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Rendez-vous: 21/09/24
Voorpost : le bras armé du Vlaams Belang

Le fil brun entre l’extrême droite “normalisée” et les groupes néofascistes classiques

Les “groupes d’action” d’extrême droite tels que Voorpost (“Avant poste” en français) se sentent renforcés par la croissance électorale de l’extrême droite en Europe. Ils se tournent à nouveau vers des actions plus musclées.

Par Bart Van der Biest, membre du Comité exécutif BBTK-SETCa BHV et de la Coordination Antifasciste de Belgique (CAB)

Triste fait marquant de l’actualité du pays: en juin dernier, à Zutendaal (Limbourg) des activistes de Voorpost ont pris d’assaut un ancien hôtel, qui abritait cinq familles de demandeurs d’asile accompagnés d’enfants en bas âge. Les néofascistes se sont installés sur le toit, ont couvert le centre d’accueil d’affiches et ont intimidé les résident.e.s à l’aide de fusées éclairantes et de fumigènes. Dans les médias traditionnels flamands, Voorpost est généralement qualifié de “groupe d’action nationaliste”. C’est loin d’être exact. Les vétérans antifascistes peuvent témoigner qu’il ne s’agit certainement pas d’enfants de chœur qui se contentent de parader en uniforme…

Une organisation de cadres néofascistes

Voorpost est l’héritier de l’extrême droite flamande en uniforme qui reposait sur l’armée. Son ancien homologue, le VMO (Vlaamse Militanten Orde/Organisatie), a été condamné en tant que milice privée en mai 1981 pour actes de violence, enlèvements, rassemblements illégaux, possession d’armes et vandalisme. Le VMO a été interdit par la loi. Bert Eriksson, son dirigeant, ainsi que de nombreux autres activistes ont été envoyés en prison. Les anciens membres du VMO ont par la suite trouvé un nouveau foyer avec Voorpost.

Toutes les comparaisons historiques ont leurs limites, mais à l’époque de l’Allemagne nazie, Voorpost, avec ses chemises bleues, représentrait plutôt les SS élitistes et le VMO, avec ses chemises brunes, les SA plus “plébéiens”. Malgré l’interdiction du VMO, ses uniformes et drapeaux apparaîtront encore des décennies plus tard lors de célébrations “nationalistes” en salles. Luc Vermeulen – qui se décrit comme son “fondateur et ancien chef d’action” – apprécie également se faire photographier à l’occasion avec des reliques du VMO.

Voorpost est une organisation de cadres néofascistes traditionnelle qui s’est adaptée aux temps modernes. De son propre aveu, le mouvement compte plus de 1.000 membres, dont un certain nombre au Vlaams Belang, y compris parmi les mandataires. L’organisation est connue pour ses actions musclées et pour servir de service d’ordre pendant les manifestations « nationalistes ».

L’existence de Voorpost et son lien organique étroit avec le Vlaams Belang ont garanti qu’aucun concurrent politique d’extrême droite crédible ne se développe en Flandre aux côtés du VB. Soit les organisations d’extrême droite se trouvent dans l’orbite directe du VB, comme le NSV, Schild&Vrienden, le KVHV… soit elles se retrouvent immédiatement dans la marginalité néonazie comme BBET (Bloed Bodem Eer Trouw, Sang et honneur), organisation terroriste interdite, et son héritier, le Projet Thulé de Tomas Boutens.

Voorpost n’a été fondé qu’en 1976, alors que le VMO, sous diverses formes, rendait déjà les rues dangereuses dans les années 1950. L’organisation est née de l’initiative de certains membres de l’organisation de formation et d’action Were Di (1963-2007), dont le mensuel était Dietsland-Europa. Parmi les fondateurs figuraient des militants du Vlaams Blok/Belang de la première heure. Roeland Raes et Francis Van den Eynde en sont les premiers présidents, Luc Vermeulen en était le responsable de l’action.

Idéologiquement, Voorpost se décrit comme “très néerlandais” (le nationalisme thiois) et s’efforce donc de réunifier la Flandre avec les Pays-Bas. L’organisation est présente en Flandre, aux Pays-Bas et en Afrique du Sud. La défense du régime d’apartheid sud-africain et l’amnistie des collaborateurs nazis font partie de ses activités principales. Voorpost est d’idéologie solidariste (à l’instar du Verdinaso, Verbond van dietsche nationaal solidaristen, Union des solidaristes nationaux thiois en français) et rejette radicalement le principe de la lutte des classes. Les similitudes ne manquent pas entre Voorpost et le Verdinaso d’avant-guerre. Les actions anti-syndicats figurent à son agenda dès que cela la situation le permet ou l’exige. Maintenant que le VB se présente faussement comme “social et anti-néolibéral” (afin de se distinguer de la N-VA), cette approche est repoussée à l’arrière-plan. Mais lors du dernier congrès économique du Vlaams Belang, en septembre 2023, ce sont les transfuges ultralibéraux de la Liste Dedecker (LDD) qui tenaient le haut du pavé. Le vernis social n’est pas bien épais. À l’initiative de quelques délégué.e.s FGTB, une contre-manifestation a eu lieu le même jour à Alost.

Complotisme et incidents

Voorpost constitue une importante colonne vertébrale idéologique pour les cadres du VB. Schild&Vrienden a tenté de suivre ses traces, mais s’estime beaucoup plus lourd que la “réalité”. D’anciens membres du VMO peuvent parfois être entendus au bar qualifier S&V de jeunes gosses élitistes… Le magazine Revolte, de Voorpost, a été victime de la nouvelle ère numérique et s’est arrêté en 2019. Il a été remplacé par une lettre d’information numérique. Aujourd’hui, Voorpost est l’un des principaux diffuseurs en Flandre de la théorie du “grand remplacement”, théorie complotiste qui a d’abord fait fureur au sein de l’extrême droite pour ensuite se frayer un chemin dans le courant dominant.

Voorpost a tiré des leçons des nombreuses vicissitudes juridiques dans lesquelles était embourbé le VMO. Il évite par exemple autant que possible les expressions militaristes dans l’espace public. Les défilés en uniforme et en formation serrée sont réservés aux célébrations nationalistes classiques. En 1997, le “dirigeant à vie” Luc Vermeulen est passé au VB et Voorpost est devenu, de fait, le service d’ordre du parti. En 2008, la Région flamande a porté plainte contre le président officiel Johan Vanslambrouck et Luc Vermeulen pour collage sauvage et appartenance à une bande organisée. Quatre ans plus tard, ils ont été acquittés de ces accusations. En 2021, quatre membres ont été condamnés par le tribunal de Malines pour incitation à la haine et à la violence pour avoir brandi des banderoles aux slogans jugés inappropriés par le tribunal. Le jugement a été annulé par la suite, le tribunal ayant estimé qu’il n’était pas compétent.

Des eaux de plus en plus troubles

D’anciens membres et des membres dissidents se sont retrouvés dans des eaux plus troubles en raison d’activités et/ou d’intentions terroristes et d’expressions ouvertement néonazies. Il suffit de penser à l’ancien chef de cercle du Voorpost dans le Limbourg, le fondateur de la “Légion flamande”, qui a acquis une certaine notoriété avec sa camionnette arborant des symboles nazis et qui a été soupçonné, entre autres, d’avoir mis le feu à un futur centre d’asile à Bilzen. Ou encore à Daan C. et Kayley W., invariablement présents aux activités du Voorpost et soupçonnés d’être impliqués dans l’organisation néo-nazie et terroriste américaine “The Base”, organisée à l’échelle internationale. Récemment inscrite sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne, The Base fait partie du courant “accélérationniste” : des néo-nazis qui veulent déclencher une guerre raciale en organisant des provocations et en commettant des attentats.

La mobilisation reste nécessaire

Les exemples ne manquent pas pour illustrer que la lutte juridique contre l’extrême droite et sa violence comporte de sérieuses limites. La seule méthode efficace contre cette peste noire est une contre-mobilisation systématique, active et large basée sur un programme social visant à marginaliser ces groupuscules et à les empêcher de proliférer.

En Flandre, les premières années qui ont suivi le “dimanche noir” (la percée électorale du Vlaams Blok le 24 novembre 1991), nous avons assisté à un tel mouvement de masse avec, entre autres, des grèves écolières et étudiantes, des blocages de réunions du VB et des manifestations. Notre campagne antifasciste flamande Blokbuster a joué un rôle de premier plan via de très nombreux comités locaux. Depuis lors, l’extrême droite en Flandre s’est presque complètement normalisée. Le président du VB, Tom Van Grieken est considéré par les médias grand public et l’industrie du divertissement comme “le gendre idéal avec un sourire Colgate” alors qu’il est un ancien combattant de rue du NSV. À quelques exceptions près, la riposte antifasciste basée sur une mobilisation active s’est éteinte au fil des ans en Flandre.

Contrairement à la Flandre, en Wallonie et à Bruxelles, le mouvement ouvrier organisé joue aujourd’hui un rôle central dans les contre-mobilisations systématiques, ce qui signifie que l’extrême droite francophone peut difficilement s’organiser dans l’espace public.

Sur le plan électoral, celle-ci n’a pas réussi à percer lors des dernières élections en raison de la réaction antifasciste plus forte, mais aussi parce que le MR a absorbé le vote d’extrême droite avec un populisme xénophobe. De jeunes pousses politiques prometteuses de Chez Nous (initiative d’extrême droite wallonne soutenue à la fois par le VB et le Rassemblement national français) se tournent maintenant vers le MR, qui devient de plus en plus “noir et bleu”. On peut comparer cette situation aux jeunes de Schild&Vrienden qui se trouvaient initialement dans les rangs de la N-VA mais qui, avec la renaissance électorale du VB en 2019, se sont installés dans leur véritable écurie idéologique.

Comme le montre le récent documentaire de la RTBf White Power, au cœur de l’extrême-droite, il existe en effet un lien organique entre l’extrême-droite politique “respectable” et les groupes néofascistes plus ouvertement violents. En Flandre, Voorpost joue un rôle de premier plan en tant que chien de garde de cet écosystème d’extrême droite.

21 septembre : rejoignez la manifestation contre Voorpost 14h, De Coninckplein.

Le 21 septembre, Voorpost organisera une manifestation à Anvers en faveur de la “re-migration” et contre le “grand remplacement”. Juste avant les élections, il veut renforcer la campagne du Vlaams Belang à Anvers en faisant descendre dans la rue la propagande raciste la plus crasse. Dewinter est en difficulté à Anvers, il n’a obtenu que peu de votes de préférence lors des élections législatives. Le VB a été largement dépassé par le PTB et a obtenu un score beaucoup plus faible dans son bastion historique qu’ailleurs. Le VB a investi des ressources supplémentaires dans la campagne de Dewinter afin d’éviter une défaite totale. La manifestation de Voorpost prend place dans ce cadre. Après les émeutes racistes en Grande-Bretagne, le danger d’une telle manifestation est évident.

Rejoignez la contre-manifestation antifasciste ! Rendez-vous le samedi 21 septembre !

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