Edito La politique du « moindre mal » s’écrase aux USA. Trump, président d’un système en état de putréfaction

L’élection de Trump représente un danger immédiat pour toutes les personnes migrantes ou issues de l’immigration, pour les personnes LGBTQIA+, les féministes, les travailleur.euse.s et toutes celles et ceux qui s’opposent au système d’accumulation des profits pour une poignée de super-riches. Les élections américaines ont suscité un enthousiasme limité : Kamala Harris a récolté moins de voix que Joe Biden il y a quatre ans, mais Trump lui-même en a près de 1 million alors que le corps électoral a grandi depuis lors. La victoire de Trump est une expression du rejet de la politique dominante et de la crise dans laquelle est plongée le système. Un système en crise cherche à assurer sa domination avec des représentants politiques qui correspondent à son état de putréfaction.

Notre solidarité va d’abord et avant tout aux victimes de ces politiques. Avec Trump, la répression sera encore plus intense. Les mesures racistes ont atteint de nouveaux sommets : l’administration Biden-Harris a par exemple expulsé encore plus de personnes immigrées que Trump durant son premier mandat. Aujourd’hui, Trump et ses alliés parlent de déportations massives et de camps de détention. Cela pue un passé dont les conséquences désastreuses sont connues de tous. 

De son côté, la communauté LGBTQIA+ craint à juste titre les conséquences du pouvoir croissant des groupes conservateurs et religieux. Trump a largement utilisé la transphobie pour s’attirer le soutien des conservateurs et sa nouvelle administration devrait rapidement statuer que les lois fédérales sur les droits civils ne couvriront pas la discrimination anti-LGBTQ+. 

Le personnel du secteur de la santé redoute la perspective du complotiste anti-vaccin Robert F. Kennedy comme ministre de la Santé. Elon Musk n’a pas fait mystère de sa volonté de participer à la réduction drastique des dépenses publiques : il a lui-même déjà proposé des coupes budgétaires de deux milliers de milliards de dollars dans les dépenses publiques. Cela affectera l’ensemble des travailleur.euse.s. 

Cette normalisation des mesures d’extrême droite aura également des conséquences en Europe et ailleurs. Le Premier ministre hongrois Orban et Filip Dewinter (Vlaams Belang) se sont tous deux réjouis de la victoire de leur riche ami et homme d’affaires corrompu. La confiance de l’extrême droite grandit, ce qui conduira inévitablement à de nouvelles violences. Et puis il y a le feu vert inconditionnel donné au régime israélien de Netanyahou pour ne pas limiter le génocide et le carnage à Gaza et au Sud-Liban. 

La menace est réelle et le danger est grand. La résistance doit être sérieusement organisée. Et c’est tout à fait possible. La semaine dernière, la grève de 30.000 travailleur.euse.s de Boeing aux Etats-Unis a pris fin après sept semaines. Le personnel a obtenu une augmentation de salaire de 38 % pour les quatre prochaines années. Cela semble être une augmentation considérable, mais compte tenu des taux d’inflation de ces dernières années, il était nécessaire d’aller encore beaucoup plus loin. La proposition finale a recueilli 59 % des votes des grévistes, ce qui indique qu’un groupe important souhaitait continuer le combat pour obtenir davantage. Par ailleurs, au momen-même de l’élection présidentielle, des référendums sur le droit à l’avortement étaient organisés dans dix États. Dans huit d’entre eux, une majorité s’est dégagée en faveur d’un renforcement des droits, y compris dans certains États où les républicains l’ont emporté. Seuls le Dakota du Sud et le Nebraska n’ont pas approuvé le renforcement du droit à l’avortement. En Floride, 57 % des électeurs ont voté en faveur de ce renforcement, mais une majorité de 60 % est nécessaire pour modifier la législation. Aujourd’hui, une majorité d’Américain.ne.s soutient le droit à l’avortement. De nombreux autres exemples montrent le potentiel présent pour la lutte sociale et la résistance.

Les démocrates espéraient faire de l’élection un référendum sur le droit à l’avortement. Eux-mêmes n’ont rien fait ces dernières années pour défendre efficacement ces droits ou en imposer de nouveaux. Tout a été renvoyé aux élections. Dans le contexte de l’effondrement des conditions de vie de la classe travailleuse en raison d’une forte inflation, cela ne pouvait pas susciter l’enthousiasme. Le statu quo, la préservation de l’ordre actuel des choses, représente déjà une douleur permanente pour des millions de personnes aux Etats-Unis. Une tactique du « moindre mal » visant simplement à préserver la catastrophe sociale en cours ne pouvait qu’échouer. 

Un parti comme le parti démocrate, qui soutient résolument le génocide à Gaza et qui est le parti de Wall Street par excellence, ne constitue pas une alternative à Trump. Bernie Sanders déclare aujourd’hui que les démocrates ont « abandonné la classe ouvrière » et « défendent le statu quo », laissant le « peuple américain en colère et désireux de changement ». C’est vrai. Mais ce sont précisément pour cette direction démocrate que Bernie Sanders a lui-même fait campagne. Attendre que les élections soient passées pour se connecter à la colère et à l’aspiration populaire au changement est une erreur monumentale qui sape toute crédibilité.

Les marchés boursiers ont salué la victoire de Trump. La crainte du chaos s’est évanouie avec un résultat électoral aussi clair. Les marchés supposent, à juste titre, que Trump continuera à défendre les intérêts des grandes entreprises. Que cela se fasse avec une rhétorique brutale et une haine plus brutale ou avec une version polie et moins ouverte, ils ne s’en soucient guère. 

Au cours de la campagne électorale, Trump a reçu le soutien enthousiaste d’Elon Musk. Jeff Bezos, d’Amazon, lui a également ouvert la porte. Les capitalistes attendent de Trump qu’il ne leur mette pas de bâtons dans les roues pour maintenir leurs profits. Cependant, il existe des contradictions majeures. Par exemple, agir face à la crise climatique est plus nécessaire que jamais, comme l’illustrent le nombre et la gravité des catastrophes naturelles. Ces catastrophes touchent principalement les travailleur.euse.s, mais aussi les capitalistes. Et c’est dans ce contexte que devraient prendre place des coupes budgétaires supplémentaires dans la réponse des autorités gouvernementales face aux catastrophes naturelles. Alors que certains capitalistes estiment que le protectionnisme sera le plus à même d’assurer leurs profits, d’autres redoutent que cela leur rende l’accès plus difficile au marché international. Certains espèrent des règles plus souples pour faire baisser les salaires tout en soutenant une politique d’expulsion du réservoir de main-d’œuvre immigrée bon marché.

La joie des riches sur les marchés boursiers contraste fortement avec la peur et l’angoisse d’innombrables activistes. Pour la classe travailleuse et ses instruments de lutte, les choses se présentent effectivement sous un jour très sombre. Cela ne doit pas nous décourager, mais au contraire nous stimuler à organiser sérieusement notre colère pour en faire une force de changement vers un autre système et une autre organisation de la société. 

Le système capitaliste nous enfonce vers des catastrophes multiples et la seule force capable le bloquer pour ensuite repartir dans une toute autre direction, c’est la classe travailleuse dans toute sa diversité, avec ses méthodes de grève et de blocage potentiel de toute la production et l’économie. Voilà la force sociale qui fait tout basculer. La propriété et le contrôle démocratiques des secteurs clés de l’économie permettraient une planification rationnelle où les ressources et capacités technologiques disponibles seraient utilisées pour satisfaire aux besoins de l’humanité et de la planète. C’est en luttant activement pour ce type de société, le socialisme démocratique, que l’on peut combattre l’angoisse et la peur en donnant à notre colère une perspective positive d’émancipation collective au lieu du désespoir qui domine aujourd’hui.

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Première page de Lutte Socialiste