Pension à 67 ans ? Non merci! Témoignage d’un conducteur de train
La note de De Wever pour la formation du gouvernement fédéral est de retour, avec quelques changements. Il a fallu attendre la fin des élections communales puisqu’aucun des partis qui négocient la coalition “Arizona” n’ait voulu se présenter face aux électeur.trices en défendant un projet si antisocial. Toute la classe travailleuse regarde ce catalogue des horreurs avec effroi, notamment les cheminot.e.s. Pour les conducteur.trice.s de train, c’est l’attaque contre leur système de retraite qui est la plus redoutée.
Par un cheminot
Un décalage horaire permanent
Un.e cheminot.e qui a travaillé au moins 30 ans – aux heures les plus impossibles – peut prendre sa retraite au plus tôt à 55 ans.
Il faut garder en tête que les horaires sont tous les jours différents. Parfois, vous commencez à 03h05, d’autres fois vous finissez à 01h35. Parfois, vous êtes dans une séquence avec, par exemple, uniquement des équipes “tôt” ou “tard”, mais il peut aussi y avoir des mélanges. Vous pouvez vous lever à deux heures moins le quart du matin, travailler jusqu’à midi et, le lendemain, pendant votre jour de repos, vous vous levez à 7 heures pour emmener vos enfants à l’école. Votre rythme est alors décalé de cinq bonnes heures. Plusieurs fois par semaine, vous souffrez d’un décalage horaire, un “jet lag”. Un rythme pareil durant des décennies, ça se paie en termes d’années de vie (en bonne santé). Mais en contrepartie, on bénéficie d’une retraite anticipée.
Travailler jusqu’à 12 ans de plus
Dans la nouvelle version de sa super note, De Wever propose de relever l’âge minimum de la retraite du personnel de la SNCB d’une demi-année chaque année à partir du 1er janvier 2026. Qu’est-ce que cela signifie concrètement? Tout dépend de l’âge et du nombre d’années de service roulant. Dans la pratique, beaucoup devront travailler jusqu’à 67 ans. En effet, à partir de 2049, l’âge légal de la retraite sera fixé à 67 ans.
Prenons ma situation. Je ne pourrai pas partir en pension le 1er janvier 2037, comme convenu. À cette date, j’aurai 55 ans, mais l’âge minimum sera porté à 61 ans et continuera d’être progressivement repoussé. Je ne pourrais pas partir en pension avant le 1er janvier 2049 et je devrai donc travailler 12 ans de plus. À moins qu’il soit encore possible de démissionner après une carrière d’au moins 42 ans. Dans ce cas, je pourrai partir en 2046 et n’aurai à travailler “que” neuf ans de plus !
Un dossier emblématique : nous ne tenons déjà plus le coup
De nombreux.ses accompagnateur.trice.s et conducteur.trice.s ne peuvent déjà plus prendre leur retraite à 55 ans. Arrivé.e.s trop tard dans le service, il ne leur est possible de partir que peu de temps avant l’âge légal de la retraite. Un manager a déclaré à ce sujet à la mi-octobre que parmi celles et ceux qui ont 48 ans aujourd’hui, seule une minorité pourra partir en pension à 55 ans. D’autres commencent leur carrière assez jeunes, pour l’abandonner prématurément. D’autres encore doivent arrêter pour raisons médicales. Sur les 6.000 personnes concernées, combien finiront par prendre leur retraite à 55 ans sans tenir compte des projets de l’Arizona? Une minorité. La mesure ne représente donc pas grand-chose. Mais pour les partis de droite, il s’agit d’un dossier emblématique. La droite ne supporte pas nos droits de fin de carrière.
Qui poursuivra une carrière complète dans ces professions? On constate déjà aujourd’hui qu’une grande partie des collègues arrête pour raisons médicales, ou de manière volontaire, tandis que certain.e.s décèdent dans leur soixantaine. C’est déjà un défi de tenir trente à trente-sept ans. Mais quarante-cinq ans à se lever à des heures impossibles, à arpenter les rails, à faire face aux agressions, aux collisions, aux heures de pointe et à d’autres sources de stress ? Les métiers du rail risquent de devenir des métiers que l’on n’exerce que pendant une courte période.
Cerise sur le gâteau: la diminution du montant des pensions
Comme si cela ne suffisait pas, le futur gouvernement veut aussi calculer les pensions des fonctionnaires de la même manière que celles des salarié.e.s du privé. Ces pensions sont parmi les plus basses d’Europe occidentale.
Les fonctionnaires sont des privilégié.e.s, disent des parlementaires dont la pension est équivalente au triple du montant des pensions. Selon les critères belges, les fonctionnaires ont en effet des pensions élevées. Moi-même, je toucherai 2.179 euros par mois en 2037 (selon les règles actuelles). La vérité, c’est que ce ne sont pas ces pensions qui sont élevées, ce sont les pensions statutaires des employé.e.s qui sont beaucoup trop basses.
L’attaque se ferait en adaptant le salaire de référence de quatre ans à finalement 40 ans en 2055 (ou 2049 selon la lecture de la note). En outre, en augmentant les conditions de carrière pour les services à partir du 1er janvier 2025 pour avoir droit à un montant de pension maximum. Cela signifie qu’il faudrait travailler plus longtemps pour un montant de pension plus faible.
En outre, il y aura un plafonnement de l’indexation, alors qu’il n’y a pas de plafonnement de l’augmentation des prix. La péréquation liant les pensions aux barèmes salariaux devra également être supprimée. Même si les salaires n’ont pas augmenté dans les chemins de fer au cours des 22 dernières années, il s’agit d’un principe important.
Si toutes ces mesures sont adoptées, de nombreuses personnes devront travailler beaucoup plus longtemps pour une pension beaucoup moins élevée.
Un combat nécessaire
Nous ne disposons que de très peu d’allié.e.s sur le plan politique. Conner Rousseau, par exemple, s’est prononcé à plusieurs reprises en faveur d’un relèvement de l’âge de la retraite du personnel de conduite. Les négociateurs du gouvernement n’ont pas trébuché sur ce point. A droite règne l’unanimité concernant la fragilisation de nos droits.
Nous devrons donc compter principalement sur le rapport de forces sur le lieu de travail et dans la rue. Nous attendons avec impatience un plan d’action syndicale crescendo qui dépassera – de loin – celui de l’automne 2014.