Le changement de nom du SP (Socialistische Partij) en SP.A en 2001 (Socialistische Partij Anders, avec comme sous-titre Sociaal Progressief Alternatief) avait confirmé une évolution en cours depuis un certain temps : il ne s’agissait plus d’un parti “socialiste”, mais de quelque chose d’autre. Des dirigeants comme Patrick Janssens, Steve Stevaert, Johan Vande Lanotte et Frank Vandenbroucke s’inspiraient de personnalités telles que Tony Blair (Royaume-Uni) et Gerhard Schröder (Allemagne), en accentuant à droite l’orientation économique du parti.
Par Jon (Bruxelles)
On parlait alors de “troisième voie” pour qualifier cet hybride de social-démocratie et de néolibéralisme qui se résumait essentiellement à l’application de l’agenda néolibéral avec un brouillard de mots creux à consonance sociale. L’introduction des mécanismes du marché dans les services publics ne devait connaître aucune limite. Il suffit de penser au financement de la recherche dans l’enseignement supérieur, à l’entrée de capitaux privés dans des entreprises publiques comme la poste ou les télécommunications (Di Rupo parlait de “consolidation stratégique”, on en voit le résultat aujourd’hui…), à la commercialisation des soins de santé ou encore au “partenariat public-privé” dans le domaine du logement social. Bref, sur le plan économique, le socialisme n’était que dans les mots, pas dans les faits.
Depuis Conner Rousseau et le changement de nom en Vooruit (en avant), même ce socialisme de façade a disparu. Le parti adopte désormais des positions ouvertement droitières sur le plan économique : il se prononce en faveur d’un service communautaire obligatoire pour les bénéficiaires d’un revenu d’intégration et contre l’abaissement de l’âge de la retraite de 67 à 65 ans.
Mais c’est surtout sur le plan socioculturel que l’on constate que Vooruit court de plus en plus derrière la N-VA et même le Vlaams Belang. Sur des thématiques telles que l’immigration ou la criminalité, il adopte des positions franchement de droite dans l’espoir d’y prendre des voix. Cette stratégie n’a jamais fonctionné : elle légitime “l’original” et non l’imitation. C’est cette approche qui a conduit à l’application du programme du Vlaams Belang, cordon sanitaire ou pas, puisque les autres partis ont adopté ses vues (limitation du regroupement familial, construction de nouveaux centres fermés,…).
En ce sens, les déclarations racistes et sexistes de l’ex-président (et ex-directeur de la communication) Conner Rousseau ne doivent pas être considérées comme un dérapage ponctuel, mais plutôt comme le symptôme de l’écroulement idéologique du parti. Ce changement est en cours depuis des décennies, mais il a pris de l’ampleur. Vooruit rivalise désormais pleinement avec le CD&V, la N-VA et le VB et, sur le plan socioculturel, il dépasse même l’Open-VLD sur la droite.
Au lieu de s’orienter de plus en plus à droite, Vooruit ferait mieux de regarder vers la gauche, vers le vide qu’il laisse au PTB. Aller de l’avant, c’est bien, mais avant d’appuyer sur l’accélérateur, il vaut mieux vérifier dans quelle direction on va.