L’ère du désordre fait le bonheur des monstres d’extrême droite

L’extrême droite est sortie gagnante des élections européennes. Sa participation au pouvoir est une question toujours plus concrète. Aux Pays-Bas, Geert Wilders rejoint le gouvernement après une longue crise de formation, sans toutefois beaucoup d’espoirs de stabilité. Ce gouvernement ne tient qu’à un fil, mais il est uni dans son aversion pour les personnes migrantes et les politiques antisociales. Mais ses rêves de stabilités ne sont que nostalgie d’une époque révolue. Bien entendu, il n’est pas question de la moindre mesure sociale. Le patronat s’attend par contre à une nouvelle avalanche de cadeaux.

Par Geert Cool

Le 18 mai, le président argentin Milei était l’orateur central d’une rencontre d’extrême droite à Madrid à l’intiative du parti d’extrême droite espagnol Vox, avec le soutien de partisans de Trump. Orban a envoyé une vidéo de soutien et Marine Le Pen avait fait le déplacement en personne. Mais la grande star, c’était Milei. En Argentine, sa politique massacre la protection sociale des travailleur.euse.s ou encore les droits des locataires. Il a annoncé la suppression de 5.000 postes de fonctionnaires et prévoit des coupes budgétaires inédites dans l’enseignement et ailleurs.

Voilà ce qui fait les choux gras de l’extrême droite. Comment est-ce possible d’attirer autant de voix avec de tels projets ? Le soutien dont bénéficie l’extrême droite illustre à la fois le rejet des partis traditionnels et toute la force du discours dominant qui rejette la responsabilité des problèmes sociaux sur les victimes de la politique menée. À cela s’ajoute l’écho renforcé du nationalisme dans un contexte de démondialisation croissante, de nouvelle guerre froide, de conflits et de guerres, de protectionnisme et de distorsion du commerce mondial, de bulles économiques et de spéculation. L’extrême droite parvient à se présenter comme une alternative différente des autres, tout en suivant le courant dominant.

Les partis traditionnels n’ont pas de réponse à offrir face aux problèmes sociaux ; ils sont minés par le discrédit. Pour tenter de s’accrocher au pouvoir, ils essayent de semer la division et individualisent la responsabilité de problèmes sociaux. À travers l’histoire, les exemples les plus marquants de la politique de diviser pour mieux régner ont souvent été liés à des régimes à l’étroite base sociale à partir de laquelle ils ont imposé leur autorité. Le colonialisme britannique a par exemple dominé le monde avec un appareil militaire et administratif très limité, mais reposant sur l’alimentation de divisions diverses.

Le virage à droite de nombreux partis traditionnels n’arrêtera pas l’extrême droite. Cette banalisation élargit au contraire sa marge de manoeuvre. Mais l’extrême droite elle aussi est dépourvue de réponse face aux problèmes sociaux. Ce n’est pas en mettant l’éducation au régime sec, en liquidant le secteur culturel à coups de bélier ou en renforçant la répression que la classe travailleuse accédera à des logements abordables et à davantage de services publics. Il ne fait aucun doute que cette faiblesse joue un rôle prépondérant dans la nature largement passive du soutien à l’extrême droite. Ne nous endormons pas pour autant. Chaque pas en avant de l’extrême droite donne de l’assurance aux groupes plus radicaux en son sein et rend le racisme, le sexisme et la LGBTQIA+phobie plus acceptables.

L’ère du désordre que nous connaissons est faite de contradictions, d’instabilité et de tensions. Cela engendre insécurité et peur. L’extrême droite tente de tirer les marrons du feu sur cette base en se présentant comme une force politique défenseuse d’un puissant sentiment d’identité et de fierté. Ce que cela signifie est modulé en fonction des destinataires du message. Si la nostalgie d’un passé qui n’a jamais vraiment existé ne conduit qu’à un cul-de-sac, c’est en même temps une réaction logique face aux incertitudes de l’époque actuelle. Comme le faisait remarquer le révolutionnaire italien Antonio Gramsci, “L’ancien monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître et dans ce crépuscule naissent des monstres.”

Les marxistes cherchent à entretenir une approche plus large de l’évolution historique et tentent de la traduire en mesures concrètes pour mettre fin au capitalisme et à toutes les formes d’exploitation et d’oppression, grâce à l’action de la classe travailleuse dans toute sa diversité. Nous constatons la popularité des monstres d’extrême droite, mais nous remarquons également la décomposition sous-jacente du capitalisme ainsi que la radicalisation à l’oeuvre parmi la jeunesse et la classe travailleuse dans la recherche d’une issue et d’un changement de société. C’est là le coeur de notre activité : la défense d’une alternative socialiste démocratique.

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Première page de Lutte Socialiste