Des oreilles bandées en hommage à la blessure de Trump lors d’une tentative d’assassinat en été, des participant.e.s à la Convention nationale démocrate (DNC) vêtus de blanc en clin d’œil aux suffragettes, des débats diffusés en direct où le modérateur doit clarifier en temps réel que « le meurtre de nourrissons est illégal dans les 50 États » lorsqu’un avortement fictif de neuf mois est décrit.
Par Harper Cleves, Socialist Party (Irlande)
Les élections américaines sont réputées pour leur faste et leur caractère dramatique, mais pour beaucoup, les enjeux de cette élection sont particulièrement élevés. D’une part, le démagogue Donald Trump, avec ses projets politiques dystopiques et son sectarisme manifeste ; d’autre part, la poursuite d’une administration qui a supervisé et contribué activement à un génocide qui a tué des centaines de milliers de Palestinien.ne.s au cours de l’année écoulée. Il est essentiel de comprendre le contexte de cette élection présidentielle pour en envisager les résultats potentiels, mais aussi pour imaginer une alternative à la mascarade déplaisante et dangereuse de la politique corporatiste américaine.
Une économie pour les patrons, au détriment des travailleur.euse.s
Pour comprendre le cirque des élections présidentielles américaines, il est essentiel d’avoir un aperçu de ce qu’est la vie aux États-Unis aujourd’hui. Les inégalités économiques n’ont jamais été aussi fortes, même si le taux de chômage est le plus bas depuis 54 ans. Au premier trimestre 2024, 67 % de la richesse totale était détenue par les 10 % de personnes les mieux rémunérées, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en possédaient que 2,5 %. Les soins de santé constituent un exemple frappant de l’impact de l’inégalité des richesses et de l’ampleur de la privatisation de ressources essentielles au maintien de la vie humaine : en 2022, 45 % des Américain.e.s n’étaient pas en mesure de se payer des soins de santé ou d’y avoir accès.
Trump, et les présidents américains qui se sont succédé avant lui, n’ont rien fait pour atténuer la question des inégalités parce qu’elle provient d’une dépendance à l’égard du marché privé pour fournir des biens essentiels. La « Bidenomics » – la politique économique de l’administration Biden – n’a fait que creuser ce fossé. Les investissements de Biden dans les infrastructures, ainsi que les subventions accordées à la fabrication de voitures électriques et de semi-conducteurs, tout en contribuant à une modeste reprise économique, ne visent pas à mettre de l’argent dans les poches des Américain.e.s de la classe travailleuse, mais plutôt à revitaliser la production nationale dans le contexte d’une nouvelle guerre froide avec la Chine, en fournissant des fonds publics aux grandes entreprises.
La trahison démocrate face à la lutte des cheminot.e.s de 2022 démontre clairement les relations douillettes qu’entretient Joe Biden avec les entreprises au détriment des travailleur.euse.s, malgré son titre autoproclamé de « président le plus pro-syndical de l’histoire des États-Unis ». Dans ce conflit, où plus de 100.000 cheminots de plusieurs syndicats ont menacé de faire grève pour obtenir un droit fondamental au congé maladie, Biden est intervenu en utilisant les pouvoirs présidentiels qui lui permettent de briser la grève en cas de perturbation substantielle du commerce interétatique, forçant ainsi un accord que la plupart des travailleur.euse.s avaient rejeté afin de satisfaire les patrons du rail.
Le plan de Trump pour une politique économique protectionniste, tout en prétendant se concentrer sur le retour des emplois aux États-Unis, ne résoudra pas cette question et placera également les intérêts des grandes entreprises au premier plan.
Les jeunes sont perdants
Les jeunes sont particulièrement touchés par ces dures réalités économiques. Le rapport annuel 2024 sur le bonheur dans le monde, élaboré à partir des sondages mondiaux de Gallup, montre que les États-Unis sont au plus bas de leur classement, quittant pour la première fois le top 20 pour se retrouver à la 23e place. L’insatisfaction des jeunes de moins de 30 ans est principalement à l’origine de ce recul, les répondants de la génération Z se déclarant plus stressés et insatisfaits de leurs conditions de vie. Les jeunes ont des taux d’endettement étudiant beaucoup plus élevés, des taux d’accession à la propriété plus faibles, des taux de location plus élevés et sont plus susceptibles de vivre avec leurs parents ou d’autres colocataire.trice.s que les générations précédentes.
Cependant, d’autres indicateurs incluent « le sentiment d’être moins soutenu par les amis et la famille, et d’être moins libre de faire des choix de vie ». Ces phénomènes inquiétants ne peuvent être dissociés de l’ardoise de lois régressives adoptées et de la désignation consciente de boucs émissaires parmi les femmes, les personnes queer et les personnes victimes de racisme, tant au niveau des États qu’au niveau fédéral, les millennials (personnes nées entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990) et la génération Z (personnes nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010) représentant les générations les plus diversifiées de l’histoire des États-Unis.
Rien qu’en 2024, 642 projets de loi anti-trans ont été envisagés aux États-Unis, sur des sujets tels que la limitation de l’utilisation des toilettes, l’interdiction de l’accès aux soins de réaffirmation du genre ou l’interdiction pour les enfants transgenres de participer à des activités sportives. Depuis l’annulation de Roe V Wade (arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 concernant la protection du droit à l’avortement abrogé en 2022), 14 États ont interdit presque totalement l’accès à l’avortement, ce qui se traduit par des taux de mortalité liés à la grossesse deux fois plus élevés que dans les États où l’avortement est autorisé. En 2021 et 2022, 563 projets de loi ont été déposés contre l’enseignement de la théorie critique de la race dans les écoles publiques.
La commission de l’éducation et de la main-d’œuvre de la Chambre des représentants, sous couvert de s’attaquer à l’antisémitisme sur les campus universitaires au milieu d’un mouvement international de solidarité avec la Palestine, trouve également des moyens créatifs de réduire les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), ce qui a été alimenté par la décision explicite de la Cour suprême conservatrice contre la discrimination positive contre le racisme comme moyen de réduire les disparités et les inégalités racistes sur les campus universitaires.
Biden-Trump : la bataille originelle perdue d’avance
Dans ce contexte de crise extrême, il n’est pas surprenant que la polarisation ait prospéré. Les politiques modérées qui semblaient raisonnables à la population en des temps plus stables se révèlent aujourd’hui tout à fait insuffisantes. Dans un sondage réalisé en mars par leNew York Times et le Siena College, quatre fois plus d’électeur.trice.s se sont déclaré.e.s en colère, effrayé.e.s, déçu.e.s, résigné.e.s ou inquiet.e.s à propos de cette élection qu’iels ne se sont déclaré.e.s heureux.ses, enthousiastes ou plein.e.s d’espoir.
Même si de nombreux électeur.trice.s sont désespéré.e.s, il est clair que les Républicains ont l’avantage. La désaffection que Trump a su exploiter avec sa marque unique de populisme de droite est puissante et constitue en soi un indicateur d’un système défaillant. Qu’il s’agisse des richissimes qui soutiennent la soumission de Trump aux grandes entreprises, de la classe travailleuse blanche privée de ses droits et des pauvres des zones rurales qui détestent l’establishment démocrate et qui ont également adhéré à son discours haineux pour expliquer leur désespoir, le bloc Trump est un bloc puissant que les démocrates n’ont pas réussi à imiter. Un récent sondage a montré que 88 % des républicains considèrent Trump de façon très favorable ou plutôt favorable – un chiffre de soutien interne dont la campagne de Biden n’aurait pas pu se vanter.
Cette dynamique, associée à une suspicion publique quant à la capacité mentale de Biden à remplir ses fonctions, a eu un impact sur les sondages. Après une performance abominable lors du premier débat présidentiel cet été, cette idée a gagné encore plus de terrain, certains sondages montrant que la piètre performance de Biden le donnait distancé par Trump de six points. Dans un geste sans précédent, le 21 juillet, 182 jours seulement avant la fin de son mandat, Joe Biden s’est retiré de la course présidentielle et a choisi l’impopulaire vice-présidente Kamala Harris pour lui succéder. Cette décision n’a fait qu’exposer la faiblesse du Parti démocrate, tout en lui donnant l’occasion d’entamer une campagne avec un bagage moins lourd que celui de Biden.
Trump VS Kamala : quelle est leur position sur les questions d’actualité ?
Projet 2025 : L’un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle est un ensemble de propositions politiques associées à Donald Trump, appelé « Projet 2025 », produit par un groupe de réflexion de droite appelé The Heritage Foundation. Les objectifs déclarés du document sont de « restaurer la famille en tant que pièce maîtresse de la vie américaine ; démanteler l’État administratif ; défendre la souveraineté et les frontières de la nation ; et garantir les droits individuels donnés par Dieu pour vivre librement ».
La « théorie de l’exécutif unitaire » du plan prévoit de placer l’ensemble de l’appareil fédéral sous le contrôle de l’exécutif, y compris les ministères indépendants, comme le ministère de la justice. Il appelle au démantèlement complet du Département de l’éducation et promet de licencier les employés fédéraux « corrompus », ce que beaucoup ont compris comme signifiant les employés qui ne sont pas loyaux envers l’administration Trump. Cela équivaudrait à une énorme consolidation du pouvoir présidentiel, que beaucoup considèrent raisonnablement comme une menace pour les fondements mêmes de la démocratie. Cette situation a été exacerbée par le moment où le colistier de Trump JD Vance, lors d’un débat vice-présidentiel, a refusé de répondre à la question « qui a gagné l’élection de 2020 ».
Bien que le projet 2025 ne soit pas officiellement soutenu ou produit par la campagne de Trump, certaines parties du plan ont été fortement dirigées par des personnes qui étaient des conseillers de premier plan de Trump pendant sa présidence. Il existe également une grande cohérence entre le Projet 2025 et le programme politique de Trump, à l’exception notable de l’avortement, que Trump ne mentionne pas une seule fois dans son plan, alors que la réalité des interdictions d’avortement a montré à beaucoup à quel point cette forme de soins de santé est essentielle.
Dans ce contexte, de nombreux électeurs craignent qu’une présidence Trump ne ressemble davantage à une dictature, une crainte amplifiée par l’impact persistant de l’insurrection du « 6 janvier » (la prise d’assaut du capitole), qui a suivi les déclarations de Trump selon lesquelles les élections avaient été volées, et par la récente décision de la Cour suprême, qui a effectivement placé les présidents en exercice au-dessus de la loi. Les démocrates s’appuient sur cette crainte et considèrent qu’un vote en faveur de Kamala Harris est un vote en faveur de la préservation de la « démocratie américaine », aussi antidémocratique qu’elle puisse être.
Le « grand flic » Harris : L’un des éléments du Projet 2025 auquel Trump a adhéré est la promesse de déployer l’armée américaine à la frontière entre les États-Unis et le Mexique pour assister les déportations massives, une demande reflétée lors de la Convention nationale républicaine (RNC), où les participant.e.s ont brandi des pancartes portant les mots « Déportations massives maintenant ! ». Trump a formulé des slogans et des promesses dangereux, comme sa menace d’expulser « un million d’immigrés ». Ces dernières années, l’immigration aux États-Unis a considérablement augmenté, en particulier en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes. Selon l’Office of Homeland Security Statistics, la frontière sud a enregistré au moins 6,3 millions de rencontres avec des migrant.e.s depuis que Biden est devenu président en 2021, et plus de 2,4 millions de ces personnes ont été autorisés à entrer dans le pays. Même si la plupart d’entre elles se trouvent aujourd’hui devant les tribunaux dans le cadre de procédures d’expulsion actives, cela représente tout de même une augmentation significative de la migration récente, attribuable aux tendances qui affectent les pays à l’échelle mondiale, telles que la crise climatique, l’instabilité politique et les difficultés économiques.
Les démocrates, comme les républicains, ne sont pas à l’abri d’imputer aux immigré.e.s les problèmes causés par la fausse pénurie posée par le marché privé, et leur rhétorique et leur programme ont contribué à faire régresser l’opinion publique sur ces questions. La proportion d’Américain.ne.s souhaitant que le niveau de toutes les formes d’immigration diminue a radicalement augmenté, passant de 28 % à la mi-2020 à 55 % en juin 2024. C’est la première fois depuis 2005 que la majorité des Américain.ne.s souhaitent une diminution de l’immigration. Le sentiment anti-immigration a atteint son apogée en 2001, dans le sillage du 11 septembre. Tous les secteurs de l’électorat reflètent ce virage à droite en matière d’immigration, y compris les électeurs latino-américains, qui sont plus enclins que par le passé à soutenir des politiques frontalières plus strictes, ainsi que les démocrates inscrits sur les listes électorales.
Trump a même progressé auprès de l’électorat noir et latino-américain. Si Harris conserve une avance significative, 78 % contre 15 % pour M. Trump auprès de l’électorat noir et 56 % contre 37 % auprès des Latinos, cette avance est bien maigre par rapport aux bases de soutien dont disposaient les démocrates par le passé. En 2020, Joe Biden a obtenu 92 % de soutien de la part des électeurs noirs et 63 % de la part des Latinos.
En conséquence, le programme du Parti démocrate pour 2024 représente un recul des droits des immigrés, en soutenant des déportations plus rapides pour les migrant.e.s économiques et en appelant à des règles plus strictes pour les demandeur.euse.s d’asile, y compris la possibilité d’arrêter complètement le traitement des demandes d’asile. Ce revirement se reflète également dans le fait que Kamala Harris a remis l’accent sur son rôle de procureure dans l’État de Californie, en arborant fièrement son badge de « Top Cop ». Dans les publicités, elle a souligné son rôle dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. En tant que procureure, elle était également favorable à ce que les immigré.e.s sans papiers qui commettaient des délits, même non violents, soient remis aux services de l’immigration.
Le contraste est saisissant avec la situation qui prévalait il y a quatre ans, dans le sillage du puissant mouvement Black Lives Matter, le plus grand mouvement de protestation de l’histoire des États-Unis. À la lumière de ces faits, Kamala Harris a dû renoncer à son personnage de Top Cop. Lors de la convention nationale démocrate (DNC) de 2020, les membres des familles d’hommes noirs tués par des violences policières ont été invités à monter sur scène, et Kamala Harris elle-même a parlé du racisme structurel. Une fillette de 11 ans qui avait été détenue dans un centre de détention a eu le droit de s’exprimer. Les bénéficiaires de l’action différée pour les arrivées d’enfants (DACA, dispositif mis en place par le gouvernement Obama qui permet à certains immigrés mineurs entrés illégalement sur le territoire américain de bénéficier d’un moratoire de deux ans sur leur expulsion) se sont vus offrir une plateforme pour démontrer ce message également. Bien que ces messages se soient avérés creux lorsqu’il s’agissait de politique réelle, il était clair qu’en 2020, le Parti démocrate ressentait la pression de refléter un certain état d’esprit.
En réalité, les démocrates, Kamala Harris en tête, tentent de marcher sur une corde raide : d’une part, décrier le type de racisme et de sentiment anti-immigrés affiché lors des rassemblements de Trump, et être le parti de la diversité, de l’humanité et du progrès ; et d’autre part, démontrer plus ouvertement la réalité de leur insensibilité sur la question en rendant plus difficile l’accès à la sûreté et à la sécurité pour les immigrants vulnérables à une époque où la guerre, les catastrophes climatiques et la pauvreté créent des réfugiés dans le monde entier.
La bataille contre le « wokisme ». Alors que nous entrons dans le dernier mois avant les élections, Donald Trump a dépensé au moins 17 millions de dollars pour des publicités qui s’en prennent à Kamala Harris, qui soutient les soins de genre pour les détenu.e.s dans le cadre de sa campagne de 2019. Il n’est pas certain qu’il s’agisse de sa position actuelle, étant donné qu’elle est revenue sur bon nombre de ses positions les plus progressistes. L’une des publicités se termine par un slogan incendiaire : « Elle est aux côtés d’eux/elles – Trump est aux côtés de vous ». Ce slogan est diffusé sur une image de Trump discutant avec des ouvriers d’usine et sur une citation de CNBC : « Trump : Moins d’impôts, plus de salaires pour les travailleurs ». Ces publicités de Trump ont été diffusées plus de 30 000 fois, y compris dans les États clés de l’échiquier politique, avec une attention particulière pour les retransmissions de matchs de football américain.
À première vue, il peut sembler étrange de mettre l’accent sur un tel sujet au cours du dernier mois précédant l’élection, surtout lorsque les principaux thèmes abordés par les électeurs semblent être l’économie et l’avortement. Pourtant, opposer les droits des personnes transgenres aux problèmes de la classe travailleuse, comme le laisse entendre la campagne publicitaire, est une approche utilisée par l’ensemble du parti républicain. S’il est vrai que le Parti démocrate n’est pas un parti qui défend les intérêts de la classe travailleuse, le fait que Kamala Harris ait déjà soutenu la prise en charge des détenu.e.s en fonction de leur genre n’a aucune incidence sur ce fait. Une lutte réussie pour des soins de santé gratuits et accessibles aux personnes transgenres, intégrés dans un système de santé public, serait une victoire pour toutes les personnes de la classe travailleuses qui luttent contre des coûts démesurément élevés pour les soins de santé de base. Le choix de Trump de mettre l’accent sur cette question démontre l’efficacité du retour de bâton sur le « wokisme », c’est-à-dire les idées progressistes sur le genre, le racisme et la sexualité, et la façon dont cela peut trouver un écho auprès de l’électorat.
En ce qui concerne l’avortement, Trump est moins catégorique. Reconnaissant qu’il s’agit d’une faiblesse pour lui, puisque des États « rouges » (la couleur du parti républicain) ont voté des référendums qui limiteraient l’accès à l’avortement, il se contente généralement d’insister sur le fait qu’il s’agit d’une question relevant des « droits des États ».
Et pourtant, même si Kamala Harris se présente comme une candidate progressiste, la réalité est qu’elle fait également partie d’une administration qui a connu le pire recul en matière de droit à l’avortement, de prise en charge des personnes handicapées et de droits des personnes LGBTQIA+ depuis des années. Cette situation ne peut être imputée uniquement à l’administration Trump, aux assemblées législatives conservatrices des États et à la Cour suprême. Pendant des décennies, les démocrates ont permis de subtiles érosions des droits des femmes ; ils ont laissé prospérer un système de santé de plus en plus privatisé ; ils ont siphonné l’avortement et les soins d’affirmation du genre vers des cliniques spécialisées ; tout cela montre leur mépris pour ces formes essentielles de soins de santé, mais a également préparé le terrain pour les attaques de la droite radicale contre ces services.
Le « meilleur ami d’Israël » et le bras droit de Joe le Génocidaire. La complicité de l’administration Biden dans le génocide de Gaza est bien documentée et constitue un problème important pour les démocrates à l’approche de cette élection. En août 2024, on estime que l’administration Biden a envoyé plus de 600 cargaisons d’armes à Israël, ce qui représente plus de 50 000 tonnes d’équipement militaire en seulement 10 mois. Ces livraisons d’armes représentent une complicité et une participation absolues au génocide.
Cette grave vérité a eu un impact sur l’opinion américaine. La majorité soutient toujours Israël, mais des chiffres plus importants que jamais démontrent le scepticisme et la désapprobation pure et simple de l’approche des gouvernements israélien et américain à l’égard de la Palestine, en particulier auprès des personnes musulmanes et de la jeunesse. Un sondage réalisé en novembre dernier a montré que 70 % de l’électorat âgé de 18 à 34 ans déclaraient désapprouver la façon dont Biden a géré la « guerre » contre Gaza. En mai de cette année, un sondage de l’Institut arabo-américain (AAI) a montré que le soutien de Biden parmi les Américain.ne.s d’origine arabe se situait juste en dessous de 20 %. L’électorat arabo-américain constituent un bloc de vote important dans des États en pleine mutation, comme au Michigan. Ce printemps et cet été, des milliers de jeunes gens fréquentant les universités américaines ont participé à des manifestations et à des occupations de campus appelant leurs universités à rompre leurs liens avec les produits, les universités et la recherche en Israël qui contribuent au génocide à Gaza.
Kamala Harris a tenté d’adopter un ton plus empathique et conciliant à l’égard de la Palestine, reconnaissant à juste titre les problèmes que le génocide pourrait poser à sa campagne. Elle a qualifié de « dévastatrices » et de « catastrophiques » les « images d’enfants morts et de personnes désespérées et affamées fuyant pour se mettre à l’abri, parfois déplacées pour la deuxième, la troisième ou la quatrième fois », et a promis que « je ne resterai pas silencieuse ».
En réalité, Harris s’aligne sur l’approche de Biden et, en dépit de ses témoignages de sympathie, sa politique ne fera que perpétuer la catastrophe. Elle s’est fait l’écho du soutien « inébranlable » et « à toute épreuve » de Biden à Israël et n’a fait aucune suggestion quant à l’arrêt de l’envoi d’armes vers Israël – un pouvoir qui relève de l’exécutif et qui, plus que toute autre chose, réduirait la capacité de l’État israélien à poursuivre son règne de la terreur.
En ce qui concerne la politique étrangère, et notamment le génocide en cours à Gaza, la campagne de Trump n’a pas grand-chose à dire, si ce n’est qu’elle présente la Chine comme l’ennemi principal et réaffirme une politique protectionniste, fondée sur des tarifs douaniers élevés, en matière de commerce extérieur. Dans ce contexte, il a parfois affirmé qu’il mettrait fin à l’implication des États-Unis dans les guerres étrangères. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles des personnalités comme le maire de Hamtramck, ville du Michigan, Amer Ghaleb, originaire du Yémen, ont soutenu Trump dans cet État où le vote arabe et musulman sera un facteur clé.
Néanmoins, il n’y a aucune raison de penser que Donald Trump sera l’ami des Palestinien.ne.s. Il s’est décrit comme le « meilleur ami d’Israël ». Au cours de son mandat de président, Trump a montré son mépris total et, en fait, sa malveillance à l’égard de l’autodétermination du peuple palestinien en reconnaissant Jérusalem comme la véritable capitale de l’État israélien. Malgré l’utilisation occasionnelle par Trump du surnom de « Joe le génocidaire » pour décrire le président Biden, les Palestinien.ne.s et leurs allié.e.s en lutte aux États-Unis devraient anticiper son mandat de président avec beaucoup plus de crainte que d’espoir.
Quand le « moindre mal » reste un mal certain
À l’extérieur de la convention démocrate, un manifestant nommé Farzeen Harunani, originaire de Chicago, a déclaré : « J’ai été bleu (couleur démocrate) toute ma vie. J’ai fait du bénévolat pour les démocrates, j’ai fait des dons aux démocrates, j’ai fait du porte-à-porte pour eux, j’ai fait des appels téléphoniques pour eux ». Il a expliqué qu’il se sentait politiquement sans abri. Harunani a poursuivi en disant : « Nous sommes tous très frustrés parce que le système bipartite est tellement ancré dans nos habitudes. Et si, au lieu de voter pour une réduction des dégâts, nous pouvions voter pour l’absence de dégâts ? »
Ces propos expriment le sentiment de nombreuses personnes qui se demandent s’il faut voter pour Harris, pour un tiers parti ou ne pas voter du tout. Beaucoup de ceux qui éprouvent une profonde sympathie pour les Palestinien.ne.s voteront tout de même pour Harris, espérant peut-être qu’elle sera la porte la plus facile à pousser, ou craignant en particulier la politique intérieure promise par une administration Trump. C’est éminemment compréhensible. En tant que socialistes révolutionnaires, nous continuerons à nous battre aux côtés de ces personnes pour faire pression sur celle qui accèdera à la présidence afin qu’elle mette fin au génocide à Gaza, parmi beaucoup, beaucoup d’autres choses.
Cependant, fondamentalement, le parti démocrate est une impasse, que ce soit sous la direction de Kamala Harris ou de Joe Biden. Dans un monde dominé par les crises, qu’il s’agisse d’une augmentation considérable du racisme, d’ouragans gigantesques sur une côte ou d’incendies de forêt sur l’autre, de soins de santé et d’éducation qui peuvent entraîner des dettes à vie, d’attaques quotidiennes contre l’autonomie et la sécurité physiques ou d’une conflagration apparemment sans fin de génocides et de guerres, il est clair pour un nombre croissant de personnes que la politique du « business as usual » ne suffira pas.
La solidarité est l’antidote à la peur
Pour certaines de ces personnes, le style incendiaire et le populisme haineux de Donald Trump et d’autres comme lui trouveront un écho. La haine que représente Trump s’inscrit mieux dans les sillons du capitalisme néolibéral hyper individualiste dans lequel nous avons été socialisés pendant des décennies.
Mais pour d’autres, en particulier ceux qui sont confrontés au racisme quotidien, qui regardent avec horreur des êtres chers être bombardés à Gaza ou au Liban, qui craignent d’être contraints d’être parents ou de subir des violences à l’école pour le simple fait d’être eux-mêmes, le système capitaliste qui repose si complètement sur la violence, l’oppression et l’exploitation est de plus en plus remis en question.
Kamala Harris est très légèrement en tête des sondages au moment où nous écrivons cet article. Elle n’est pas perçue avec le même scepticisme que Joe Biden, mais représente-t-elle quelque chose de suffisamment différent pour surmonter le culte que Trump inspire à de nombreuses personnes ? C’est peu probable : son bilan et celui du parti démocrate dans son ensemble laissent présager la poursuite du statu quo.
Ce qui est clair, c’est que peu importe qui s’assiéra dans le bureau ovale en janvier, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons poursuivre nos manifestations pour mettre fin au génocide, maintenir la pression sur la personne qui occupera le bureau pour rétablir le droit national à l’avortement, lutter pour des soins de santé et des logements socialisés et pour tout ce dont nous avons besoin pour vivre. Nous avons vu que le sentiment pour de tels mouvements existe ; des campements universitaires en solidarité avec la Palestine qui ont inspiré un mouvement mondial, aux nouvelles couches de travailleurs qui testent leur pouvoir en se mettant en grève, aux jeunes qui organisent l’entraide dans leurs communautés – il est clair que beaucoup se battent pour trouver un moyen de construire et de lutter pour le monde dont nous avons besoin en dehors de la politique officielle.
De ces mouvements et organisations communautaires – ou de ceux dont nous n’avons pas encore rêvé – pourraient naître les graines d’un nouveau type de politique et d’organisation de base, capable de coaliser un mouvement ou un parti qui représente une véritable alternative à la mascarade déprimante que nous voyons dans les plus hautes fonctions. Telle est la tâche essentielle. Nous rassembler, refuser les compromis, sentir notre force à travers l’action collective afin de ne plus avoir à accepter un moindre mal, mais de pouvoir construire un monde socialiste fondé sur une action active en faveur du bien.