Cordon sanitaire : stop ou encore ?

24 novembre 1991, le “dimanche noir”. Le Vlaams Blok, renommé depuis Vlaams Belang, s’impose dans le paysage politique. Le parti d’extrême droite existait déjà depuis 1978, mais n’avait jamais obtenu plus de deux députés à la Chambre. Ce jour-là, il en récolte six fois plus. Sous la pression de mobilisations antifascistes de masse qui ont suivi le choc du résultat, un “cordon sanitaire” a été mis en place contre l’extrême droite. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est devenu bien poreux.

Initialement prévu comme un “cordon sanitaire politique et médiatique”, il n’est plus que politique en Flandre. Les médias dominants traitent le parti d’extrême droite comme un partenaire normal de la vie politique. Et qu’en est-il des risques de le voir monter au pouvoir après les élections communales ? Le risque de voir la N-VA conclure un accord avec le Vlaams Belang semble provisoirement écarté après les élections du 9 juin. Dans le sprint final de la campagne, Bart De Wever avait été très catégorique quant à un refus de gouvernement avec le VB à la Région. La question était tactique plutôt que de principe : en accréditant de tout son poids l’idée qu’un vote pour le VB était inutile, il est parvenu à rafler la première place. Et la tactique, ça peut très vite évoluer, d’autant plus dans un parti qui comporte des figures d’extrême droite comme Theo Francken.

La question est toujours ouverte dans certaines communes flamandes où l’extrême droite pourrait disposer d’une majorité absolue. C’est Ninove qui est au centre de l’attention, le Vlaams Belang (sous le nom de Forza Ninove) y reste stable aux alentours de 40%, mais d’autres communes pourraient également connaître des scores similaires en périphérie des grandes villes.

Du côté francophone, le cordon sanitaire médiatique n’est plus ce qu’il était. Il a aujourd’hui un caractère très relatif au vu de la place accordée aux éditorialistes et aux figures d’extrême droite diverses dans le paysage médiatique français. Ils vomissent aussi sur la Belgique francophone. Et c’est surtout le MR qui n’épargne pas ses coups de butoir dans le cadre de sa stratégie populiste de droite qui reprend et banalise des thèmes d’extrême droite.

Face à l’échec du nouveau parti d’extrême droite wallon Chez Nous aux élections de juin, pas mal de figures du parti lorgnent maintenant vers le MR, ce qui n’a rien de neuf, le parti ayant déjà accueilli de tristes individus comme l’ancien membre du Front National Georges-Pierre Tonnelier (citation issue des réseaux sociaux “bavure : balle atteignant victorieusement un ressortissant étranger”). Bouchez peut se réjouir à court terme, mais partout où cette stratégie a été adoptée, elle a conduit plus tard à l’essor de forces ouvertement d’extrême droite.

La seule conclusion qui s’impose, c’est que le cordon sanitaire est né des puissantes mobilisations antifascistes des années ’90, et que la seule manière de le renforcer ou de le restaurer, c’est de reprendre ce chemin, en le renforçant par un programme antifasciste de classe qui vise à en finir avec le terreau socio-économique sur lequel peut proliférer la haine de l’autre.

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Première page de Lutte Socialiste