Résistance contre le traité transatlantique !

En ce moment, la Commission européenne et le gouvernement des Etats-Unis tentent de négocier un accord monstrueux, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, TTIP en anglais), également connu sous les noms de Grand Marché Transatlantique (GMT), de zone de libre-échange transatlantique (ZLET ou TAFTA en anglais), d’Accord de partenariat transatlantique (APT) ou encore de Traité transatlantique. Concrètement, il s’agit d’une véritable arme de destruction massive contre nos conquêtes sociales et nos normes environnementales et sanitaires par le biais de la création de la plus vaste zone de libre-échange au monde.

Par Nicolas Croes

Un accord unilatéralement au profit des entreprises

Les négociations ont été entamées en juillet 2013 et devraient aboutir dans le courant de l’année 2015. Pour les défenseurs de cet accord, le plus tôt serait le mieux puisqu’il s’agirait du remède-miracle contre la crise, à grands coups de suppression des droits de douanes entre les Etats-Unis et l’Union Européenne. L’establishment européen ne manque pas d’arguments chiffrés : cette création d’un marché de plus de 820 millions de consommateurs permettrait une croissance annuelle de 0,5% du PIB européen d’ici 2027 et créerait pas moins de 2 millions d’emplois.

Sauf que, au-delà-même des discussions portant sur la réalité qui se cache derrière la croissance du PIB, ces chiffres sont extrêmement douteux. Ils émanent d’un organisme (le Center for Economic Policy Research) dirigé par l’un des présidents de la banque Goldman Sachs pour l’Europe (banque bien connue pour son rôle dans la crise des subprimes). Le financement de cet organisme  dépend de multinationales, ce qui revêt un intérêt capital pour  l’aboutissement de ces négociations…

Il est aussi très symptomatique que la commission européenne se taise dans toutes les langues concernant le bilan d’un autre accord de libre-échange, l’ALENA, Accord de libre-échange nord-américain conclu entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada. Très exactement vingt ans après son entrée en vigueur, les entreprises américaines ont massivement délocalisé vers le Mexique, et alors que la propagande des autorités américaines affirmaient que 20 millions d’emplois allaient être créés aux Etats-Unis, on estime que 900.000 emplois ont été détruits aux Etats-Unis des suites de l’ALENA tandis que les salaires n’ont fait que baisser sur toute cette période. Quant au Mexique, son secteur agricole a été dévasté et des centaines de milliers d’agriculteurs ont perdu leur moyen de subsistance. Une bonne partie d’entre eux a dû quitter le pays pour aller travailler dans la clandestinité et des conditions de misère aux USA. Au final, le bilan est très négatif pour tous les travailleurs, qu’ils soient américains, mexicains ou canadiens.

Aujourd’hui, les négociations entamées entre les autorités américaines et européennes sont des plus opaques. Mais de grandes lignes directrices ont toutefois été dégagées, et elles font froid dans le dos. Le traité transatlantique prévoit ainsi une harmonisation des normes sociales, environnementales et sanitaires, en fonction des intérêts des entreprises. Concrètement, cela signifierait un gigantesque nivellement par le bas, particulièrement en Europe où ces législations sont généralement plus exigeantes qu’aux USA, alors qu’elles sont déjà grandement insuffisantes. La conclusion de ce traité ouvrirait notamment grand la porte aux poulets nettoyés au chlore, aux steaks aux hormones ou encore au recours massif aux Organismes Génétiquement Modifiés tandis que l’exploitation du gaz de schiste pourrait connaitre une dramatique expansion et que nos salaires et services publics verraient la pression constante dont ils sont déjà victimes être encore accrue.

Quant à toute nouvelle législation, elle devrait obligatoirement passer devant un ‘‘Conseil de coopération règlementaire’’ composé de responsables américains et européens dont la tâche serait d’évaluer les lois des divers Etats en fonction de leurs coûts pour les entreprises. Aucun droit ne pourrait être prioritaire sur le droit au profit des entreprises.

L’AMI est de retour, et il ne nous veut toujours pas du bien

Tout cela mérite déjà d’être combattu avec l’énergie la plus forte. Mais il y a plus. Le traité transatlantique remet effectivement au goût du jour un vieux fantasme patronal qui avait été combattu dans les années ’90 sous le nom d’Accord Multilatéral sur l’investissement (AMI), un projet débattu au sein des vingt-neuf Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans le plus grand secret. Il était question d’autoriser les multinationales attaquer en justice un ou plusieurs Etats auprès d’un Tribunal d’arbitrage international si une législation ne leur convenait pas ou si un mouvement de grève nuisait à leurs profits. Une fois connu du grand public, l’accord a été enterré suite au tollé suscité.

Mais l’idée fut reprise dans divers accords conclus entre Etats et, d’après la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (Cnuced), le nombre de conflits et de pays poursuivis ne cesse d’augmenter. Au total, à l’heure actuelle, 514 procès seraient ouverts par des multinationales contre 95 pays à travers le monde. Le nombre d’affaires soumises aux tribunaux spéciaux a été multiplié par dix depuis 2000, l’année 2012 étant un record absolu en termes de dossiers déposés.

Il est maintenant question d’intégrer ce mécanisme de protection des profits des multinationales dans le Traité transatlantique sous le nom de Règlement des Différends entre Investisseurs et Etats (RDIE), et les procès lancés par les multinationales livrent un aperçu très clair de ce qui nous attend si les mobilisations ne parviennent pas à couler le projet de zone de libre-échange transatlantique.

La République slovaque a ainsi été condamnée à dédommager l’assureur hollandais Achmea de 22 millions € pour avoir limité les marges bénéficiaires dans le secteur (privatisé) d’accès aux soins de santé. Autre exemple, celui de la multinationale Philip Morris, qui a attaqué les gouvernements australien et uruguayen en raison de leurs lois pour rendre les paquets de cigarettes moins attractifs. La multinationale française Veolia (active dans le secteur des déchets) a quant à elle assigné le gouvernement Egyptien en justice en raison d’une loi sur le salaire minimum. Dernier exemple tout aussi révoltant : la multinationale suédoise Vattenfall a attaqué le gouvernement allemand suite à sa décision de sortir du nucléaire après la catastrophe de Fukushima et suite aux mobilisations de masse antinucléaire qui avaient déferlé sur le pays. Petite précision : les Tribunaux d’arbitrage internationaux actuels sont à sens unique puisqu’ils  permettent aux multinationales de déposer plainte contre les Etats mais  l’inverse n’est pas de mise.

Organisons la riposte contre la machine d’austérité européenne!

Le 15 mai dernier, l’opposition au Traité Transatlantique a fait face à une répression sévère: 281 militants ont été arrêtés à Bruxelles.

Il n’est pas encore dit que cet accord puisse voir le jour. Les oppositions d’intérêts entre Etats-Unis et Union Européenne peuvent par exemple être plus fortes que la volonté d’aboutir. Mais l’élément le plus important est celui de la résistance active à organiser contre ce projet catastrophique pour nos conquêtes sociales et notre environnement. Des accords controversés ont déjà pu être balayé dans le passé, comme ce fut encore récemment le cas avec l’ACTA, l’Accord commercial anti-contrefaçon, rejeté en 2012 suite à une large campagne internationale.

En janvier dernier, à la veille du troisième round de négociations du Traité transatlantique, une suspension partielle des négociations a été annoncée pour permettre la tenue de consultations publiques (voir l’article de la FGTB Wallonne à ce sujet). Il s’agit d’une première victoire pour les militants anti-traité transatlantique, mais qui ne doit pas endormir la résistance. La commission fera tout pour éviter de subir une nouvelle défaite, quitte même à accorder des concessions comme le retrait du mécanisme de Règlement des Différends entre Investisseurs et Etats, qui concentre actuellement l’essentiel des critiques. Mais c’est la totalité du projet qui est à balancer à la poubelle.

La résistance contre ce projet doit être la plus massive possible, tâche qui a notamment commencé à être prise en main en Belgique par l’Alliance d19-20, une initiative inédite, réunissant des syndicalistes, des producteurs de lait, des militants associatifs,… qui fut à la base d’une tentative de blocage du Sommet Européen de décembre dernier autour du mot d’ordre de l’opposition au Traité budgétaire européen et au traité transatlantique. Le 15 mai dernier, l’Alliance d19-20 était aussi à la base d’une manifestation à Bruxelles à l’occasion de l’European Business Summit, notamment rejointe par l’Alter Summit, toujours pour dénoncer le traité transatlantique. La répression fut particulièrement féroce, pas moins de 281 militants furent arrêtés pour laisser les dirigeants européens et les représentants des multinationales discuter en paix.

Non à l’Europe capitaliste !

Le traité transatlantique est une abomination, c’est vrai, mais c’est loin d’être la seule dont sont coupables les autorités européennes. Le sinistre Traité budgétaire européen (TSCG, mieux connu sous le nom de Traité d’austérité) est encore dans nos mémoires et d’autres projets sont encore prévus, comme celui des ‘‘arrangements contractuels’’ dont le principe est de permettre à la commission européenne de conditionner l’octroi d’avantages financiers aux États membres à l’instauration de réformes structurelles, sur le système de pension par exemple. Il s’agit donc ici en quelque sorte ‘‘d’acheter’’ l’application de mesures d’austérité avec des fonds européens… pourtant issus des poches des contribuables ! Ces arrangements contractuels sont toujours en négociation, mais les dirigeants européens ont déjà conclu un accord de principe lors du Sommet Européen de décembre 2013. Reste encore à discuter des modalités pratiques.

Cette Europe n’est pas la nôtre, c’est celle du capital. Elle doit être balayée par la résistance internationale pour laisser place à une véritable Europe des Peuples, débarrassée de la logique d’exploitation intrinsèque au système capitaliste. Le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge, défend la collectivisation des secteurs-clés de l’économie (finance, énergie, sidérurgie,…) dans le cadre d’une économie démocratiquement planifiée afin de satisfaire les besoins de la population et non la soif de profits des rapaces capitalistes. Le chemin vers cette objectif est encore long, et la lutte ne sera pas aisée, mais il s’agit de la seule manière de sortir de la crise économique et écologique dans laquelle nous a empêtrée la logique du ‘‘libre marché’’.

=> Comment répondre à la consultation publique lancée par la Commission européenne ?

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