A Aalter, près de Gand, le Vlaams Belang défend Roeland Raes comme candidat aux élections communales de ce 13 octobre. Roeland Raes y réside effectivement, dans un centre de soins résidentiels. Il figure parmi les fondateurs du Vlaams Blok (qui a changé de nom en 2004 après une condamnation pour racisme) et de groupes plus radicaux tels que Voorpost. En 2010, il a lui-même été condamné par la Cour d’appel de Bruxelles pour négationnisme (négation ou minimisation de l’Holocauste). Ses opinions à ce sujet n’étaient pas neuves, mais elles avaient fait sensation en 2001 lorsqu’il les a ouvertement défendues à la télévision néerlandaise.
Article du site blokbuster.be
Dans les années 1970 et 1980, l’extrême droite a régulièrement nié l’existence de l’Holocauste. Les positions virulemment antijuives n’y étaient pas exceptionnelles. En 1976, lorsque Roeland Raes est devenu l’un des dirigeants de la milice privée VMO (Vlaamse Militanten Orde), interdite par la suite, ce groupe a publié une brochure intitulée « Six millions de personnes sont-elles vraiment mortes ? » Roeland Raes conseillait aux lecteurs de lire attentivement le matériel du négationniste Siegfried Verbeke : « D’autant plus que les hommes d’affaires sournois de l’escroquerie de l’Holocauste ont à nouveau développé des thèmes classiques tels que les six millions de Juifs disparus ». La brochure de Verbeke était, selon Raes, « la réponse appropriée à la campagne de diffamation anti-allemande et anti-droite inspirée par des cercles de gauche et israéliens ».
En 2006, il a déclaré dans une interview accordée au quotidien flamand De Standaard : « Dans les années 1970, il y avait moins de tabous sur le langage grossier ou les réminiscences des années 1930 et 1940. À l’époque, les mesures prises à notre encontre n’étaient pas aussi franches et déterminées ». Ce qui se cache derrière les « réminiscences des années 1930 et 1940 », ce n’est rien d’autre que le soutien à la collaboration avec le nazisme. Réagissant au vote de la loi sur le négationnisme en 1995 (co-approuvée par le Vlaams Blok en raison d’une pression intense), Roeland Raes a déclaré dans le magazine d’extrême droite Voorpost que la collaboration était justifiée. Dans une interview accordée au quotidien De Morgen, il a déclaré que les Juifs avaient effectivement été tués, mais « que ce soit à cause des gaz ou des maladies qui se sont déclarées dans les camps, je ne vais pas m’exprimer là-dessus aujourd’hui », en précisant qu’il aurait préféré qu’il n’y ait aucune loi sur le négationnisme.
Roeland Raes a joué un rôle important au sein de l’extrême droite pendant de nombreuses années. Il a été l’un des fondateurs du Voorpost, le groupe qui, aujourd’hui, en tant que service d’ordre du Vlaams Belang, constitue le « fil brun » entre le Vlaams Belang et les militants plus radicaux. Il est également l’un des fondateurs du Vlaams Blok, dont il a immédiatement été nommé vice-président sous la direction de Karel Dillen. Elu lors des grandes percées électorales du Vlaams Blok dans les années ’90 (il fut sénateur de 1995 à 2001), Roeland Raes est toutefois resté en retrait dans les médias à la faveur de têtes d’affiche comme Filip Dewinter et Gerolf Annemans. La croissance électorale a permis au VB de distribuer des postes en faisant appel à des personnalités comme Raes. C’est de cette façon que fin 2000, il a été délégué au conseil d’administration de l’UGent comme représentant politique.
Cela a donné lieu à des manifestations antifascistes étudiantes de masse. Un « Comité anti-Raes » a été créé par des étudiants de gauche issus de diverses organisations, dont Actief Linkse Studenten (ALS), l’aile flamande des Etudiant.e.s de Gauche en Action (EGA). Ce comité a organisé des manifestations et bloqué l’accès au Conseil d’administration. Cette mobilisation a attiré l’attention sur le personnage et un journaliste néerlandais qui devait l’interviewer a également pris contact avec des activistes du Comité anti-Raes. Nous avons souligné que Raes avait démontré son négationnisme à plusieurs reprises et qu’il avait bien du mal à respecter la loi qui l’interdit. Durant l’interview, il a souligné : « Je pense que ce que l’on a voulu nous faire croire est largement exagéré sur certains points », déclaration reprise par les médias de masse belges, ce qui a placé le Vlaams Belang dans une position délicate. Raes a dû démissionner de ses fonctions de vice-président et de membre du conseil d’administration de l’UGent. Le recteur a dû s’exprimer publiquement pour la première fois contre sa présence et, au niveau flamand, un décret a été rédigé pour adapter la représentation politique au sein du conseil d’administration de l’université de Gand.
Roeland Raes a alors disparu du devant de la scène, tout en continuant à jouer un rôle actif dans les coulisses du Vlaams Belang. En 2010, il a été condamné en appel et a dû verser des dommages et intérêts au Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (aujourd’hui Unia) ainsi qu’au Forum des organisations juives.
Aujourd’hui, il refait surface sur une liste électorale du Vlaams Belang, mais pas à une position de premier plan. Il est 27e sur la liste d’extrême droite à Aalter. Le chef de file local, Paul Beheyt, a déclaré à ce sujet : « Il a obtenu une place symbolique, par respect, car il reste l’un des fondateurs du Vlaams Blok ». La direction du parti a donné son feu vert à cette candidature. « Ce petit fait ne doit pas faire oublier les grands mérites de Raes », a déclaré Beheyt. « Un petit fait ? » Même sur leur propre négationnisme, ils sont négationnistes…
La candidature de Raes en dit long sur les racines du Vlaams Belang. Ce parti est issu de la collaboration avec le nazisme et cela continue à jouer un rôle. Raes a toujours joué le rôle d’un pont entre les éléments les plus extrêmes et la façade publique des dirigeants du parti. C’est également dans cette perspective qu’il était à la base du groupe Voorpost, qui prévoit de rendre les rues d’Anvers dangereuses samedi prochain avec une manifestation pour la « remigration » (c’est-à-dire la déportation de personnes migrantes) et contre le « grand remplacement » (une théorie complotiste d’inspiration nazie). Voorpost veut ainsi donner un coup de pouce à la campagne de Dewinter à Anvers.
Heureusement, le mouvement antifasciste ne sera pas silencieux. Une contre-manifestation débutera samedi prochain à 14 heures sur la place De Coninck.
Ce type de manifestation est important pour limiter l’espace de l’extrême droite et attirer l’attention sur la nature néo-fasciste de l’extrême droite, ce qui reste inacceptable pour de larges couches de la population. C’est grâce à des manifestations antifascistes soutenues en 2001 que la « chute de Raes » a été obtenue. Nous poursuivrons cette tradition samedi avec un antifascisme combattif dans les rues d’Anvers.