Le NSV (Nationalistische Studentenvereniging, Union des étudiants nationalistes) est un groupe d’extrême droite qui a refait parlé de lui cette année après une nouvelle réunion raciste organisée à la KU Leuven. Après un passage du militant d’extrême droite allemand Martin Sellner, tristement célèbre pour ces plans de déportation massive qui ont conduit à des mobilisations antifascistes de masse il y a peu en Allemagne, c’était au tour de Dries Van Langenhove (Schild& Vrienden) de venir se livrer à une tirade raciste.
Le NSV se présente comme un club d’étudiants flamands qui organise principalement des activités étudiantes. En réalité, il s’agit d’un vivier pour le Vlaams Belang. Les manifestations du NSV sont un lieu de rencontre pour les dirigeants du VB (comme la figure de proue du VB Filip Dewinter et l’actuel président du parti Tom Van Grieken) et des néo-nazis notoires. Lors des manifestations précédentes du NSV, la dernière remontant à 2019 à Louvain, des néonazis tels comme Tomas Boutens (condamné à cinq ans de prison en tant que chef du groupe terroriste Bloed, Bodem, Eer, Trouw – BBET, soit Sang, terre, honneur, fidélité) étaient invariablement présents.
Malgré le thème de la manifestation du NSV de cette année, « La jeunesse flamande se soulève », des appels ont circulé parmi les néonazis aux Pays-Bas et parmi les hooligans francophones d’extrême droite. Depuis le début des années 1990, le NSV organise chaque année une manifestation, alternativement à Anvers, Gand et Louvain. L’organisation systématique de contre-manifestations antifascistes a mis la pression sur ces marches de la haine qui sont toujours restées modestes, certaines voix d’extrême-droite réclamant même qu’elles cessent. Après la période Covid, il semblait que les manifestations du NSV avaient effectivement pris fin. Mais cinq ans plus tard, on assiste à un retour en force, le 25 avril. Les antifascistes organisent à nouveau une contre-manifestation, initiative bénéficiant d’un large soutien dans les milieux de gauche.
Dans le contexte de cette importante manifestation contre l’extrême droite du 25 avril, un regard sur l’histoire du NSV est utile.
D’où vient donc le NSV ?
Le NSV a été fondé en 1976 pour regrouper les étudiants d’extrême droite, à la suite de tensions au sein du cercle catholique conservateur KVHV. Les couleurs du NSV ont été définies lors de sa création en 1976 en faisant ouvertement référence aux couleurs de l’Allemagne nazie. Il utilise également le symbole de la flèche pointée vers le haut, la rune Týr, qui représente la loyauté et qui était utilisée dans l’Allemagne nazie comme symbole des camps d’entraînement de la Sturmabteilung (SA). C’est un symbole souvent utilisé par les néo-nazis.
Le NSV s’est rapidement doté d’une aile dans les écoles secondaires avec le Nationalistische Jongstudentenverbond (NJSV, Association de la jeunesse nationaliste), dans laquelle les futurs députés du Vlaams Blok (puis du Vlaams Belang) Filip Dewinter et Frank Vanhecke à Bruges, Philip Claeys à Bruxelles et Karim Van Overmeire à Alost, entre autres, ont joué un rôle. Van Overmeire est par la suite passé à la N-VA. Lors de la fondation du NSV, un chant a été rédigé, appelant à la violence contre « les Marocains, les Nigérians, les sales juifs et les maoïstes ».
À son apogée, le NJSV comptait 18 sections (notamment à Bruges, Anvers, Sint-Niklaas, De Haan, Mol, Koekelare, Gramont…). Le secrétariat national se trouvait à l’adresse privée de Filip Dewinter, qui vivait encore à Bruges à l’époque. Dewinter était alors le président national du NJSV. Les activités du NJSV brugeois dirigé par Dewinter et Vanhecke n’étaient pas exactement « socialement acceptables » : violence, racisme et défense ouverte du fascisme. Dewinter et Vanhecke ont coorganisé une foire du livre « anticommuniste » au cours de laquelle la police a confisqué des livres négationniste (des livres niant l’Holocauste). Les membres du NJSV de Bruges ont également participé aux actes de violence de la milice privée VMO (Vlaamse Militanten Orde), interdite au début des années 1980. Ce sont les dirigeants du VMO de Bruges qui ont veillé à la formation politique de Dewinter et Vanhecke.
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Dans le magazine commun du NSV et du NJSV, Anton de Grauwe a écrit : « Et bien sûr, des termes comme leadership, hiérarchie, ordre social, discipline, éducation, autorité sont qualifiés de fascistes. Nous pouvons être fiers d’un tel fascisme ». Dans les cercles du NJSV et du NSV, les gens étaient effectivement fiers du fascisme. C’est peut-être pour cette raison que Koen Dillen, dans le même numéro de Signaal, a présenté le bourreau nazi Göring comme un idéaliste, ce qu’il a répété dans une critique d’une biographie d’Adolf Eichman.
Les VMO et les NJSV de Bruges se livraient régulièrement à des actes de violence. C’était également le cas dans d’autres sections, et les jeunes d’extrême droite en étaient si fiers qu’ils chantaient même des chansons lors des cantus pour glorifier cette violence. « Le sang coule dans les rues, les rats rampent dans les caniveaux, mais nous ne nous arrêterons pas là, tous ces gauchistes doivent mourir », lit-on dans le refrain de la chanson « À mort » qui se termine par : « Toute cette racaille rouge doit aller à l’abattoir. Faites-les tomber, faites-les tomber. Tous ces gauchistes dans la tombe ». Délicat. Il n’y avait pas non plus d’ambiguïté sur les méthodes. Le 2 mars 1984, une réunion a eu lieu dans les locaux du NJSV à Sint-Niklaas, où tout le monde était déguisé en membre du Klu Klux Klan.
Arrivé à Anvers pour « étudier » (ce qui n’a pas donné grand-chose), Dewinter a joué un rôle important au sein du Nationalistisch Studentenverbond, qui est ensuite devenu le Nationalistische Studentenvereniging. Au début des années 1980, le NSV était connu comme un cercle violent. Le 8 mars 1984, par exemple, il y a eu une occupation du café étudiant de Louvain « Het Stuc » avec barres de fer et des gourdins. Un étudiant a subi des blessures permanentes après une fracture ouverte de la jambe à la suite de cette action du NSV. À l’époque, Jurgen Ceder était président du NSV-Leuven, puis est devenu député du VB jusqu’à ce qu’il passe à la N-VA. Un article paru dans De Morgen le 18 juillet 2012 indique qu’au moins huit témoins ont vu que Ceder a joué un rôle actif dans cette violence et deux témoins l’ont reconnu responsable du coup de pied qui a causé une fracture ouverte de la jambe de l’étudiant en question. De plus, Dewinter était bien entendu présent. Un témoin a déclaré en 2012 : « Le raid effectué par le NSV me donne encore des frissons aujourd’hui. »
En 1985, à l’université d’Anvers, une étudiante a été menacée avec un hachoir alors qu’elle demandait le retrait d’une banderole portant le slogan « le NSV a gagné » (après une victoire électorale du Vlaams Blok…). La même année, un commando du VMO et du NSV a attaqué une manifestation anti-missiles à Gand (c’était l’époque de la Crise des euromissiles).
Dans la seconde moitié des années 1980 et au début des années 1990, le NSV a lutté pour garder la tête hors de l’eau. La percée électorale du Vlaams Blok le 24 novembre 1991 a provoqué un retournement de situation, après quoi une nouvelle génération a repris les traditions du NSV. Dans les années 1990, elle a appliqué les mêmes recettes éprouvées que dans les années 1980 : racisme ouvert, nostalgie du fascisme et, si possible, actions violentes plus musclées. C’est dans le cadre de ces actions que Rob Verreycken, futur député du VB, a reçu son surnom de « Rob Klop » (qui pourrait se traduire par Rob-la-claque). Il a été condamné pour violence à l’encontre de Kris Merckx, alors dirigeant du PTB.
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Dans un numéro controversé des « Verbondsberichten » gantois du NSV de décembre-janvier 1996-97, une position raciste très crue a été proclamée sous le titre « L’égalité : un mythe ». Cette position était tellement exagérée que le NSV a tenté de détruire le numéro et a eu recours à la violence physique à l’encontre d’un nationaliste flamand progressiste qui avait confirmé l’authenticité du numéro. Un extrait : « Un [n**] avec une coupe de cheveux en bouse de vache et des dents limées représente mieux la vraie nature d’un Noir qu’un [n**] élevé comme un Blanc qui a appris à conduire une voiture et qui parle couramment une langue blanche. La culture [n**] n’est pas seulement différente de la culture blanche, c’est aussi une culture moins avancée et, par rapport à la culture blanche, INFERIEURE ». Dieter Van Parys, alors président du NSV de Gand, siège aujourd’hui encore au conseil municipal d’Oostkamp pour le Vlaams Belang.
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Au cours de la même période, l’organisation scolaire NJSV a brièvement refait surface à Bruges. Dans le magazine des membres de cette organisation au milieu des années 1990, on pouvait lire des choses telles que : « malheureusement, le NSDAP n’existe plus », « l’homosexualité est une maladie qui doit encore être éradiquée »… Au milieu des années 1990, le NJSV de Bruges a également entamé une campagne violente contre la gauche, les migrants et les jeunes alternatifs. La violence est devenue incontrôlable, avec notamment l’attaque par un commando d’une action contre le rôle de la multinationale pétrolière Shell au Nigeria et des descentes dans des cafés de jeunes alternatifs. La campagne antifasciste du PSL, Blokbuster, a réagi en lançant une campagne nationale contre la violence fasciste qui a rassemblé des centaines de manifestants au début de l’année 1997.
Le NJSV de Bruges a connu une fin douloureuse quand l’un de ses fondateurs n’a plus pu supporter la pression des mobilisations antifascistes et a procédé à un acte désespéré : l’ancien soldat a comploté un attentat à la bombe raté contre lui-même afin d’incriminer Blokbuster… Il n’a pas tardé à échouer. L’homme était dangereux mais pas très malin. Tom Vandendriessche était à l’époque président du NJSV-Brugge et siège aujourd’hui au Parlement européen pour le Vlaams Belang.
Au cours de la même période, une série d’incidents s’est produite à Gand, impliquant ou non les mêmes personnes que celles qui ont provoqué un conflit à Bruges. Là encore, ce sont principalement des militants de gauche qui ont été visés. Des réunions des Etudiant.e.s de Gauche en Action (EGA/ALS) ont été attaquées et, le NSV n’ayant pas été reconnu par l’université en tant que cercle officiel en raison de son racisme et de sa violence, un groupe de 30 membres du NSV a pris en otage la réunion du 27 janvier 1997 de la Convention politique et philosophique de Gand (PFK). En mars 1998, des militants de Blokbuster ont été attaqués au restaurant étudiant De Brug par un groupe du NSV, Eric Byl a dû être soigné aux urgences. Quelques jours plus tard, des menaces de mort visant Els Deschoemacker et Geert Cool, militants de Blokbuster, ont suivi. Certains squats appartenant à des anarchistes ont été attaqués et/ou menacés. Cette violence a également été accueillie par des mobilisations antifascistes contre la violence fasciste. Chaque année, une forte manifestation anti-NSV répondait aux manifestations du NSV.
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Sous la pression de la protestation antifasciste et de la pression électorale du Vlaams Blok et plus tard du Vlaams Belang, les jeunes du NSV ont dû surveiller de plus près leurs activités autour du tournant du siècle. Ici et là, cela a provoqué la colère et des groupes dissidents ont rejoint les vieilles traditions. En octobre 2009, par exemple, un rassemblement anversois d’EGA a été attaqué par un commando des « Autonome Kameraden ». L’attaque a eu lieu après des provocations antérieures, notamment de la part du NSV, dont la confiance était alors si grande que l’attaque avait été annoncée à l’avance. La charge a été stoppée par un service d’ordre d’EGA et de Blokbuster.
Mais en général, les néofascistes ont pu rejoindre le NSV sans problème. En 2005, par exemple, une nouvelle section du NSV a été créée à Hasselt par une personne qui n’hésitait pas à faire des déclarations incendiaires sur des forums Internet. « Une fois que la démocratie s’effondrera dans le chaos, j’espère qu’une main de fer fasciste prendra le relais », a déclaré l’un d’entre eux. Les personnalités de second plan n’étaient pas les seules à être prêtes à faire des déclarations punitives et à mener des actions musclées. Le futur président du parti, Tom Van Grieken, a préconisé, alors qu’il était écolier, dans des discussions sur Internet, d’imposer l’indépendance de la Flandre « par la force des armes si nécessaire », et, alors qu’il était étudiant, il s’est battu à plusieurs reprises avec des opposants politiques. En tant que président du NSV, Van Grieken a fait venir à Anvers des fascistes bien connus, tels que Nick Griffin, du parti nationaliste britannique, et plus tard Udo Voigt, du NPD allemand. Sous la présidence de Van Grieken, les membres du NSV ont jeté du papier hygiénique sur des sans-papiers qui revendiquaient leur régularisation à l’université de Gand. Il est remarquable que Van Grieken tente aujourd’hui de blanchir son propre passé.
En 2004, une véritable charge a été lancée contre la manifestation anti-NSV à Gand. Un groupe d’extrême droite formé à cet effet a procédé à une attaque physique, certains antifascistes nécessitant des soins médicaux. Le déclin électoral du Vlaams Belang et la percée de la N-VA à partir de 2006 ont exercé une pression sur le NSV, certains membres se tournant vers la N-VA tandis que d’autres se tournaient vers l’exemple des néo-nazis grecs d’Aube Dorée. L’ancien dirigeant du NSV Filip Dewinter a clairement exprimé quelle était sa position : avec ses proches partisans, dont Jan Penris, également issu de la tradition du NSV, il s’est rendu en Grève pour une visite de courtoisie à Aube Dorée.
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Fin novembre 2013, le NSV a tenu une réunion internationale. Sous la pression des protestations, celle-ci n’a pas pu se tenir à l’université de Louvain, après quoi elle s’est déplacée à Anvers. Ce n’était pas la première fois qu’une personne de Casa Pound, une organisation italienne qui se décrit elle-même comme fasciste, a été invitée. De même, un conférencier hongrois impliqué dans la Garde hongroise, une milice privée interdite. Même le Vlaams Belang a jugé la réunion si incendiaire qu’il n’a pas mis à disposition l’infrastructure des locaux du parti.
Cette réunion a été suivie en 2015 par une rencontre avec Alexandr Doegin, l’idéologue maison de Poutine et fasciste autoproclamé. Suite aux protestations d’EGA, le NSV n’a pas pu tenir cette réunion à l’Université d’Anvers et s’est détourné vers une salle privée à Edegem. En 2017, le NSV a connu un creux : la manifestation annuelle ne comptait plus que 100 participants. Le site d’extrême droite ReAct a parlé de 80 à 90 manifestants à Anvers cette année-là, dont le président du VB, Van Grieken. En revanche, les antifascistes étaient au nombre de 250.
Au cours de cette période, Schild & Vrienden a connu un essor. Ce club était principalement issu du KVHV-Gand, mais comptait également des membres du NSV dans ses rangs. La manifestation 2018 du NSV a été soutenue par Schild & Vrienden, qui manifestait contre l’apartheid « anti-blancs » en Afrique du Sud. En comptant la soixantaine de sympathisants de Schild & Vrienden, le NSV comptait 200 manifestants, contre 500 antifascistes qui ont défilé dans les rues de Gand le même soir. Malgré un appel vidéo de Van Grieken et le soutien de Schild & Vrienden, le nombre de manifestants d’extrême droite lors de la dernière manifestation du NSV, quelques semaines avant les élections de 2019, n’a de nouveau été que 150. Une fois de plus, la contre-manifestation était beaucoup plus importante, avec 500 personnes.
Dries Van Langenhove venait du KVHV-Gand, mais avait auparavant été associé à l’aile jeunes du Vlaams Belang. La nouvelle progression du VB aux élections et dans les sondages a incité le KVHV et le NSV à se tourner vers le VB. Le parti d’extrême droite a activement joué sur cette situation. Van Langenhove et Van Grieken l’ont bien montré lorsqu’ils sont allés parler chacun pour l' »autre » cercle étudiant à Anvers fin 2019 : l’ex-KVHV Van Langenhove pour le NSV, l’ex-NSV Van Grieken pour le KVHV. Le Vlaams Belang a récupéré une grande partie de Schild & Vrienden ; plusieurs de ses membres condamnés lors du récent procès occupent des postes à responsabilité au sein du Vlaams Belang.
Ce n’est pas une coïncidence. Le Vlaams Belang n’a jamais eu de problème avec la violence et le néonazisme du NSV ou de groupes similaires. L’ancien président du VB, Bruno Valkeniers, l’a déclaré dans une interview : « Le Vlaams Belang a toujours recruté dans les cercles du NSV. Beaucoup de Belangers étaient aussi des amis pendant mes années au NSV. En effet, ce n’étaient pas des enfants de chœur. Mais bon, on est jeune et on veut quelque chose. Alors on s’engage sur la voie de la radicalité. Je n’ai pas honte de cette violence de rue occasionnelle ». Occasionnelle ?
Ces derniers mois, le NSV a surtout fait parler de lui avec des incidents à Louvain, où Martin Sellner est venu expliquer ses plans d’expulsion et où Van Langenhove a proclamé un racisme plat. Entre-temps, des dissidents ont été intimidés et NSV s’est ouvertement présenté comme un partisan du « pouvoir blanc ».
La violence de rue est ce que NSV veut mettre en pratique à Anvers le 25 avril. La protestation antifasciste est absolument nécessaire pour la contrer. Grâce à la mobilisation antifasciste, la reconnaissance officielle du NSV en tant que cercle étudiant à l’université de Louvain a été révoquée. Pourquoi se limiter à une seule ville ? L’opposition à l’extrême droite doit être renforcée partout.
Rendez-vous à la manifestation contre l’extrême droite le 25 avril à 19h, Dageraadplaats à Anvers !