Cordon sanitaire rompu à Ranst: le Vlaams Belang au secours de la vieille culture politique

À Ranst (province d’Anvers), la vieille culture politique a repris la main après avoir été sanctionnée pour conflit d’intérêts en 2018. Pour continuer à dérouler le tapis rouge aux promoteurs immobiliers, les forces politiques sanctionnées n’ont pas hésité à ouvrir la porte au Vlaams Belang. Selon le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, mettre en difficulté les arrivistes et opportunistes accrochés au pouvoir serait la raison d’être de sa carrière politique. Anti-établissement ? Anti-corruption ? Ce sont des slogans bons pour les élections, rien de plus. Une fois les élections passées et sans imposer la moindre condition, le VB se retrouve à visage découvert face à l’establishment précédemment soupçonné de corruption.

Article extrait de blokbuster.be

La politique de clocher

En 2018, la coalition Open VLD / CD&V avait été rejetée par les électeurs de Ranst. Des rumeurs persistantes de conflits d’intérêts avaient tué l’ancienne administration. L’ancien bourgmestre Lode Hofmans, par ailleurs homme d’affaires actif dans l’immobilier et les assurances, a pris ses distances avec son parti, l’Open VLD, en 2019 en raison des nombreuses accusations.

C’est son opposition à l’ancienne administration qui a valu à la N-VA de remporter les élections de 2018. Le parti avait notamment souligné qu’au cours de la législature 2012 / 2018, l’échevin Vermeesch (Open VLD) a dû quitter 192 des 223 sessions du conseil communal en raison d’un conflit d’intérêts ! Le bourgmestre Hofmans avait dû faire de même pour 52 séances.

Ces liens assez étroits entre le secteur immobilier et l’administration communale ne sont pas une exception à la règle. Actuellement, cette question fait également l’objet de nombreuses discussions dans la commune de Boechout. Dans la périphérie d’Anvers, la pression pour la construction d’appartements supplémentaires est très forte. La population vieillit, les centres-villes offrent des possibilités d’appartements coûteux et le secteur immobilier cherche à faire des bénéfices.

Mais que la N-VA se permette de dénoncer ça, c’est tout de même très hypocrite. A Anvers, l’empereur de la N-VA Bart De Wever ne cache pas sa fierté d’entretenir d’excellentes relations avec ce secteur. Après tout, les constructions à faire ne manquent pas, selon lui. A Boechout, la N-VA est intervenue depuis Anvers pour faire taire la section locale qui s’opposait à trop de projets.

Cette atmosphère d’entre-soi a alimenté un mécontentement qui a profité à la N-VA et surtout à Groen en 2018. Ils ont ensuite formé une coalition ensemble. Le véritable changement espéré n’a pas eu lieu, ce qui a donné l’occasion aux vieux crocodiles de revenir.

L’ancienne administration composée d’anciens libéraux et du CD&V s’est métamorphosée. Les anciens noms de partis ont disparu et un nouveau projet a été lancé : PIT. Le fait que quelques membres de l’Open VLD se soient présentés avec leur propre liste sous le nom de « Vrij Ranst » n’a pas empêché cette liste de devenir la première force électorale avec 34%. C’est à peu près la même chose que l’Open VLD et le CD&V combinés en 2018, mais un siège supplémentaire, car les grands partis ont un avantage avec le système électoral communal. En outre, Vrij Ranst a gagné 3 sièges. La coalition communale N-VA / Groen a perdu respectivement 3 et 2 sièges.

Une coalition entre PIT et la N-VA était l’option la plus logique au vu des résultats. Cependant, les querelles personnelles ont pesé lourd. Pour garantir les bénéfices des sociétés immobilières amies, les élus locaux libéraux et démocrates-chrétiens n’hésitent pas à faire de Ranst la première commune où le cordon sanitaire est rompu. Peut-être comptent-ils sur Christel Engelen, échevine du Vlaams Belang, pour être suffisamment docile pour ne pas se mettre en travers du chemin.

Le VB se débarrasse de son masque anti-establishment

Parler, lors des campagnes électorales, de lutte contre la corruption et se présenter comme un outsider s’opposant à l’establishment est une chose. La réalité est bien différente. La position du Vlaams Belang à Ranst le démontre une fois de plus. Puisque la propagande sur la rupture du cordon sanitaire est plus importante pour ce parti, aucune condition n’est fixée pour former une majorité. En ce qui concerne la répartition des postes, le fait que le VB ne dispose que d’une seule échevine n’est pas important, il est cependant vrai qu’un vrai candidat pour un deuxième poste d’échevin n’existait pas vraiment à Ranst. Soutenir de vieux crocodiles libéraux et démocrates-chrétiens – qui étaient même incapables de se présenter sous le nom de leur propre parti en raison de leur passé – ne pose aucun problème à la bande de Van Grieken. Ils en sont même fiers.

Le VB critiquera-t-il les « amis de l’immobilier » ? Il y a peu de chances. Des journalistes du site d’information Apache ont clairement démontré où se situe le VB. Le promoteur immobilier anversois Erik Van der Paal a invité De Wever au restaurant étoilé ‘t Fornuis. Apache avait alors filmé leur arrivée au restaurant et les images avaient ensuite été publiées quelques semaines plus tard sous le dossier “Le promoteur immobilier préféré de Bart De Wever”. Mais Van der Paal est tout aussi à l’aise avec le Vlaams Belang. L’épouse de Gerolf Annemans a travaillé comme secrétaire à ses côtés. Lors du vote sur l’immunité parlementaire d’Alain Mathot (PS), un important partenaire commercial de Van der Paal, en 2016, Dewinter et son assistant anversois de l’époque, Penris, ont soudainement dû faire une pause pipi urgente, ce qui les a empêchés de voter. Le Vlaams Belang n’avait même pas beoin d’être au pouvoir quelque part pour soutenir ceux qui y sont.

Un danger pour la population

Beaucoup d’habitants de Ranst estiment que la participation du Vlaams Belang à l’administration locale ne sera pas très remarquée. Avec 3 sièges au conseil communal et bientôt une échevine, son poids est en effet limité. Mais imaginez que vous soyez un demandeur d’asile et que vous vous retrouviez dans le centre d’hébergement de Fedasil à Broechem (un quartier de Ranst) avec un conseil communal hostile. La section locale du VB n’est cependant pas opposée aux personnes migrantes en toutes circonstances : elles sont les bienvenues pour travailler dans les fermes et exploitations fruitières pour des salaires de misère. Mais soyons clairs : le VB au pouvoir signifie la normalisation de l’extrême droite et du profond racisme qui est dans son ADN.

Le soutien du VB aux décideurs politiques de l’ancienne administration agravera l’impact des promoteurs privés et des sociétés immobilières qui font grimper les prix. Le nouveau conseil communal veut déjà supprimer un projet de logements sociaux à Emblem « parce qu’il est trop grand ». L’ancien bourgmestre Lode Hofmans s’est personnellement rendu à une réunion de quartier pour mener l’opposition à ce projet. Lorsqu’ils étaient au pouvoir, ces politiciens prenaient rarement des initiatives en faveur du logement social, ce qui leur a même valu des remarques de la part du gouvernement flamand, qui est loin d’être champion en la matière. Pour les libéraux, les chrétiens-démocrates et maintenant l’extrême droite, faire baisser les loyers par ce biais n’est tout simplement pas une option. 

Cette immonde coalition illustre jusqu’où sont capables d’aller les vieux politiciens, mais aussi à quel point le Vlaams Belang est capable de se mettre à plat ventre. La nouvelle administration communale sera faite d’un mélange d’extrême bienveillance envers les promoteurs immobiliers et de racisme exacerbé pour les personnes du centre d’asile de Ranst.

Dans les semaines et les mois à venir, la situation à Ranst sera suivie de près, y compris par nous. Nous nous préoccupons du sort des personnes hébergées dans le centre d’asile, des jeunes qui ne trouvent pas de logement abordable, des personnes victimes de racisme, du manque de services de proximité pour la population et nous nous opposons à l’impact du secteur immobilier. Vous habitez à Ranst ou dans ses environs et vous voulez agir ? Commencez par porter le triangle rouge, symbole de la résistance au racisme et au fascisme. Commencez à parler aux gens de votre quartier. Suivez la politique locale à Ranst. Participez aux actions nationales contre les politiques antisociales qui nous sont proposées. Nous sommes prêts à soutenir les actions et les campagnes antifascistes dans la région à la mesure de nos moyens.

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