USA : Une nouvelle révolte arrive !

Aux Etats-Unis, les travailleurs en ont tout simplement marre. Après six années de chômage de masse et de coupes budgétaires colossales dans l’enseignement et les programmes sociaux, on leur déclare maintenant qu’une « reprise » est à l’œuvre. Mais la vérité, c’est que plus de 90% des nouvelles richesses créées ont fini dans les poches des 1% les plus riches. Les bénéfices atteignent à nouveau des niveaux record alors que la majorité des nouveaux emplois sont nés dans le secteur des bas salaires. Au niveau mondial, un ralentissement économique est d’ailleurs en cours en Chine, et les marchés européens ne sont pas prêts de sortir de la crise. Une nouvelle crise financière et même une dépression à grande échelle sont donc de l’ordre du possible. Et même aujourd’hui, avec l’actuelle « reprise », aucun sentiment de stabilité durable n’existe.

Par Bryan Koulouris, Socialist Alternative

Les travailleurs réclament leur part

Ce n’est dès lors pas surprenant de voir les travailleurs exiger une plus grande part de la richesse créée au cours de cette « reprise ». Des groupes d’activistes regroupés autour de la revendication d’une augmentation des salaires se développent dans tout le pays, tandis que la campagne 15 NOW (une campagne exigeant l’imposition d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure initiée par Socialist Alternative et qui vient d’emporter une victoire historique à Seattle, NDT) à Seattle et à l’échelle nationale présente le brillant exemple d’une lutte déterminée pour les travailleurs à bas salaires. L’inégalité économique devient une discussion de masse dans la société américaine.

Obama appelle à un l’imposition d’un salaire minimum fédéral de 10,10$, tout en sachant pertinemment bien que le Congrès ne laissera jamais passer une telle législation. Beaucoup de Démocrates peuvent bien aujourd’hui concentrer leur rhétorique sur l’inégalité économique, cela ne peut être qu’extrêmement limité en raison de la nature même du Parti Démocrate, un parti dominé par la défense des intérêts de Wall Street et des grandes entreprises américaines. Ce thème peut d’ailleurs bien vite être oublié au bout d’un moment, d’une part parce que les Démocrates n’ont aucune solution concrète à offrir, d’autre part parce qu’ils craignent de susciter trop d’attentes dans le monde du travail. Quoi qu’il en soit, un mouvement se développe sur cette thématique, il profondément enraciné dans la base de la société, et il n’est pas prêt de disparaitre.

Une colère bouillonnante

En plus des centaines d’actions organisées autour du thème de l’augmentation salariale, d’autres questions ont déclenché de larges protestations. Au cours des premiers mois de cette année 2014 uniquement, nous avons vu des manifestations et actions directes opposées à la destruction massive de l’environnement autour de BP et du pipeline Keystone XL (un oléoduc de TransCanada destiné à relier le Canada aux Etats-Unis – jusqu’au Texas ! – et long de 3.461 km, NDLR). À Albuquerque, au Nouveau-Mexique, on a vu naître des protestations déterminées contre la brutalité policière, sous l’impulsion de jeunes afro et latino-américains. Des groupes de femmes ont protesté contre les tentatives de dirigeants d’entreprises d’éluder leurs responsabilités dans certains programmes de l’Obamacare (principal volet de la réforme du système de protection sociale d’Obama, NDLR) au niveau des soins de santé. La colère est aussi de plus en plus grande parmi les travailleurs immigrés face aux expulsions massives sous la présidence d’Obama. L’offensive menée par les grandes entreprises contre l’enseignement public est en outre encore forte. Et alors que le mouvement syndical a subi une série de défaites et que le nombre d’affilié continue de baisser, une aile, inspirée par le mouvement Occupy, commence à s’affirmer et à se développer autour d’une approche plus combattive dans la lutte pour la défense des intérêts du monde du travail.

Il ne faut y voir que des escarmouches annonciatrices des batailles massives qui vont éclore contre la domination des entreprises.

Instabilité politique

La récente décision prise par la Cour suprême permettant des dépenses individuelles illimitées aux élections fédérales confirme une fois de plus le sentiment partagé par une majorité d’Américains : les partis politiques actuels et tout le processus politique sont dominés par une poignée de d’individus richissimes. L’extrême désillusion ressentie par des dizaines de millions de personnes face au système, alimenté par le contraste entre les moyens gigantesques accordés aux banques dans un contexte de chômage de masse et d’austérité pour les travailleurs et leurs familles, crée une énorme instabilité politique dans la société.

L’incertitude règne au sein des establishments politiques. Alors que les élections de mi-mandat approchent (fin de cette année), les deux partis du capital, Démocrates et Républicains, sont divisés et ne disposent d’aucune stratégie claire. Aucun de ces deux partis ne parvient à susciter d’enthousiasme dans leurs propres rangs. La capacité d’inspiration de Barack Obama est depuis longtemps révolue et le Tea Party est devenu une farce isolée dans la plupart des régions du pays.

Le thème de l’Obamacare ne va pas disparaître en raison des attaques du Parti Républicain et de l’incertitude qui règne concernant la façon dont les divers aspects de la législation seront mis en œuvre. 7,5 millions de personnes ont pu s’inscrire pour bénéficier de soins de santé grâce à l’Obamacare, mais des dizaines de millions de personnes restent encore sans assurance, et seront même obligées de payer une amende pour le «crime» de ne pas être en mesure de payer leurs soins de santé ! Une petite majorité d’Américains se déclarent contre l’Obamacare, mais moins d’un quart des personnes sondées réclament l’abrogation de la législation. Après la débâcle du Shutdown de 2013 (l’arrêt des activités gouvernementales fédérales qui a duré du 1er au 16 octobre, et a mis 800.000 employés fédéraux en congé temporaire sans solde, NDT), même ceux qui doutent le plus de l’Obamacare ne veulent pas voir arriver une crise politique dirigée par les Républicain. Mais les Républicains trouveront une manière d’utiliser les élections de mi-mandat.

Plus tôt cette année, les divisions présentes dans le camp républicain ont été dévoilées au grand jour alors que Boehner (actuel président républicain de la Chambre des représentants des États-Unis, NDT) a déclaré qu’il « n’aimait pas » ce que le Tea Party pensait de son accord conclu avec les Démocrates sur le budget fédéral afin d’éviter un autre Shutdown fédéral. L’agenda républicain est de plus en plus déconnecté de la grande majorité des gens, mais le faible taux de participation prévu pour les élections de mi-mandat de novembre favorise leurs chances. Ils auront cependant leurs propres batailles internes à gérer avec les PAC (Political Action Commitee, comités d’action politique chargés de recueillir des fonds pendant les campagnes électorales américaines, NDT) de l’aile la plus à droite qui s’apprêtent à défier les Républicains « modérés ».

Les Démocrates ne sont pas non plus exempts de divisions. Alors que nombreux sont ceux qui soutiennent la candidature d’Hillary Clinton pour les élections présidentielles de 2016, les Démocrates les plus populistes lorgnent plutôt vers Elizabeth Warren (sénatrice Démocrate de l’Etat du Massachussetts, elle fut notamment interrogée par Michael Moore pour son film « Capitalism a love Stroy », NDT) ou même le sénateur de gauche du Vermont Bernie Sanders (qui se dit « socialiste » et est administrativement rattaché aux Démocrates au Sénat, NDT). Ces divisions pourront également être vues au cours des Primaires de cette année, et cela reflète la pression de la base de la société sur les Démocrates. Cela pourrait être de nature à énergiser une base électorale loin d’être excitée par la politique d’Obama et de l’establishment, amis de nombreux Démocrates préfèrent la stabilité et de faibles expectations à une base mise sous tension par des syndicalistes, des jeunes et des personnes de couleur. La plupart des Démocrates traditionnels sont favorables à une stratégie qui se limite à attaquer les Républicains comme des « extrémistes » afin de gagner les électeurs sceptiques à l’idée du « moindre mal ».

Il est extrêmement révélateur de constater que les deux principaux partis politiques essaient de s’attirer un soutien essentiellement en attaquant juste le camp adverse plutôt qu’en proposant une politique concrète pour mobiliser les électeurs. L’establishment politique et le système qu’ils représentent n’ont fondamentalement aucune solution à proposer pour sortir de la crise économique inhérente à leur système.

Toute la question est de savoir comment peut être forgée une alternative politique prenant à cœur la défense des 99%, des travailleurs et des pauvres. A Seattle, Kshama Sawant a montré la voie en se présentant aux élections en tant que candidate ouvertement socialiste, en refusant la moindre donation des entreprises et en parvenant ainsi à vaincre un puissant candidat Démocrate.

La lutte contre la politique pro-capitaliste doit être liée au développement de la lutte sociale. Les grèves des travailleurs de la restauration rapide et l’élection de Kshama ont jeté les bases d’une lutte massive pour l’obtention des 15 dollars de l’heure comme salaire minimum à Seattle (une victoire qui vient juste d’être arrachée, NDT), alors que personne n’en parlait il y a un an à peine.

Le système bipartisan américain est bien plus faible qu’il n’y paraît au premier regard. Les deux partis de Wall Street ont un soutien en perte de vitesse à travers le pays, et plus de la moitié des personnes sondées ont affirmé soutenir l’idée de l’émergence d’un nouveau parti dans le cadre d’une enquête réalisée durant le Shutdown de 2013. Ce soutien pour les Démocrate ou les Républicains diminuera encore au fur-et-à-mesure que la réalité économie percera leurs mensonges à jour.

Et maintenant ?

Obama veut éviter de vivre les deux dernières années de son mandat de la même manière que son prédécesseur George W. Bush, complètement discrédité après les élections de mi-mandat de 2006. La seule chose qui peut empêcher de voir cette situation se répéter, c’est la faiblesse des Républicains. L’élite, les 1%, est divisée face aux exigences des travailleurs. Il s’agit d’une formidable opportunité pour les défenseurs des idées du socialisme et pour le mouvement des travailleurs. Cela se reflète notamment dans le gigantesque intérêt suscité par la possibilité d’une candidature de Bernie Sanders à la présidence, peut-être de manière indépendante des Démocrates et dans le contexte de la croissance rapide du mouvement pour un salaire minimum de 15 $.

Le succès de luttes, notamment autour de la question salariale, peut accroitre la confiance des travailleurs pour qu’ils entrent en résistance contre toutes les injustices du capitalisme. Nous devons nous rappeler que la victoire du mouvement des droits civiques a ouvert la voie à la radicalisation du mouvement contre la guerre du Vietnam, au mouvement de libération des femmes, aux luttes du Black Power et à la radicalisation générale du mouvement des travailleurs à la fin des années ‘60 et au début des années ‘70.

De la même façon, de grandes victoires pour les travailleurs à faible revenu – parmi les plus opprimés de la société américaine – peuvent renforcer la confiance de plus larges sections de travailleurs pour s’organiser au sein des syndicats, transformer les syndicats existants, protester contre la discrimination et construire une alternative politique pour et par la classe des travailleurs pour contester la domination des deux partis du big-business.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai