Exposition «Yézidis, Soleil invaincu, dix ans après le génocide»

L’exposition « Yézidis, Soleil invaincu, dix ans après le génocide » s’est tenue à la Cité Miroir, à Liège, de juillet à septembre. Conçue par la photojournaliste Johanna de Tessières et par le journaliste Christophe Lamfalussy, elle était composée d’une cinquantaine de photos illustrant l’histoire, la culture et la religion du peuple yézidi ainsi que d’une carte géographique pour situer les villes et villages cités. L’exposition visait à faire prendre conscience de toutes les conséquences économiques, politiques et humaines du génocide commis contre les yézidis par les fondamentalistes religieux de l’État Islamique (Daesh). L’horreur subie par ce peuple est largement inconnue internationalement tandis que l’impunité est complète pour les crimes commis. 

Par Elisa (Liège)

Le peuple yézidi est une minorité religieuse qui parle kurde. Elle ne compte que 800.000 personnes dans le monde, dont la majorité vivait jusqu’ici en Irak. Elle a résisté, depuis l’Empire ottoman jusqu’au régime de Saddam Hussein, à toutes les autres tentatives de dissolution. 

À la suite des profondes déstabilisations causées par l’invasion et l’occupation de l’Irak par la Grande-Bretagne et les États-Unis en 2003 puis par la guerre civile en Syrie en 2011, Daesh, organisation d’idéologie salafiste djihadiste, a proclamé l’instauration d’un califat totalitaire sur les territoires sous son contrôle en 2014. 

Le soleil invaincu 

Dès ses débuts, Daesh a lancé une offensive contre les Yézédis. Des dizaines de villages ont été rasés et sont encore aujourd’hui inhabitables. 10 ans après le génocide, des camps yézidis subsistent encore dans le Kurdistan irakien (Nord de l’Irak), où la précarité d’existence dans les campements n’a pas empêché une relative gestion autonome des terres, de l’économie et de l’éducation. 

Le yézidisme est une religion qui se transmet oralement. L’absence d’écrits est justifiée par une volonté de préserver le pacifisme de leur religion, afin que des textes ne soient pas détournés à des fins de violence. Elle emprunte des pratiques et rites aux religions que sont l’islam, le christianisme et le judaïsme. C’est d’ailleurs une religion qui interdit le prosélytisme, il n’y a donc pas une croyance qui doit prévaloir une autre. 

On y trouve bon nombre de référence au soleil. Elle prend d’ailleurs ses racines dans le zoroastrisme (dont l’une des caractéristiques est l’adoration du soleil) et du mithraïsme (qui a pour culte le « Soleil invaincu »). De plus, les prières se font face au soleil. Un principe accompagne la prière, c’est l’importance du collectif : le yézidi prie d’abord pour le monde, ensuite pour sa famille, enfin, pour lui-même. 

Une autre référence au soleil se trouve sur les temples à Lalesh, un lieu de culte où ils célèbrent leur grand pèlerinage chaque année, qui sont couverts d’un dôme conique dont les nervures symbolisent les rayons du soleil illuminant l’humanité. Si le culte du soleil est fort présent dans la yézidisme, la croyance elle-même envers ce culte est très forte aussi. Elle est révélatrice d’un besoin de résilience, d’ailleurs, les termes « Soleil invaincu » sont bien choisis. Il y a, dans cette croyance au culte du soleil, un rattachement fort à la continuité de l’ethnie, de leur langue, de leur terre et de leur religion. 

Pourquoi l’État islamique s’est-il attaqué aux yézidis ? 

En automne 2014, Daesh publie dans son magazine de propagande en ligne Dabiq un article de 3 pages justifiant l’élimination de cette « minorité païenne » où les yézidis sont décrits comme des « adorateurs du diable ». Daesh essaye de justifier ses attaques en racontant qu’un des anges vénérés des yézidis est directement lié au soleil et est donc associé au feu de l’enfer. 

De plus, les yézidis sont considérés comme des hérétiques n’appartenant pas à la « vraie » religion musulmane. En fait, Daesh a utilisé des interprétations religieuses fumeuses pour justifier ses crimes de guerre, dont d’innombrables viols sur des femmes et fillettes devenues esclaves sexuelles. Le génocide est ainsi planifié, codifié et même glorifié dans les mosquées et les revues de propagande de l’organisation djihadiste.

En 2014, Daesh commence sa conquête territoriale par le contrôle de la ville de Falloujah en Irak. Le 3 août 2014, Daesh attaque la région montagneuse de Sinjar et applique une politique d’extermination des hommes et tandis que les femmes et les enfants sont vendus comme esclaves. 40.000 Yézidis se réfugient dans la montagne où beaucoup vont mourir de faim ou de soif. Beaucoup vivent encore dans des camps aujourd’hui, des camps surpeuplés et dont l’accès à l’eau est limité. Les yézidis travaillent dans les villes voisines pour un salaire de misère et les ONG ainsi que le gouvernement irakien leur ont promis de l’argent et des vêtements, mais, soit les agents sur place les gardaient pour eux, soit les yézidis devaient les acheter… 

L’autodéfense des yézidis 

En 2014, tant l’armée irakienne que les unités de la région autonome kurde du nord de l’Irak (peshmerga) ont alors abandonné la population yézidie, qui s’est auto-organisée. Le gouvernement irakien a ensuite en partie financé les milices locales, car ils avaient le même ennemi, Daesh. Mais d’un autre côté, ce même gouvernement a tenté de dissoudre des groupes d’autodéfense sous la pression de l’État turc, ennemi de longue date des différentes communautés kurdes, tout particulièrement celles de son territoire. 

Des combats communs ont parfois eu lieu entre les milices irakiennes et la milice locale, la condition de la collaboration pour les yézidis était qu’elle reste dans l’intérêt de la population locale et non pas dans celui de l’État turc ou de groupes corrompus. Des combats ont pu éclater entre milices pour cette raison. Des quartiers entiers du nord de l’Irak ont été détruits, dont le village yézidi de Kocho, où les pires massacres ont pris place et où plus personne ne vit aujourd’hui. 

Les milices yézidies ont reçu un soutien plus conséquent des forces de la région kurde du nord-est syrien du Rojava, les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités de protection des femmes (YPJ), historiquement liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), réclamant une autonomie pour la région. Un corridor humanitaire a été installé vers le Rojava, mais 4000 yézidis ont voulu rester dans les montagnes pour défendre leur peuple. Ils se sont organisés (agriculture, gestion de l’eau, éducation) et ont continué à faire vivre la culture yézidi. Des milliers de personnes ont été sauvées par ce corridor. À l’exemple des YPG et YPJ, les milices yézidis ont fondé les Unités de résistance de Sinjar (YBS) et son pendant féminin, les Unités des femmes de Sinjar (YJS). 

Un combat qui n’est pas terminé

La documentation sur le peuple yézidi, les minorités ethnoreligieuses ainsi que sur les conflits et génocides en cours de façon plus globale est essentielle pour comprendre les dynamiques de pouvoir des puissances impérialistes envers les peuples opprimés, et comprendre ainsi la légitimité de ces peuples à devenir indépendants dans leur région et non pas des réfugiés et des travailleur.euses exploité.e.s par les gouvernements impérialistes et ceux instrumentalisés par ces derniers. 

Nous devons aussi et surtout nous unir, être solidaires et combatif.ves pour la libération des peuples opprimés. Nous devons marquer notre présence et montrer une position claire et ferme pour l’abolition de l’impérialisme sous toutes ses formes et le renversement du capitalisme qui alimente la guerre contre les peuples opprimés, la pauvreté et l’exploitation de la classe travailleuse du monde entier. Alors que l’extrême droite est grimpante partout dans le monde, une alternative solidaire reposant sur la coopération entre les peuples, les communautés opprimées et la classe travailleuse est plus qu’urgente !

Depuis le 20 septembre et jusqu’au 3 novembre, « Yézidis, Soleil invaincu, dix ans après le génocide » est présenté dans le cadre de l’exposition « Irak, Bosnie, Rwanda. Re/construire » au Centre du photojournalisme Géopolis, Rue des Tanneurs 58 à Bruxelles.

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