150.000 emplois menacés, pouvoir d’achat épuisé, austérité brutale annoncée …
Ce que nous préparent Barnier et Macron s’annonce très brutal. Ils essaient de faire passer un budget austéritaire, alors que les services publics sont déjà bien vides voire inexistants, et que la vie chère impacte de larges couches de la société. Au même moment s’enchaînent les annonces de milliers de licenciements, derrière les mastodontes Auchan et Michelin : la perspective de se retrouver sans emplois touchera plus de 150.000 personnes selon la CGT – « Nous sommes au début d’une violente saignée industrielle », disait sa secrétaire générale Sophie Binet. Depuis mi-novembre la colère pousse de nombreux secteurs de travail à se mettre en grève, avec aussi un appel de la CGT pour une grève le 12 décembre contre cette vague de plans de licenciements. Le potentiel existe pour un puissant mouvement social contre l’austérité et la vie chère, et contre les oppressions raciste, sexiste et queerphobe systémiques. L’échec du mouvement contre la réforme des retraites ne doit pas nous décourager ; au contraire, inspirons-nous de son atmosphère combative pour en dépasser les faiblesses. Coordonner la colère et la résistance pourrait se faire via l’implication des couches larges à la base, via le lancement de comités de lutte sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers. |
Macron et Barnier veulent nous imposer une nouvelle cure d’austérité
Un lourd plan de coupes budgétaires, c’est ce que veut imposer le gouvernement Barnier, avec bien sûr le plein accord de Macron. Mais le débat sur le budget 2025 n’en finit plus de battre son plein à l’Assemblée Nationale. Ni les macronistes, ni Les Républicains ne veulent être vus comme ceux qui auront été le plus loin dans la casse sociale. En octobre et novembre, les tensions étaient vives entre les partenaires de majorité, si bien que plusieurs ministres ont menacé de démissionner au cas où leur ministère allaient devoir faire des coupes budgétaires trop importantes.
Un projet de texte a finalement été établi, mais les partenaires de coalition se heurtent à leur absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Avant d’arriver en séance plénière à l’AN, le texte initial a ainsi subi de très lourdes modifications en commission, sous l’impulsion de la France Insoumise et des autres partis dans la coalition Nouveau Front Populaire (NFP), imposant notamment un impôt universel sur les multinationales, une taxe sur les super-dividendes et les GAFAM et un impôt sur le patrimoine des milliardaires. Les partis de gouvernements (et le RN !) ont donc décidé de voter contre le texte (ce qui constitue un fait historique) et de renvoyer sa version initiale vers le Sénat, où la gauche ne pourra pas amender le texte dans ce sens, puisqu’elle y est quasi inexistante.
Les débats et les votes vont encore durer jusqu’à mi-décembre, mais il semble très peu probable que Macron/Barnier arrivent en définitive à imposer leur projet de budget sur base d’un vote – ce sera donc très probablement via le très impopulaire 49.3. Suite à cette activation, un vote de censure par toutes les oppositions serait fatal au gouvernement Barnier, qui pourrait ainsi tomber dans le courant du mois de décembre.
Michelin, fonction publique, SNCF : les mobilisations montrent la voie
Monde agricole, rail, fonction publique, collectivités territoriales, grande distribution, automobile, VTC, hôpitaux publics, biologistes médicaux, chimie… : contre les plans de licenciements, contre la vie chère, pour les salaires et de meilleures conditions de travail, contre les plans d’austérité budgétaire, les actions et grèves se succèdent depuis la mi-novembre.
Michelin – Fermeture des usines de Vannes et Cholet, 1.250 emplois directs, et des milliers d’autres qui en dépendent : l’annonce de Michelin a provoqué un séisme, auquel s’ajoute d’autres emplois menacés dans le secteur automobile, dans le contexte de crise profonde de l’industrie dans le monde. Le secteur est en crise, mais pas le compte en banque des décideurs de Michelin, qui viennent de procéder à des versements de dividendes records, et qui n’ont pour programme que la logique de profit pour eux-mêmes, avec le soutien des gouvernements pro-capitalistes.
Le personnel de Michelin s’est directement mobilisé dès le 5 novembre. En lançant une grève reconductible, il a répondu de manière résolue par l’action, dans les usines visées, mais aussi sur les autres sites du groupe.
Fonction publique – L’un des symboles de ces coupes budgétaires drastiques que veulent imposer Macron/Barnier, c’est le macroniste Guillaume Kasbarian, Ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique. Le 13 novembre, il partageait le post d’Elon Musk qui célébrait sa nomination par Trump au « département de l’Efficacité gouvernementale » (DOGE), s’apprêtant à faire des coupes drastiques dans les budgets de la fonction publique aux USA. Après avoir félicité Musk, Kasbarian ajoutait : « J’ai hâte de partager les meilleures pratiques pour lutter contre la bureaucratie excessive, réduire la paperasserie et repenser les organisations publiques afin d’améliorer l’efficacité des fonctionnaires. »
Sous le terme de « débureaucratisation », le Kasbarian entend saigner la fonction publique « à tous les étages ». Les fonctionnaires qui tombent malades sont aussi dans le viseur : allongement du délai de carence à 3 jours et limitation du remboursement des arrêts maladie à 90%, « pour faire baisser l’absentéisme ». Les syndicats ont eu raison de se mobiliser dès mi-novembre, et ont appelé à une journée de grève le 5 décembre.
SNCF – À côté de la première journée de grève le 21 novembre, les syndicats du personnel de la SNCF ont annoncé le dépôt d’un préavis de grève illimitée à partir du 11 décembre, pour protester contre le démantèlement de Fret SNCF et l’ouverture de son capital. Au 1er janvier 2025, il est prévu que Fret SNCF sera transformée en deux sociétés : Hexafret pour le transport et Technis pour la maintenance du matériel, une mesure imposée par la Commission européenne. Et ceci dans le contexte d’ouverture à la concurrence des lignes régionales.
Et… campagne anti-grève – Les médias dominants parlent d’un « orage social » auquel doit faire face Barnier. Cette avalanche de grèves a aussi relancé la campagne anti-grève dans ces médias, la droite s’insurgeant contre la paralysie du pays, surtout à l’approche de la période des fêtes. Le personnel de la SNCF est en première ligne, avec le retour du désormais traditionnel « vous allez gâcher le Noël des français ». Le député allié du Rassemblement National Eric Ciotti a même proposé l’interdiction des grèves pendant les vacances.
Le monde agricole à nouveau dans les rues
La rhétorique de la classe dominante contre le risque de paralysie du pays n’est généralement pas appliquée à la colère du monde agricole. Non pas parce que la classe capitaliste et ses relais politiques et médiatiques se soucient du sort des agriculteurices. Mais parce que l’agro-business est fortement majoritaire dans la représentation professionnelle du secteur, avec à sa tête la direction de la FNSEA et des JA. Les grandes entreprises agroalimentaires donnent le ton, avec pour principale préoccupation la diminution des règles administratives et des normes environnementales, c’est-à-dire polluer davantage pour accroître davantage encore leurs profits. Pendant que la majorité des professionnel.les, sur des petites exploitations, veulent surtout une rémunération juste pour leur travail – ce que l’agro-business et la grande distribution leur empêche d’atteindre.
Les accords de libre échange entre l’UE et le Mercosur sont très justement l’occasion du monde agricole pour se re-mobiliser. Les petit.es exploitant.es n’en veulent pas et iels ont raison : la concurrence déloyale va encore plus miner leurs possibilités de rémunération juste, avec la réduction drastique des droits de douanes entre les deux blocs de marché-libre. Avec ces mobilisations, la direction de la FNSEA et l’agro-business ont un autre agenda : ne pas perdre le contrôle et se positionner en vue des prochaines élections professionnelles en janvier…
Face au potentiel de convergence des luttes : « diviser-pour-régner »
Barnier et Macron vont avoir du mal à apaiser la colère qui re-commence à se généraliser. Avec aussi des appels au retour de la lutte des Gilets Jaunes, qui ont déjà mobilisés durant le mois de novembre, 6 ans après le début du mouvement historique.
Toutes ces mobilisations se font pour des raisons diverses, mais qui témoignent de la généralisation de la colère, orientée contre l’approche socio-économique de Barnier et Macron, et le monde qu’ils représentent. Leur monde est ultra-majoritairement représenté sur la scène médiatique, et il ne faut souvent même pas aller chercher sur les chaînes de l’empire Bolloré : « Est-ce que vous craignez (sic) une convergence des luttes, une mobilisation qui pourrait bloquer la France ? », demandait un.e journaliste d’Arte Radio (Le Club ’28, 15/11) à un.e autre journaliste…
Le camp d’en face est très conscient du risque de convergence et coordination des différentes colères et luttes. C’est pourquoi la rhétorique anti-grèves est de retour, et il faut s’attendre à de nombreuses autres tentatives de diviser par n’importe quel moyen, surtout si ça permet de continuer à opprimer les mêmes personnes qui subissent déjà.
Une nouvelle « loi immigration » est en projet depuis septembre, et pourrait être lancée au tout début 2025. Encore une fois, il s’agira de cibler les personnes migrantes, et par-delà toutes les personnes issues de l’immigration, particulièrement nord-africaine et subsaharienne – et surtout avec une rhétorique islamophobe. Encore une fois, cela favorisera la confiance qu’ont les groupes et individus violents d’extrême droite pour harceler, intimider et violenter les personnes qui subissent déjà un racisme systémique, mais aussi à l’encontre d’autres, particulièrement les personnes LGBTQIA+.
Impliquons dans la lutte toutes les personnes qui subissent !
Les inégalités mènent à la lutte. Faire converger et coordonner la colère s’avèrera crucial si on veut gagner. Mais cela ne suffira pas. L’absence de victoire du mouvement contre la réforme des retraites pèse sur les mobilisations actuelles. Inspirons-nous des points forts de ce mouvement, et notamment son atmosphère combative et tenace, autour d’une lutte commune. Mais ajoutons-y une large implication active par en bas, quelque chose qui pourrait être fait par la mise sur pied de comités de lutte.
Certaines mobilisations récentes ont vu le lancement de tels comités, pour soutenir des grèves par exemple. Cela pourrait être lancé partout – même là où la mobilisation n’est pas (encore) existante, sur les lieux de travail, dans les écoles et facs, dans les quartiers et les villages. De tels comités pourraient essayer d’organiser l’action, mais aussi la solidarité envers d’autres mobilisations. Ils pourraient servir à assurer une lutte constante contre chaque oppression vécue par l’un.e d’entre nous, et à mener la bataille politique contre les forces d’extrême droite qui tentent d’exploiter les inégalités sociales et la crainte en l’avenir. Des appels à la solidarité avec les luttes des populations en Martinique et Kanaky pourraient aussi être plus facilement tenus, ainsi qu’avec les luttes nécessaires par exemple en Allemagne, où d’ailleurs Michelin a déjà annoncé vouloir fermer des usines en 2025.
C’est par une implication réellement plus large et par en bas qu’un futur appel à la grève générale pourrait être sérieusement suivi, ce qui serait une véritable défiance pour Macron et ses gouvernements pro-capitalistes.