Le mouvement historique contre le génocide à Gaza a impliqué toute une nouvelle génération d’activistes. Les occupations de campus étaient solides, notamment en raison de leur large soutien. Après une pause estivale temporaire, la question de la poursuite de la lutte est immédiatement posée. Les forces du mouvement avant l’été représentent un excellent socle de départ.
La puissance de l’auto-organisation
À l’université de Gand, le recteur a tenté de présenter l’occupation comme une action menée depuis l’extérieur de l’université. Ce mensonge visait à minimiser l’un des plus grands atouts du mouvement : la puissante auto-organisation de la base. Des centaines d’étudiant.e.s et de membres du personnel ont participé aux occupations de campus en assurant leur contrôle sur les actions par le biais d’assemblées générales démocratiques, d’innombrables discussions, divers groupes de travail, leurs propres recherches et des débats sérieux sur les formes d’action et les revendications à défendre.
Les dossiers préparés par les activistes étaient vraiment impressionnants et il était très difficile pour les autorités d’envoyer les activistes balader avec des promesses creuses. L’auto-organisation fut essentielle pour rendre impossible d’ignorer la contestation. Cela a aussi considérablement compliqué la répression du mouvement. Cela, et le large soutien dont il bénéficiait, a permis aux occupations de durer des semaines, y compris pendant les examens.
Une occupation est un endroit idéal pour le débat et l’échange de vues. Cela rend la solidarité plus concrète, d’autant plus si celle-ci est démocratiquement organisée. Il est vrai qu’une occupation est une méthode d’action particulièrement intense et que la nécessité de ces assemblées y est plus vivement ressentie. Mais la méthode a son importance de façon plus générale.
Dans plusieurs universités, des concessions ont été arrachées et des partenariats avec des universités et des entreprises israéliennes ont été stoppés ou examinés de près. Sous la pression de révélations de journalistes conséquents et d’actions, notamment à l’aéroport de Liège contre l’entreprise Challenge ainsi qu’avec une manifestation à Namur face au siège du gouvernement wallon, le gouvernement wallon a reculé sur l’autorisation du transit d’armes et de matériel militaire vers Israël.
La lutte porte donc ses fruits ! Même si cela ne suffit pas à stopper un génocide, cela montre comment on peut avancer. Ce qui est possible à l’échelle relativement petite d’une université peut également être imposé à un niveau plus large.
Un soutien massif, un engagement conséquent
Les occupations ont donné aux étudiant.e.s et au personnel l’occasion de jouer un rôle actif et de s’approprier le mouvement. Cette implication est importante et nous permet de mobiliser un soutien plus large. Chaque occupant.e est devenu un propagandiste du mouvement.
Plusieurs grandes manifestations ont eu lieu. À chaque fois, nous avons été surpris par le nombre de personnes prêtes à descendre dans la rue. Encore et encore, la force de la solidarité internationale était évidente. Les actions et les slogans d’un pays étaient rapidement adoptés ailleurs. Les premières occupations de campus ont été lancées aux États-Unis, avant de faire le tour du monde. La vague d’occupations a motivé les jeunes du monde entier, jusqu’aux territoires palestiniens eux-mêmes.
Sous l’influence de ce mouvement international, les étudiant.e.s palestinien.ne.s de la ligne verte ont créé de nouvelles organisations sur les campus, notamment Jam`etna (جمعتنا) au Technion et le Comité conjoint des groupes étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur (الهيئة المشتركة للكتل الطلابية في المعاهد العليا). Le 28 mai, une journée d’action a réuni des étudiant.e.s palestinien.ne.s et juif.ve.s. À l’université hébraïque, 300 personnes ont manifesté contre l’invasion de Rafah.
La solidarité s’est déployée naturellement dans toutes les luttes contre les diverses formes d’oppression et d’exploitation. Lors de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars, des délégations du mouvement palestinien étaient présentes et visibles. Des groupes comme “Queers for Palestine” ont participé aux Prides. Ce n’est qu’à Anvers que la répression s’est abattue sur ces activistes. Deux activistes ont été arrêté.e.s autour de la délégation “Pride is a Protest” (voir en page 15). Cette solidarité est très importante, elle met à mal l’argumentation du régime israélien qui se présente comme un bastion de la “démocratie” et même de la résistance à l’oppression. Le Pinkwashing est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre lorsqu’il fait l’objet d’une réponse concrète dans la rue.
Nous pouvons nous appuyer sur cette solidarité même au sein du mouvement ouvrier. Ce sont les travailleur.euse.s qui peuvent tout changer. Ils et elles peuvent mettre un terme à l’exportation ou au transit d’armes. Le mouvement ouvrier peut également jouer un rôle dans d’autres domaines. Lorsque les occupations de campus ont bénéficié du soutien organisé du personnel, elles ont été beaucoup plus puissantes. Ce fut le cas à Gand, entre autres. Les syndicats y ont adopté une position exemplaire en paroles et en actes. De nombreuses délégations syndicales ont effectué des visites de solidarité. C’est sur cela qu’il faut s’appuyer. Pourquoi ne pas organiser des délégations d’entreprises et de secteurs syndicaux visibles lors des prochaines manifestations de solidarité ?
Comprendre que tout le système est coupable
Une fois que l’on agit contre l’injustice, on ne peut plus se détourner des autres formes d’injustice. C’est ce qui explique le soutien apporté aux manifestations en faveur des droits des femmes ou contre la LGBTQIA+phobie. Au sein du mouvement, l’attention est également attirée sur d’autres zones de conflit telles que le Soudan ou le Congo. L’entrée en action permet de tisser des liens de solidarité. Dans les mois à venir, il pourrait s’agir de manifestations contre les licenciements prévus chez Audi ou encore d’actions contre l’extrême droite.
Ces expériences permettent de mieux comprendre les causes de l’oppression, de l’exploitation et du génocide. C’est tout le système qui est coupable. Nous devons défendre des alternatives qui ne se limitent pas aux frontières étroites du système capitaliste, mais qui formulent une réponse plus large.
Peut-on compter sur des négociations ou un “accord politique” pour stopper le génocide ? Beaucoup l’espèrent. Mais pour peu que l’on bénéficie d’une analyse plus large du système, on se rend compte que cela ne peut être le cas. Tout ce que la classe travailleuse a pu imposer dans l’histoire a été arraché de hautes luttes, les détenteurs du pouvoir ne faisant des concessions qu’une fois le couteau sous la gorge. C’est un mouvement anti-guerre de masse qui a contraint le régime israélien à mettre fin à la guerre au Liban en 1982. C’est également par des mobilisations de masse que les manifestants du Bangladesh ont mis fin au gouvernement de Sheikh Hasina cet été. L’auto-organisation de ces derniers mois va dans ce sens : nous ne devons compter que sur nos propres forces pour imposer le changement.
Le changement, concrètement, signifie la fin du génocide, du siège de Gaza et du régime d’occupation. Cela signifie aussi un combat pour des investissements massifs dans la reconstruction de Gaza et de toutes les communautés affectées. Les fonds nécessaires doivent être cherchés chez les capitalistes d’Israël, de la région et des pays qui ont soutenu l’offensive génocidaire. Leur règne doit être brisé pour faire place à une transformation socialiste de la région afin de mettre fin à toutes les formes d’oppression nationale et de garantir le droit à l’autodétermination.
Poursuivre l’organisation et la coordination des luttes
La force des mobilisations étudiantes était évidente avant l’été. Il ne suffit pas de répéter cela, nous devons passer à l’échelle supérieure. Les premiers pas ont été faits vers une plus grande coordination entre les occupations. Ensemble, nous sommes plus forts, à la fois en termes de mobilisation et de compréhension. Prendre le temps de l’échange, de la discussion démocratique et de la prise de décision autour des actions et des revendications ferait grandement avancer le mouvement.
Cela permettrait également de construire plus largement la solidarité avec d’autres actions et mouvements et d’organiser notre propre mobilisation le plus largement possible. Des manifestations régionales, par exemple sous la forme de manifestations provinciales alternées, pourraient créer un élan vers de nouvelles journées d’action nationales, voire internationales.
Par ailleurs, un débat sur nos revendications et notre approche reste nécessaire. Comment pouvons-nous effectivement mettre fin au génocide, à l’occupation et à l’oppression? Quelles forces de la société sont capables de le faire? Qui sont nos alliés et qui ne le sont pas? Faire face à l’ensemble du système exige d’affiner et d’approfondir notre programme.
Nous nous opposons à une escalade régionale, aux meurtres et aux frappes aériennes ainsi qu’à une invasion du Liban. Nous exigeons la fin du génocide à Gaza, le retrait de toutes les forces israéliennes et la libération de tous les prisonniers et otages. Les attaques de l’armée et des colons en Cisjordanie doivent cesser. Un programme de reconstruction de Gaza sous contrôle populaire démocratique est nécessaire. Il en va de même pour toutes les communautés touchées. Nous défendons un État palestinien indépendant, démocratique et socialiste, avec des droits égaux pour toutes les populations, et nous lions cela à la lutte pour la démocratie et une transformation socialiste en Israël et dans la région, avec une garantie de droits égaux pour toutes les nations et toutes les minorités.
Nous invitons à participer aux prochains rassemblement appelés par un large éventail d’organisations :
- 20 octobre, Bruxelles : Manifestation nationale, 15h, Gare du Nord.
- 5 octobre, Liège : 14h, Place Saint Lambert.