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Rendez-vous: 09/06/24
[Interview] 20 ans après avoir été un élu du Vlaams Belang, Tony, chauffeur de bus, est un des candidats du PTB

Tony Zwijsen, un chauffeur de bus anversois, est un visage connu lors des actions syndicales. C’est sur base de cet engagement qu’il se présentera en juin prochain sur une liste du PTB. Il n’est certainement pas le seul syndicaliste à le faire. Mais Tony voyait le monde de façon très différente dans un passé désormais lointain. En 2000, il a été élu au conseil de district de Borgerhout et au conseil provincial pour le Vlaams Blok. Comment un ancien membre du VB peut-il se retrouver à gauche ? Nous en avons discuté avec lui.

Comment as-tu rejoint le Vlaams Blok à l’époque ?

“Mes parents ont divorcé et j’ai déménagé avec ma mère de Deurne vers le quartier du Stuivenberg. C’était une période de crise, à la fin des années 1980 et au début des années 1990. La population était mécontente des problèmes sociaux. Parallèlement, de nombreux immigrés sont venus s’installer dans le quartier. Il y avait beaucoup d’incompréhension et d’ignorance à ce sujet. Il était aisé de les désigner comme la cause des problèmes.

“Par la suite, je me suis retrouvé à Borgerhout. C’était à la fin des années 1990, lorsque le VB était en plein essor. À cette époque, le Vlaams Blok s’est élargi, même d’anciens socialistes comme Staf Neel et ses frères sont passés au Vlaams Blok. J’ai assisté à quelques réunions, j’ai fait la connaissance de dirigeants comme Dewinter, mais aussi de gens de ma rue. Ils m’ont demandé de figurer sur la liste. Avec peu ou pas d’ambition, j’ai accepté. Le VB a obtenu 35 % à Borgerhout et neuf élus, en plus de quoi, à ma grande surprise, j’ai obtenu beaucoup de votes préférentiels, ce qui m’a permis d’être également élu au conseil provincial. Je n’ai pas joué un rôle politique important, mais j’ai fait partie de ce monde. Dewinter était par exemple présent à mon mariage.”

Aux dernières élections pourtant, le VB n’a plus gagné qu’un seul siège à Borgerhout. Comment cela s’explique-t-il ?

“Il y avait un sentiment d’incompréhension et de malaise. Le Blok en a profité pour mettre tout ce qui n’allait pas sur le dos des étrangers. Ce sentiment a changé à Borgerhout: récemment, 6.000 personnes se sont réunies à table pour célébrer l’Iftar et Pâques. Les gens ont appris à se connaître. En outre, l’administration progressiste de Borgerhout joue évidemment un rôle. Avec Zelzate, c’est le seul endroit où le PTB siège au conseil communal.”

Comment as-tu pris tes distances avec l’extrême droite ?

“Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. J’ai changé et je ne suis pas fier de ce que je pensais et disais à l’époque. En 2007, j’ai commencé à travailler pour De Lijn, un lieu de travail à la grande diversité. J’y ai vu des collègues qui voulaient aller de l’avant, qui voulaient la même chose que moi. C’est là que mes yeux se sont ouverts. J’ai également eu de nombreuses conversations avec Luc, un délégué syndical qui s’opposait patiemment au point de vue de la droite.

“La mobilisation syndicale de 2014, contre le gouvernement Michel, m’a encore plus ouvert les yeux. Un parti de droite comme la N-VA avait promis plus de sécurité et de protection dans les bus, mais rien n’a été fait. Ce n’était que des promesses en l’air. Au contraire, ils ont proposé des mesures antisociales contre lesquelles nous avons lutté, j’avais depuis réintégré le syndicat.

“Dans notre lutte contre les patrons et le gouvernement, j’ai vu que les collègues issus de l’immigration étaient des collègues de travail avec les mêmes intérêts que moi. Ensemble, nous avons été plus de 100.000 à descendre dans la rue contre le gouvernement Michel et à nous mettre en grève contre les mesures d’austérité. Cela a permis de voir qui était de quel côté. L’esprit de rébellion qui m’habitait depuis toujours s’est manifesté d’une manière tout à fait différente.” 

Comment as-tu rejoint le PTB ?

En décembre 2020, dans le cadre du programme “accessibilité de base”’ de De Lijn, il a été décidé de raccourcir “ma” ligne 22 entre le Groenplaats et l’UZA. Soutenue par des collègues d’autres syndicats, l’ACOD/CGSP a lancé une pétition qui a reçu beaucoup d’écho. Beaucoup de jeunes et de personnes âgées utilisent cette ligne et étaient en colère contre la réduction du service.

“Le PTB est le seul parti à nous avoir contactés pour nous demander s’il pouvait soutenir la campagne. Ils ont diffusé la pétition et ont distribué des affiches. Jos D’Haese a pris la parole lors d’une réunion de quartier. Le PTB m’a demandé si la politique signifiait quelque chose pour moi. J’ai répondu catégoriquement que j’avais un passé, mais cela ne les a pas dérangés. Après quelques discussions et après Manifiesta, j’ai adhéré, à condition que Jos D’Haese prenne en même temps sa carte de membre d’un club de supporters de den Antwerp. Depuis lors, je suis devenu plus actif et je suis maintenant également candidat au parlement flamand.

“Les actions autour de la ligne 22 se sont poursuivies et nous avons finalement gagné. L’ensemble du tracé a été conservé. C’est une victoire pour les syndicats, mais aussi pour le PTB.”

Que tiens-tu à défendre durant cette campagne ?

“La mobilité est bien sûr mon cheval de bataille. Les arrêts supprimés sont un scandale et il y a beaucoup de manques à De Lijn. Je veux aussi mettre l’accent sur les électeurs qui sont perdus et qui se retrouvent parfois au VB parce qu’ils sont confrontés à des problèmes sociaux, par exemple en matière de soins, de garde d’enfants, d’enseignement.

“Le Vlaams Belang prétend être social, mais il s’oppose à une taxe sur les millionnaires qui veut récupérer l’argent des super-riches. Comme si l’argent se trouvait chez les réfugiés qui n’ont pas un franc ! Sur la redistribution des richesses, on ne les entend jamais. Ils ne parlent pas non plus de réduire les dotations des partis. Au VB, ils s’emparent volontiers de l’argent. Marijke Dillen, par exemple, a quitté le Parlement flamand en 2014 avec une indemnité de 450.000 euros, alors qu’elle a entre-temps retrouvé un salaire de députée. Le Vlaams Belang ne préconise que des salaires nets plus élevés, ce qui mine la sécurité sociale et nuit à nos pensions et à nos indemnités de congés payés. Le Vlaams Belang est contre les grèves et contre l’action syndicale. Beaucoup de gens tombent dans le panneau de la propagande de l’extrême droite, je veux contribuer à la démystifier. Si vous disséquez les points sociaux du VB, vous remarquez qu’il n’y a rien de social et que c’est un parti pour les riches.

“Aller à l’encontre de tout ce qui nous divise est également important pour moi. Une personne est une personne, alors pourquoi cette haine contre les personnes LGBTQIA+ ? Le député VB Chris Janssens dit accepter les gays, mais on se moque de plus en plus des personnes LGBTQIA+, en particulier des personnes transgenres. Des groupes comme celui de Van Langenhove ou le NSV attisent la haine. Je veux m’y opposer. Je serai d’ailleurs présent à la manifestation contre NSV le 25 avril à Anvers.”

Merci pour cette interview et bonne chance pour les élections !

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