La crise en Ukraine : Une opportunité pour le lobby du gaz de schiste

‘‘Never waste a good crisis’’ disait Winston Churchill (ne jamais perdre l’opportunité d’une crise), une devise parfaitement comprise par les conservateurs et le monde patronal, notamment autour de la crise ukrainienne et des tensions grandissantes entre les États-Unis et l’Union européenne d’une part et la Russie de l’autre.

Par Paul Murphy, député européen du Socialist Party (CIO-Irlande) et Tanja Niemeier

La ‘‘sécurité énergétique’’ s’est fait une place de choix dans le débat public suite aux menaces de sanctions à l’encontre de la Russie et des potentielles représailles. Puisque Poutine et les autorités russes utilisent les ressources naturelles du pays et le géant énergétique Gazprom (premier exploitant et premier exportateur de gaz au monde) comme des ‘‘armes politiques’’, les autorités occidentales désirent accroitre leur indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, particulièrement dans le cas du gaz.

En 2012, Gazprom représentait à elle seule 34% des importations de gaz naturel en Union européenne. L’an dernier, l’entreprise russe a livré un record de 162 milliards de mètres cubes de gaz en Union européenne et en Turquie, dont 86 milliards de mètres cubes ayant transité via l’Ukraine. Voilà qui illustre directement pourquoi l’UE a tant d’intérêts en Ukraine et à quel point les intérêts économiques occupent une place prépondérante dans ce conflit.

Au cours d’une réunion avec Angela Merkel, le Premier ministre conservateur polonais Donald Tusk a d’ailleurs déclaré : ‘‘La question de l’Ukraine est celle de l’avenir de l’UE, de la sécurité de l’UE et d’une correction de la politique énergétique de l’UE. Nous ne pourrons pas à l’avenir répondre à de potentielles nouvelles mesures agressives de la part de Russie si tant de pays européens restent dépendants du gaz russe.’’

La Pologne est l’un des plus fervents partisans du gaz de schiste. Actuellement, Gazprom est responsable de 60% du pays, mais certaines études estiment que la Pologne constitue le plus grand réservoir de gaz de schiste d’Europe. Pour stimuler le secteur et attirer les investissements étrangers, le gouvernement polonais a déjà annoncé que les entreprises d’extraction de gaz de schiste bénéficient de six ans d’exonération fiscale. Même le Premier ministre britannique David Cameron a déclaré qu’il fallait accepter l’exploitation du gaz de schiste, alors que la Grande-Bretagne est pourtant beaucoup moins dépendante du gaz russe.

Les collectivités locales, les militants écologistes et les défenseurs des idées du socialisme sont résolument opposés à l’exploitation du gaz de schiste et à la méthode de la fracturation hydraulique. Les risques que cela représente pour la santé et l’environnement sont énormes et les preuves ne manquent pas. Cette méthode affecte l’eau potable, l’air, les sols et le climat, elle peut même favoriser les tremblements de terre et maintient par ailleurs la dépendance aux combustibles fossiles pour de nouvelles décennies. Et en plus du développement de ces techniques catastrophiques socialement et écologiquement, il est également question d’importer du gaz de schiste américain.

Les conservateurs, les réactionnaires et les négationnistes du changement climatique au Parlement européen ne cachent pas leurs positions. Par exemple, le parti Pologne Unie (qui fait partie du groupe autour de l’UKIP britannique) a défendu une résolution affirmant que ‘‘Le gaz de schiste occupe une partie importante du marché nord-américain et a fait baisser les prix. Cela peut être reproduit en Europe pour garantir l’approvisionnement énergétique et améliorer la compétitivité économique.’’
L’Union Européenne et les Etats-Unis sont en train de négocier un accord visant à créer la plus grande zone de libre-échange au monde, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Si cet accord devait être finalisé, il ouvrirait grand la porte à la fracturation hydraulique, ce que Barack Obama a ouvertement expliqué à Bruxelles en marge des discussions UE-USA portant sur les relations commerciales et la situation en Ukraine.

Dans le cadre du capitalisme, la seule manière d’aborder une crise est la fuite en avant. Parvenir à de réelles solutions pacifiques au sujet de l’énergie nécessite de rompre avec la logique de profit et de cupidité de l’actuel système de production. Des investissements publics massifs doivent être réalisés dans les énergies renouvelables et dans la recherche scientifique et le secteur énergétique doit être nationalisé et placé sous contrôle et gestion de la collectivité. Sans cela, les intérêts des actionnaires primeront toujours sur ceux de la collectivité, au risque de courir droit à la catastrophe.

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