Manifestation du personnel des secteurs publics et non marchands – 7 novembre, 10h Bruxelles-Nord
Le bricolage à la marge n’arrêtera pas la crise des soins
Pendant la crise des soins, de beaux accords sociaux ont été conclus, mais un bel accord est incapable de corriger des décennies de sous-financement et de sous-investissement. Il suffit de penser à “l’accord Corona” de l’été 2020 qui s’élève à 1 milliard d’euros pour les secteurs fédéraux des soins de santé (un montant record pour le secteur). Mais la pandémie est maintenant derrière nous depuis plusieurs années …
Par un infirmier en colère
Nous ne cessons de nous étonner de voir les décideurs politiques se comporter comme l’orchestre du Titanic face à la crise des soins de santé. Cette crise prend des proportions de plus en plus problématiques. Il y a plus de dix ans, nous avions déjà mis en garde contre ce que nous vivons aujourd’hui – et à l’époque, nous ne connaissions pas la crise du Corona et ses conséquences. La combinaison toxique d’une pression de travail élevée, d’une hyperflexibilité exigée et d’horaires asociaux, ainsi que l’absence réelle de réforme des professions de santé et de formation à cet effet, conduisent à une tempête dévastatrice, à savoir l’implosion imminente d’un système de soins de santé autrefois de haute qualité.
Atomiser le domaine des soins infirmiers avec de nouvelles professions de soins (et la hiérarchie et les responsabilités strictes correspondantes) et déplacer les tâches (déléguées) n’est PAS la solution ! Dans notre pays, nous avons la tradition d’une hiérarchie relativement plate dans les soins de santé. À l’étranger, les gens travaillent généralement avec plus de hiérarchie… mais là-bas, il y a AUSSI une crise des soins de santé. Le nouveau concept de “l’équipe de soins structurée” nous semble être une solution miracle purement théorique, sortie d’une tour d’ivoire académique …
Les chiffres de l’augmentation de l’absentéisme ne sont pas non plus réjouissants. Dans les hôpitaux généraux, il s’élevait à 11,4 % en 2022: 4% au-delà d’un an, 3,3% entre 30 jours et un an et 4,1% moins de 30 jours. (Analyse Belfius des hôpitaux généraux) “Environ 1 travailleur de la santé sur 25 a été absent du travail pendant plus d’un an pour cause de maladie en 2023. C’est ce qui ressort d’un échantillon Securex de 5.880 travailleurs de 1.079 institutions (y compris les hôpitaux, les soins aux personnes âgées, les centres de réadaptation et les soins à domicile). C’est 13 % de plus qu’en 2021. Securex parle d’une augmentation inquiétante.” (NWS VRT 24/04/24)
La pénurie de personnel n’est pas une cause, mais une conséquence des éléments susmentionnés qui perpétuent le cercle vicieux. Quelques faits qui donnent à réfléchir: un peu moins de 20 % des infirmier.ères quittent la profession dans les deux ans, un total de 40% des infirmier.ères n’exercent pas leur métier. Avant la crise du Corona, la carrière moyenne dans les soins de santé était de… 7 ans ! Il n’y a donc pas de pénurie de personnel… mais ils et elles quittent le secteur en masse!
Penchons-nous sur les raisons pour lesquelles les collègues quittent le secteur. L’exode systématique du secteur des soins de santé ne s’arrêtera pas à cause d’un “bricolage à la marge”, bien au contraire !
Il est grand temps d’apporter des solutions fondamentales et structurelles: une révision logique de l’échelle des soins, une formation qualitative… ainsi qu’une réduction collective du temps de travail sous la forme d’une semaine de 32 heures pour tout le personnel du secteur des soins, sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires.
Pour un secteur nettement féminin (à 80 %) qui fonctionne en grande partie à temps partiel, cela signifie une augmentation de salaire pour les travailleur.euse.s à temps partiel et une réduction de la pression et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour le personnel à temps plein.
La revendication d’une réduction collective du temps de travail semble contre-intuitive à première vue, mais sur la base des données disponibles, il semble que ce soit la seule mesure qui puisse avoir beaucoup d’effets positifs simultanément.
Les effets escomptés de cette mesure sont les suivants: plus d’entrées dans les professions de soins, beaucoup moins de sorties, plus de salaires pour les travailleurs à temps partiel, une éventuelle augmentation des heures contractuelles des travailleurs à temps partiel actuels pour les faire passer à temps plein, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, plus de satisfaction au travail…
Le travail institutionnel permanent à temps partiel devient tranquillement la règle aujourd’hui dans le secteur des soins de santé. En général, les heures restantes sont complétées par des contrats intérimaires, des contrats de jour, des projets de soins infirmiers, un travail d’appoint, où l’on choisit soi-même ses heures de travail. Il s’agit d’une solution individuelle à un problème collectif. Nous choisissons une solution collective à un problème collectif !
L’industrialisation/déshumanisation des soins de santé par le biais, entre autres, d’une numérisation poussée et d’une augmentation de la hiérarchie de contrôle comme réponse à la pénurie croissante de personnel est contre-productive. Ce travail à la chaîne comme dans une usine favorise l’aliénation du travail; le secteur perd ainsi son âme.