L’Allemagne vire à droite 

En février 2022, le chancelier fédéral allemand Olaf Scholz avait utilisé le terme « Zeitenwende » ou « changement d’époque » lors d’un discours au Bundestag peu après l’invasion russe de l’Ukraine. Cela reste très pertinent pour décrire la période actuelle de l’histoire allemande.

Article de Christian (Louvain)

Alors que l’économie allemande est au bord de la récession et qu’une vague d’austérité se profile, le gouvernement de coalition allemand (le SPD social-démocrate, les verts et les libéraux du FDP) ne cesse de perdre du soutien. Les trois récentes élections régionales à l’Est du pays ont représenté un succès inédit pour le parti d’extrême droite AfD. À la suite de la scission du parti Die Linke du BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht, Alliance Sahra Wagenknecht), la gauche est dans un processus de recomposition, voire de décomposition. A gauche, comme sur le reste de l’échiquier politique, on observe un repositionnement marqué vers la droite.

Sur le sujet de l’immigration, la récente extension des contrôles aux frontières par le gouvernement de centre-gauche – une mesure longtemps prônée par l’extrême droite – illustre l’importance de ce virage à droite. Cette question, ainsi que le positionnement « pacifiste » du BSW et même de l’AfD, feront l’objet d’un autre article, à paraitre à une date ultérieure.

Le modèle économique allemand en difficulté

La crise totale dans laquelle nous plonge le système capitaliste avance à des vitesses variables selon les pays. Le statut de l’Allemagne comme moteur économique de l’Europe, comme symbole de stabilité, semble aujourd’hui révolu. Certains vont jusqu’à lui recoller l’étiquette « d’homme malade d’Europe » par lequel le pays était désigné à la fin des années 1990 et au début des années 2000, période de croissance stagnante et de chômage élevé.

L’économie allemande a connu une récession en 2023 (-0,3 %), alors que, point d’ironie, la croissance en Europe du Sud a permis à l’UE d’échapper globalement à la récession. Pour 2024, l’économie allemande vacille au bord de la récession avec une croissance tout au plus de 0,3%.[i] Le secteur automobile, secteur phare de l’économie allemande, est un parfait exemple de la crise de compétitivité. Volkswagen pourrait supprimer 15.000 emplois en Allemagne, où l’entreprise envisage des fermetures d’usines pour la première fois depuis 1938.[ii]

Le chômage est en légère hausse, à 6,0% actuellement contre 5,7% en 2023. Cela reste relativement faible par rapport aux normes historiques (le record du 21e siècle était de 11,2% en 2005), mais cela semble être dû à des facteurs démographiques, notamment le départ à la retraite des baby-boomers, ce qui entraîne son propre lot de problèmes.

La dernière fois que la bourgeoisie allemande a réussi à se débarrasser de cette étiquette « d’homme malade de l’Europe », c’était grâce aux (contre) réformes « Agenda 2010 » introduites par la coalition SPD (social-démocrate) et Verte du chancelier Gérard Schröder en 2003. S’en prenant aux allocations sociales et à l’assurance chômage, les réformes “Harz IV” représentèrent une attaque massive contre l’État providence. La création d’un vaste secteur à bas salaires, l’introduction massive de travail intérimaire et une retenue salariale marquée ont permis au capital allemand de redevenir compétitif à l’échelle européenne voire mondiale, une vraie « superstar » de l’exportation. Pendant la crise de l’euro, le capital allemand a su imposer sa volonté aux économies plus faibles du sud de l’Europe et ainsi même profiter de la crise.

Les points forts du modèle économique du pays sont aujourd’hui devenus des faiblesses. Après le trou financier produit par la crise du covid, la guerre russo-ukrainienne a porté un coup encore plus sévère à l’édifice allemand. L’Allemagne a désormais perdu sa source d’énergie bon marché, le gaz russe. Le découplage de l’économie mondiale a porté préjudice aux exportations allemandes, en particulier celles vers le marché chinois. L’accès à la Chine, un pays désormais lui-même en crise, fut un élément crucial de la recette du succès allemand au cours de la dernière période. Un vaste secteur à bas salaires présente aussi le désavantage d’une plus faible demande intérieure. Le sous-investissement dans les infrastructures publiques (tel la numérisation) nuit désormais à l’économie. L’Allemagne, à l’instar de l’UE dans son ensemble, est en position de faiblesse dans les technologies de pointe, loin derrière les États-Unis et la Chine.

Crise budgétaire et austérité

L’Allemagne est également confrontée à une crise budgétaire en grande partie auto-imposée. La coalition fédérale allemande dite ‘feu tricolore’ (‘Ampel-Koalition’) composée du Parti social-démocrates (SPD), du Parti libéral-démocrate (FDP) et de l’Alliance 90 / Les Verts a tenté de réaffecter un fonds d’urgence covid de 60 milliards d’euros au nouveau « fonds pour le climat et la transformation ». Au Bundestag les chrétiens-démocrates du CDU/CSU s’y sont opposés. Ils ont également eu recours à la cour constitutionnelle pour empêcher la mesure en question. Le verdict donna raison aux chrétiens-démocrates, au motif que la mesure enfreignait le « Schuldenbremse » (frein à l’endettement) lequel limite depuis 2016 le déficit budgétaire à 0,35 % du PIB.[iii]

La coalition s’est divisée sur la question de savoir si elle doit remettre en cause le principe du frein à l’endettement. Christian Lindner, le ministre des Finances issue du FDP, parti néolibéral particulièrement zélé, est, contrairement à ses partenaires de coalition sociaux-démocrates et verts, un particulièrement attaché à ce principe constitutionnel. Le gouvernement n’étant pas disposé à abandonner les allégements fiscaux garantis aux riches et aux grandes entreprises pour combler les trous budgétaires qui se sont ouverts dans le budget 2025, des coupes dans les dépenses sociales se profilent. A partir de 2027, les coûts de réarmement, actuellement encore couverts par un fonds spécial, vont encore d’avantage mettre le budget de l’État sous pression. La crise du covid, le réarmement, la transition énergétique, etc. devront tous être mis sur leur dos de la classe travailleuse afin que le pays, voir le capital allemand, retrouve sa compétitivité.

Virage à droite

La classe dirigeante a besoin du racisme et de la persécution des personnes marginalisées et vulnérables pour diviser la classe travailleuse. C’est la seule façon de lui faire payer la facture. Les médias et l’ensemble du spectre politique, par leur acceptation même du capitalisme comme une fatalité, sont poussés sur la voie de la droitisation. La quasi-invisibilité de la gauche, voire l’absence complète d’une perspective d’une alternative socialiste au système, assure que cette surenchère ne rencontrer que très peu d’opposition. De plus, quand des perspectives économiques pessimistes s’ajoutent au désert social crée par les politiques des dernières décennies, cela alimente encore davantage les craintes de déclin social qui motivent le vote pour l’extrême droite.

Ceci explique le succès électoral sans précédent de l’AfD et ainsi que la droitisation de l’ensemble du champ politique. Les partis établis se bousculent pour mettre en œuvre de nombreux éléments du programme de l’extrême droite. L’Allemagne suit ainsi bon nombre d’autres pays de l’UE, ou cette évolution est déjà en court pour assez longtemps. Cependant, la récente droitisation accélérée de l’Allemagne, la première puissance de l’UE, risque de donner de l’élan à cette tendance ailleurs sur le continent.

L’Est du pays

Pour des raisons historiques, le bousculement politique allemand se présente de la façon la plus aiguë dans l’Est du pays. Le malaise allemand des années 1990 et du début des années 2000 fut en partie lié aux coûts de l’intégration de l’ex-Allemagne de l’Est par le capitalisme ouest-allemand. Les bouleversements massifs causés par la restauration capitaliste, en particulier la destruction de la majeure partie de l’industrie est-allemande et le chômage de masse qui en a résulté, ont laissé un traumatisme durable dans la région. 35 ans après la réunification, l’Est du pays connait toujours un taux de pauvreté nettement plus élevé. Le revenu moyen y est notamment 14 % inférieur à celui dans l’Ouest du pays.[iv]

À l’exception de quelques grands centres de population, cette partie du pays connaît aussi un déclin démographique continu marqués par l’émigration. Dans un contexte néolibéral, ceci s’accompagne de la perte concomitante de services publics. Les partis d’extrême droite, ainsi que des groupuscules (néo)fascistes violents, y connaissent depuis longtemps un terrain fertile. La colère est redirigée vers l’immigration, bien que celle-ci soit relativement peu importante dans ses contrées. La présence significative du parti Die Linke dans le paysage politique de l’Est du pays (ici largement basée sur l’ancien PDS, parti successeur de la dictature bureaucratique est-allemande), a dans une certaine mesure mit un frein à la monté de l’extrême droite. Toutefois en s’accommodant du statu quo, Die Linke n’a finalement pas réussi à apporter une réponse à la crise systémique dont souffre la population et le parti disparaît peu à peu.  

Trois excellents résultats pour l’AfD

En septembre, trois élections régionales ont eu lieu dans l’est de l’Allemagne : en Thuringe et en Saxe le 1er septembre et dans le Brandebourg le 22 septembre. Le parti d’extrême droite AfD a remporté les élections en Thuringe avec près de 33% des voix, soit une hausse de plus de 9% par rapport aux résultats de 2019. En Saxe et dans le Brandebourg, l’AfD a atteint un score d’environ 30 %, manquant de peu la première place.

Le succès de l’AfD n’était toutefois pas inattendu. Depuis un certain temps déjà, le parti était donné deuxième dans les sondages au niveau fédéral, un fait confirmé par les élections européennes de juillet 2024.

Toutefois, pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, un parti d’extrême droite est arrivé premier dans une région allemande. Coïncidence troublante de l’histoire, c’est en Thuringe que le parti nazi, après les élections régionales de janvier 1930, a participé pour la première fois à une coalition gouvernementale. Cependant, l’AfD n’est pas le NSDAP, et nous ne sommes pas dans les années 1930.

La situation est grave, mais nous vivons dans une période assez différente. Le poids plus important de la classe travailleuse aujourd’hui par rapport aux années 1930 et l’absence d’une gauche forte, et surtout d’une gauche révolutionnaire, signifient que l’extrême droite prend pour l’instant la forme de partis populistes, tout à fait à l’aise avec le cadre de démocratie représentative existante.

La trajectoire actuelle reste pour autant inquiétante. De plus en plus de gens votent pour l’AfD par conviction, par exemple par adhésion à son programme raciste anti-migrants, plutôt que par déception envers les autres partis. En Thuringe, sur dix ans la part du « vote protestataire » est ainsi passée de 57 % à 40 % parmi les électeurs de l’AfD.[v] Pour la première fois, les gens votent majoritairement pour l’AfD parce qu’ils lui font confiance pour résoudre leurs problèmes.[vi]

Contrairement au Rassemblement national en France, l’AfD n’est pas non plus sur une trajectoire de dédiabolisation. Le parti fut fondé en 2013 en réaction à la crise de l’euro comme parti eurosceptique ultra-néolibéral. Elle prônait, entre autres, soit la réintroduction des monnaies nationales ou la formation de zones monétaires séparées plus stables (voir le nord et le sud l’UE). Le parti a ensuite connu plusieurs épisodes de luttes intestines au cours desquelles les éléments d’extrême droite raciste les plus extrêmes sont à chaque fois sortis vainqueurs. L’AfD se caractérise aujourd’hui par son programme profondément islamophobe et anti-immigration.

L’AfD de Thuringe est particulièrement à droite, même selon les normes du parti, avec un style de communication que certains dirigeants nationaux préféreraient éviter. Le chef du parti régional, Björn Höcke, s’est notamment opposé à la commémoration des crimes de l’Allemagne nazie en critiquant le mémorial de l’Holocauste à Berlin et en affirmant que les Allemands sont le « seul peuple au monde à avoir planté un mémorial de la honte au cœur de leur capitale ». Il a encore été condamné en juillet 2024 pour utilisation d’un slogan nazi.

Si l’AfD n’est pas un parti de combattants de rue fascistes, il s’est sans aucun doute renforcé grâce à des mouvements de protestation tels que Pegida (extrême droite islamophobe) ou Querdenker (conspirationniste covid). L’AfD entretient des liens avec des groupes d’extrême droite violents et son succès s’accompagne d’une augmentation de la violence raciste et d’extrême droite. Au cours du premier semestre 2024, le nombre de crimes attribués à l’extrémisme de droite a atteint un nouveau record en Allemagne.[vii]

Faire barrage mais pour combien de temps encore…

Dans chacune des trois élections régionales récentes, un parti de l’establishment réussi à concentrer le vote anti-AfD. En Thuringe et en Saxe, ce fut la CDU chrétienne-démocrate, actuellement en opposition au niveau fédéral. En Thuringe le CDU est arrivé deuxième, en Saxe premier. Dans le Brandebourg, ce fut le vote SPD social-démocrate qui a su faire barrage à l’AfD. Le « vote barrage » est surtout une affaire des plus de 60 ans ou d’électeurs encore plus âgés. Au Brandebourg, parmi les plus de 70 ans, la moitié aurait voté pour le SPD et seuls 17% pour l’AfD. Parmi les Brandebourgeois âgés de 25 à 44 ans, le vote pour l’extrême droite est par contre en moyenne deux fois plus élevé, soit 34%.[viii] Chez les générations moins âgées, l’argument moral contre le fascisme utilisé par les partis établis a clairement moins de poids. La cohorte d’âge qui constitue l’épine dorsale du barrage anti-extrême droite ne présage rien de bon pour la performance future du dit barrage.

Malgré la victoire serrée du SPD dans le Brandebourg, Etat détenu par les sociaux-démocrates depuis la réunification allemande, les élections régionales représentent un revers majeur pour la coalition fédérale allemande. Sur l’ensemble des trois élections, les verts et les libéraux ont quasiment été anéantis électoralement. En Thuringe et en Saxe, les partis formant de la coalition fédérale n’ont obtenu respectivement que 10,5 % et 13,3 %, tous les trois réunis. En effet la popularité du gouvernement Chancelier d’Olaf Scholz connaît une chute continue. Selon un sondage national réaliser le 19 septembre seul 16% de l’électorat se disait satisfait du gouvernement, avec 47% se montrant « pas du tout satisfait ».[ix]

Bouleversement à gauche

Outre l’avancée de l’extrême droite, les dernières élections régionales ont également vu un bouleversement à gauche de l’échiquier politique. Die Linke est en effet la grande perdante de ces élections. Die Linke, qui avait déjà largement perdu son image de parti anti-establishment, notamment en participant à des coalitions gouvernementales d’austérité dans de nombreuses régions du pays, surtout à l’Est du pays, mais aussi à Brême. Le lancement en janvier du Bündnis Sahra Wagenknecht (BSW), alliance prônant le nom de sa dirigeante, ancienne figure de proue de Die Linke, n’a fait qu’accélérer un effondrement déjà en cours. Le BSW, scission droitière de Die Linke, est arrivé troisième dans chacune des trois élections régionales ; Thuringe (15.8%) Saxe (11,8%) et Brandebourg (13,5%).

Dans le Brandebourg, Die Linke a perdu l’entièreté de ses sièges. En Thuringe, la chute a aussi été particulièrement dramatique. Aux élections de 2019, Die Linke avait encore connu un succès électoral historique, devenant le plus grand parti avec 31% des voix (29 sièges). Aujourd’hui, son résultat est de 13% (12 sièges). Le fait que l’office du Ministre-président de l’Etat de Thuringe soit occupé depuis 2020 par Bodo Ramelow, homme politique de Die Linke, n’a pas convaincu les électeurs. Alors que Ramelow est personnellement populaire, Die Linke n’a fait que de perdre en popularité. Parti électoraliste largement absent des luttes sociales, Die Linke gouverne comme n’importe quel autre parti, adhérant notamment aux carcans budgétaires.

En Saxe, Die Linke a également perdu plus de la moitié de ses électeurs, passant de 14 à 6 sièges. Si Die Linke n’a pu éviter un échec électoral complet, c’est grâce à une légère hausse du soutien parmi les jeunes électeurs de moins de 35 ans dans les villes universitaires et les grandes villes tel que Leipzig.

Le BSW prétendent être pour « la raison et la justice », se dit économiquement de gauche mais conservateur sur les questions d’oppression (anti-woke) et s’oppose aux dépenses environnementales. La dirigeante du BSW en Saxe, Sabine Zimmermann, a situé le BSW « à droite du SPD et à gauche de la CDU » avec de grands « chevauchements politiques » avec la CDU dans les domaines de la « politique de l’éducation et de la migration ».[x]

Bien que le BSW ait principalement pris des voix à Die Linke, il a sans doute empêché l’AfD d’avoir encore de meilleurs résultats. Selon une enquête auprès des électeurs BSW en Thuringe et en Saxe, respectivement 26 et 33 % de ceux-ci auraient voté pour l’AfD si l’option BSW était inexistante.[xi] Contrairement à Die Linke, BSW semble en effet attirer autant le support d’électeurs ruraux qu’urbains. Ses meilleurs résultats se situe dans les petites villes.[xii] Pour l’AfD, plus la circonscription est rurale, meilleur est non seulement son résultat électoral, mais aussi sa progression électorale depuis les dernières élections.[xiii]

Cependant, le discours social-conservateur du BSW contribue à normalisation des positions de droite et contribue ainsi à la droitisation du spectre politique allemand. Die Linke, toujours nettement plus à gauche, est désormais plus inaudible que jamais dans les débats publics. Alors que le BSW a exclu toute coalition avec l’AfD, Sahra Wagenknecht a déjà déclaré qu’elle pouvait imaginer une coopération substantielle avec le parti d’extrême droite.[xiv]

Une difficile formation de coalitions régionales

Dans l’Est du pays, les partis de la coalition fédérale et le CDU (tous des partis dit « de l’Ouest ») ont collectivement obtenu de mauvais résultats. Pour l’instant, on souhaite maintenir un cordon sanitaire pour empêcher l’AfD de prendre part au gouvernement. Les négociations de coalition s’avèrent donc difficiles.

Dans le Brandebourg, les sièges sont répartis à parts égales entre le SPD et la CDU d’un côté et l’AfD et le BSW de l’autre. Le SPD et la CDU ne sont donc pas en mesure de constituer une majorité. Une coalition du SPD avec le BSW, qui a deux sièges de plus que la CDU est donc une possibilité.[xv]

En Thuringe, la coalition la plus probable serait celle entre la CDU, le BSW et le SPD. Mais comme ces trois partis ne détiennent ensemble que la moitié des sièges, cette coalition devrait compter sur la tolérance de ce qui reste de Die Linke. L’AfD se retrouverait alors dans la position d’être l’unique parti d’opposition, ce qui risquerait de la renforcerait encore davantage.[xvi]

En Saxe, la CDU, arrivée en tête aux élections, donne du fil à retordre à ses éventuels partenaires de coalition, le SPD et le BSW. Jusqu’à présent, les chrétiens-démocrates, qui sont susceptibles de former le prochain gouvernement fédéral, ont engagé une collaboration limitée avec l’AfD au niveau local. Les chrétiens-démocrates tentent de se distinguer des partis de la coalition fédérale en surpassant ceux-ci dans l’adoption du programme de l’extrême-droite, notamment sur le sujet de l’immigration. A plus long terme, il n’est pas exclu que ceux-ci ne préfèrent pas une coalition avec l’AfD au maintien d’une orientation envers les parties « centristes ». L’exemple de Meloni en Italie, qui entretient de bonnes relations avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, membre de la CDU, montre les compromis que l’AfD devrait faire pour que cela devienne une option. Cela impliquerait une position plus conciliante envers l’UE et l’OTAN.

La capacité de la BSW à participer dans des coalitions dépendra sans doute de son insistance sur ses positions sur la guerre en Ukraine et sur le stationnement de missiles américains en Allemagne. Le parti saura-t-elle mettre ces positions de côté sous prétexte que ces questions sont moins conséquentes au niveau des régions ? Le BSW parle également constamment de la promotion des intérêts des petites et moyennes entreprises. Dans quelle mesure une telle position est-elle compatible avec ses revendications d’une augmentation du salaire minimum et des retraites ? Il est tout à fait possible que si le BSW entre dans des coalitions régionales, il décevra ses électeurs encore plus rapidement que Die Linke ne l’a fait par le passé.[xvii]

Vers des élections fédérales

Les prochaines élections fédérales en Allemagne sont prévues dans un an, le 28 septembre 2025. D’après un récent sondage (28/09/2024), si ses élections avaient lieux actuellement, le CDU/CSU arriverait en tête avec (32%) suivit par l’AfD (19%) et le SPD (15%). Le BSW arriverait juste derrière l’Alliance 90 / Les Verts avec 10% contre 11%. Le FDP et Die Linke ne pourrait recevoir aucun mandat.[xviii]

L’AfD passerait ainsi de la 5e place en 2021 (où elle avait recueilli 10,4% des voix) au deuxième parti du pays. La monté de l’Afd, n’est d’ailleurs pas d’un phénomène limité à l’est du pays. Les sondages régionaux laissent penser que le parti obtiendrait en moyenne 14% des voix dans les régions de l’Ouest contre 25% dans celles de l’Est.[xix] Cependant, dans certaines régions de l’Allemagne de l’Ouest elle pourrait obtenir un vote bien plus important. En Basse-Saxe, par exemple, l’AfD pourrait obtenir jusqu’à 21 % des voix.

Si la gauche s’associe à des politiques antisociales ou adopte même des éléments de la rhétorique de division de l’extrême droite, cela ne fait que renforcer l’extrême droite. Le mouvement ouvrier ne doit pas se résigner à la crise économique, sociale, écologique et politique, mais formuler ses propres alternatives et les défendre de manière offensive par une lutte conséquente.


[i] https://www.cnbc.com/2024/09/23/europe-adrift-without-a-rudder-as-france-and-germany-fight-crises.html            

[ii] https://www.euronews.com/business/2024/09/12/why-are-these-6-top-european-car-maker-stocks-trading-at-record-lows     

https://fortune.com/europe/2024/09/17/volkswagen-germany-private-employer-over-15000-jobs-plant-closures-jefferies

[iii] https://www.theleftberlin.com/anti-muslim-racism-as-diversion-from-social-crises/           

[iv] https://internationalsocialist.net/en/2024/09/german-state-elections        

[v] https://internationalsocialist.net/en/2024/09/german-state-elections        

[vi] https://www.tagesschau.de/inland/innenpolitik/analyse-ltw-afd-100.html 

[vii] https://www.tagesschau.de/inland/rechtsextreme-straftaten-anstieg-100.html     

[viii] https://www.rbb24.de/politik/wahl/Landtagswahl/2024/brandenburg-wahl-waehler-spd-afd-alte-junge.html           

[ix] https://de.statista.com/statistik/daten/studie/2953/umfrage/zufriedenheit-mit-der-arbeit-der-bundesregierung/       

[x] https://jacobin.com/2024/09/sahra-wagenknecht-germany-foreign-policy

[xi] https://jacobin.com/2024/09/sahra-wagenknecht-germany-foreign-policy            

[xii] https://www.mdr.de/nachrichten/thueringen/landtagswahl-stadt-land-ergebnis-afd-bsw-gruene-100.html  

[xiii] Cet entretien tire des conclusions intéressantes sur le contexte sociologique de l’hégémonie croissante de l’extrême droite dans les zones rurales délaissées. Dans ce cas, il s’agit du RN en France, mais je pense qu’il y a des leçons plus larges à en tirer. Il explique comment les couches de classe moyenne, des petits indépendants, qui sont souvent les premières à adhérer à l’extrême droite, peuvent ensuite influencer des couches plus larges dans ce type d’environnement. https://www.youtube.com/watch?v=KuKnsKHRQN0      

[xiv] https://www.mdr.de/nachrichten/deutschland/politik/afd-bsw-koalition-zusammenarbeit-thueringen-sachsen-100.html           

[xv] https://web.de/magazine/politik/wahlen/landtagswahlen/brandenburg/bleibt-buendnis-bsw-cdu-woidke-verhandeln-40157722         

[xvi] https://www.tagesschau.de/inland/innenpolitik/landtagswahlen-koalitionen-100.html                  

[xvii] https://jacobin.com/2024/09/sahra-wagenknecht-germany-foreign-policy          

[xviii] https://dawum.de/Bundestag/INSA/2024-09-28/          

[xix] https://dawum.de/AfD/           

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