Plus les salarié.e.s sont âgé.e.s, plus le risque de tomber malade est élevé. Plus des trois quarts des personnes malades de longue durée ont d’ailleurs 45 ans ou plus. La plus forte augmentation du nombre de malades de longue durée concerne les salarié.e.s âgé.e.s de 55 ans et plus. Ne tournons pas autour du pot: la droite veut nous faire bosser jusqu’à ce que nous tombions littéralement raides morts.
L’augmentation constante de la productivité accroît la pression au travail, ce qui entraîne davantage de burn-out et de dépressions. Près d’un quart des personnes en invalidité de longue durée souffrent d’épuisement professionnel ou de dépression. Entre 2016 et 2021, il y a eu une augmentation de 46% des cas d’épuisement professionnel et de dépression à long terme.(3). Plusieurs propositions de l’Arizona augmenteront encore le nombre de burn-out. Dans le domaine des soins de santé, par exemple, De Wever veut économiser 300 millions d’euros. Combien de travailleur.euse.s de la santé supplémentaires veulent-ils plonger dans l’épuisement professionnel en allouant des fonds insuffisants à un secteur des soins qui craque ?
La note de De Wever repose sur des préjugés à l’égard des personnes malades de longue durée: leur situation serait “de leur propre faute”, quand ce n’est pas purement et simplement leur paresse qui est épinglée. Rien d’étonnant, cela cadre parfaitement avec la vision dominante selon laquelle le burn-out ne serait qu’un problème purement individuel. Pour les patrons et les responsables politiques, cette vision ne manque pas d’intérêt, elle écarte toute responsabilité de leur part. Leur réponse peut d’autant mieux se limiter elle aussi au domaine individuel, par le biais de sanctions par exemple. De cette manière, la protection sociale passe d’une application générale à un « privilège » individuel.
Ce système nous rend littéralement malades ! La protection de la santé des travailleur.euse.s a toujours été un combat essentiel du mouvement ouvrier. La défense d’un environnement de travail et de vie sain et de salaires décents faisait partie des racines de l’organisation de notre classe sociale. Il faut des revendications offensives pour de meilleures conditions de travail, telles qu’une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire, une réduction de la pression au travail, un suivi médical des situations de travail problématiques, du personnel et des ressources en suffisance dans les secteurs où le taux d’abandon est élevé aujourd’hui.
1. Ziekteverzuim klimt naar recordhoogtes: werknemers 10 procent van de werktijd afwezig, Vrt. be, 5 janvier 2024.
2. Rising number of sick pay recipients in Belgium: causes and results of reintegration policies, NBB Economic Review 2024 No 3
3. Langdurige arbeidsongeschiktheid: Hoeveel langdurige burn-outs en depressies? Hoeveel kost dat aan uitkeringen?, riziv.fgov.be