Comment les régions tropicales pourraient s’adapter à un réchauffement de 4°C ? “En se transformant en terrains vagues où peu de gens vivront. Pourquoi n’est-ce pas une option?” Cette réponse révoltante est celle d’un économiste, Andrew Lilico, au magasine britannique Telegraph. Elle clarifie de suite à quel point le racisme est lui aussi lié à la thématique du climat. Et une force en plein essor lui donne une expression politique effroyable alors que les températures moyennes battent des records. Le livre “Fascisme fossile. L’extrême droite, l’énergie, le climat”, du Zetkin Collective, est un outil précieux pour cerner le phénomène.
Cet ouvrage collectif a été écrit en 2019, l’année des grèves mondiales de la jeunesse pour le climat. Cinq années ont passé. Les tendances qu’il esquissait ont largement été confirmées par les succès électoraux de l’extrême droite aux élections européennes, qui reposaient notamment sur une rhétorique anti “écologie punitive”. De quoi considérablement enrichir la première partie du livre, qui aborde l’évolution du négationnisme climatique des multinationales de l’énergie (ce que le collectif appelle le “capitalisme fossile primitif”) vers une stratégie plus subtile de “gouvernance climatique capitaliste” et la reprise de ce négationnisme par l’extrême droite, parfois sous un verni propagandiste de “nationalisme vert”.
L’état des lieux dressé des 30 ou 40 dernières années ne manque franchement pas d’intérêt. Il est complété par un retour sur les analyses visionnaires de la militante communiste Clara Zetkin, dont le collectif tire son nom, renommée pour son rôle de pionnière dans la défense d’un féminisme socialiste, mais qui fut aussi la première, en 1923, à publier un essai s’intéressant en profondeur au phénomène nouveau qu’était alors le fascisme. D’autres militants révolutionnaires sont abordés, comme Léon Trotsky, dans le but de dégager à partir du passé des pistes de réflexion et d’action autour d’une certitude (que nous partageons): plus la Terre se réchauffera, plus la défense du climat et l’antifascisme tendront à ne former directement qu’un seul et même combat autour d’un socle nécessairement anticapitaliste.
“Une transition ne se produira qu’à travers d’intenses polarisation et confrontations et cela pourrait ne pas être beau à voir”, développe la préface. Cette compréhension est encore plus vivace aujourd’hui, l’illusion selon laquelle l’abandon des énergies fossiles sera un processus fluide et raisonné n’est plus défendue par grand monde. À ce titre, le rôle central de la classe travailleuse et de ses méthodes dans ce combat pour vaincre aurait mérité d’être plus fortement souligné dans l’ouvrage. Mais cela ne l’empêche pas de constituer un important outil d’analyse pour renforcer l’arsenal de réflexion de l’antifasciste de l’Ère du désordre.
Fascisme fossile. L’extrême droite, l’énergie, le climat, Zetkin Collective, La Fabrique, 2020, 368 p., 18 €.