Avec l’arrivée de 8 parlementaires de gauche radicale, la pensée unique politicienne a été brisée

Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB et nouvel élu fédéral.

Le résultat final a beau être sous ce que certain sondage avaient prédit, les 8 élus du PTB-GO constituent une véritable percée. Le parti a triplé voire quadruplé ses résultats aux précédentes élections fédérales et régionales. Qu’il n’y ait pas d’élu en Flandre n’y change rien, le PVDA+ double son résultat. Cela offre d’énormes possibilités mais entraîne aussi de grandes responsabilités quant à la manière d’organiser, de structurer et de diriger la résistance face à l’avalanche de casse sociale qui nous arrive dessus.

Par Eric Byl, membre du Bureau Exécutif du PSL/LSP

Raoul Hedebouw et Marco Van Hees ne sauront où donner de la tête au parlement fédéral. Les directives européennes d’austérité et de libéralisation et les traités comme le traité transatlantique qui vise à garantir la ‘‘libre’’ concurrence à n’importe quelles conditions ne seront désormais plus poussées en douce. La résistance des syndicats, des ONG ou encore des associations d’agriculteurs pourra désormais trouver écho au parlement et, par cette voie, dans les médias de masse.

Au parlement, ils vont être bien étonnés si, lors de la prochaine fermeture d’entreprise, des élus ne plient pas purement et simplement l’échine devant la ‘‘conformité aux lois économiques’’. Ils ne pourront plus simplement éclater de rire à la publication des bénéfices engrangés dans le privé ces dernières années, des cadeaux fiscaux, des subsides salariaux et autres baisses de charges. Et si la discussion ne se limite plus à la négociation du recul social mais aborde aussi l’appropriation collective des moyens de production sous contrôle public en tant qu’alternative, le parlement sera profondément ébranlé.

L’étonnement sera encore plus grand si Raoul, Marco et leurs 6 collègues aux Parlements wallon et bruxellois seront également aux portes des usines et aux piquets. Ils n’ont pas seulement été élus par les membres du PTB, mais aussi par de nombreux syndicalistes, activistes, jeunes et travailleurs. Leur message à ces piquets ne doit, par conséquent, pas se limiter à “Bravo! Et votez pour nous la prochaine fois”. Des manifestations qui plient face aux forces de l’ordre ou des slogans radicaux qui ne s’accompagnent pas d’un plan d’actions ne suffiront pas non plus. La question sera de savoir comment contribuer à réunir toutes les forces militantes présentes dans l’entreprise, dans les entreprises apparentées et les quartiers avoisinants avec l’objectif de construire un rapport de forces et d’arracher des victoires.

La percée d’une formation à gauche de la social-démocratie et des verts était annoncée depuis quelques années. Cela explique les multiples appels du PSL à l’unité à gauche. Il y a un an, le PSL avait ainsi adressé une lettre ouverte à tous les partis et groupes de gauche pour discuter de listes communes sous le nom ‘‘PTB-unité ou quelque chose de semblable’’. Quelques mois auparavant, au comité d’initiative pour l’appel de la FGTB Charleroi-Sud-Hainaut, nous avions proposé de déposer une liste unitaire autour du PTB dans le Hainaut en tant que projet-pilote. Nous estimons que le résultat du PTB-GO confirme que c’était une évaluation correcte de la situation.

Cela vaut aussi pour la Flandre. Au niveau provincial, le PvdA+ manque le seuil électoral de justesse à Anvers, mais Peter Mertens y obtient pas moins de 26.000 voix de préférence. Dans la ville, avec ses 9%, le parti dépasse le CD&V, l’Open VLD ou encore le Vlaams Belang ! A Gand, le PvdA+ rate de peu les 5%. Cela s’inscrit dans la ligne des 9% que le PTB-GO obtient à Charleroi et des 11,5% à Liège. Le parti réalise maintenant une percée également dans les grandes villes. Les sondages indiquaient qu’ils pouvaient encore faire plus. L’illusion d’un vote utile pour damner le pion à la NV-A et le revirement subit des partis traditionnels vers des thèmes sociaux à la fin de la campagne ont peut-être détourné quelques électeurs potentiels in extremis.

Il y a quelques années, Samson du PvdA néerlandais et Hollande du PS français sont aussi parvenus à tromper les électeurs avec une rhétorique quelque peu de gauche. Le PvdA+/PTB-GO a-t-il sous-estimé cette possibilité ? Est-ce pour cela que notre proposition de rassembler ‘‘toutes’’ les forces militantes en Wallonie et à Bruxelles n’a été que partiellement reprise ? Pour le PSL et Gauches Communes, la Gauche d’Ouverture est restée fort hermétique. Le PTB-GO a même rejeté une proposition d’apparentement de liste déposée par VEGA et Gauches Communes à Bruxelles. En Flandre non plus, il n’y avait pas de place pour le LSP au PvdA+.

Nous ne savons pas si cela aurait fait beaucoup de différence. VEGA à Liège et Gauches Communes à Saint-Gilles, qui avaient tous deux plus de 3,5% aux dernières communales, sont retombés à 2,1% et 1,1%. Ils n’ont pas seulement perdu des ‘‘votes utiles’’ contre la NV-A, mais aussi en faveur d’un premier élu PTB-GO. D’autres petites listes de gauche ont été complètement refoulées. A Saint-Gilles, en 2006, la liste PTB et celle du PSL avaient obtenu ensemble 2%. En 2012, les listes qui les reprenaient recueillaient 7,5% et, cette fois, plus de 9%. C’est beaucoup plus que dans les autres cantons électoraux de Bruxelles. Nous pensons que cela est notamment dû à la présence systématique de Gauches Communes dans cette commune, même si beaucoup d’électeurs ont cette fois donné tactiquement leur préférence au PTB-GO.

Quelle que soit l’exacte composition du gouvernement fédéral et des gouvernements régionaux, il est clair que les prochaines années, une avalanche de casse sociale à tous les niveaux déferlera sur nous. S’y opposer voire en inverser la tendance exigera un front de résistance, composé des mouvements sociaux, des syndicalistes de gauches, de la gauche radicale, des activistes de quartier, etc. Un tel appel provenant du PSL aurait peu d’écoute mais s’il émane d’un parti comptant 8 parlementaires et plus de 50 élus locaux, cela aura une beaucoup plus grande portée, surtout si plusieurs centrales ou régionales syndicales s’y joignent et cela pourrait poser la base pour un mouvement d’opposition réel d’en bas.

Pour finir, nous souhaitons ajouter que nous devons lutter pour le maintien de chaque acquis et pour chaque nouvelle conquête sociale. Reporter cela au lendemain de l’instauration du socialisme serait totalement irresponsable. Le PSL n’attend donc pas du PTB qu’il fasse exclusivement de la propagande pour le socialisme jour après jour au parlement. Mais réclamer des logements décents et abordables, un enseignement de qualité, des crèches en suffisance, de l’emploi stable pour tous à des salaires décents, une mobilité saine et accessible, des soins de qualité pour les malades, pour les personnes dont les capacités physiques et mentales sont réduites ou pour les personnes âgées, une solution aux catastrophes écologiques qui arrivent à toute vitesse,… exigera systématiquement, dans le contexte économique actuel, une épreuve de forces avec un système où la production est exclusivement orientée vers le profit.

Chaque solution réelle à ces besoins démontrera l’impossibilité du capitalisme à y répondre et la nécessité d’ériger une autre société. Ceux qui estiment que les ressources naturelles, la connaissance sociale et les grands moyens de production n’appartiennent pas à une poignée de capitalistes mais à la collectivité et qu’une planification démocratique est plus rationnelle que la ‘‘main invisible’’ du marché doivent saisir chaque opportunité de populariser la nécessité d’une société socialiste démocratique de manière réfléchie. Nous pensons que c’est une erreur de censurer cette idée dans le cadre de la campagne électorale ou, comme l’a fait la LCR, de réduire cela à “des réformes structurelles anticapitalistes réelles”. Au parlement, il sera encore plus difficile de défendre cette société socialiste démocratique comme unique alternative sérieuse. Nous estimons cependant que l’énorme fossé entre la richesse que nous produisons tous et les nombreux besoins insatisfaits en offrira plus d’une fois la possibilité. Espérons que le PTB saisisse cette opportunité.

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Première page de Lutte Socialiste