La rue est avec Gaza – Les régimes de la région sont en difficulté

Aucun des régimes de la région n’a intérêt à une escalade du conflit. Même le régime iranien préfère encore se limiter à coordonner les faits d’armes symboliques de ses mandataires au Liban, en Irak et au Yémen. Tous les gouvernements arabes et musulmans favorables à la normalisation avec Israël sont inquiets. Plus le massacre à Gaza prend de l’ampleur, plus le statu quo est intenable. Mais les masses de la région ne partagent pas le cynisme de leurs dirigeants envers la cause palestinienne et exigent une réponse sans équivoque.

Par Christian (Louvain)

L’Égypte en crise

L’Égypte traverse une profonde crise économique. En proie à une inflation record, en 18 mois la livre égyptienne a perdu 50% de sa valeur par rapport au dollar. En 2019 déjà, la Banque Mondiale estimait que près de 60% de la population vivait proche du ou sous le seuil de pauvreté. Des élections présidentielles auront lieu en décembre, et le président Abdel Fattah el-Sisi espère obtenir la légitimité nécessaire pour procéder aux mesures d’austérité exigées par le FMI ainsi qu’à une nouvelle dévaluation. Le résultat des élections, ne fait aucun doute, depuis le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir el-Sisi s’est déjà arrangé pour gagner deux élections avec 97% des voix.

Le régime militaire égyptien reçoit une aide militaire états-unienne solide et collabore avec Israël dans le blocus de Gaza. Cependant, il ne peut pas ou ne veut pas accueillir un grand nombre de résidents gazaouis. Cela signifierait une nouvelle Nakba et ce serait extrêmement impopulaire. Un tel transfert de population présenterait aussi une situation sécuritaire insoluble. Le Sinaï deviendrait une nouvelle base pour des attaques contre Israël. Le Hamas est aussi lié aux Frères Musulmans, une organisation qu’el-Sisi a écrasé dans le sang en 2013 pour accéder au pouvoir (plus de 800 morts en une seule manifestation).

Le régime s’est vu contraint d’autoriser des manifestations de soutien à Gaza. Les manifestations officielles essayent de canaliser la sympathie pro-palestinienne au profit du président et de ses positions sur la guerre contre Gaza. Toutes autres manifestations ne sont autorisées que dans un cadre très restreint. Dès que les manifestants dépassent le nombre prévu et que des critiques à l’égard du régime se font entendre, les forces de sécurité mettent un terme à la manifestation et procèdent à des arrestations. Certaines manifestations ont néanmoins pu déferler sur la Place Tahir, le cœur symbolique de la révolution de 2011 El-Sisi marche sur une corde raide au-dessus d’un volcan qui gronde.

La non-autorité palestinienne

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité Palestinienne verrait d’un bon oeil l’extension de son illusoire autorité sur les décombres de Gaza. Mais à l’instar de l’Autorité Palestinienne dans son ensemble, il est plus discrédité que jamais. Il ne lève pas un doigt contre la « guerre de faible intensité » à laquelle les forces militaires israéliennes et les colons soumettent la Cisjordanie. A ceci s’ajoute la paralysie économique du territoire imposée par Israël depuis le 7 octobre. Dans les manifestations, des slogans comme “Le peuple veut la chute du président !” résonnent. L’effondrement complet de l’Autorité palestinienne est une possibilité réelle. Cela pourrait entraîner la dissolution des forces de sécurité d’Abbas, fortes de 50.000 à 70.000 hommes, principalement financées par les États-Unis, et auxquelles Israël a effectivement sous-traité une partie de l’occupation. Pour Israël ceci compliquerait considérablement l’occupation. Cela laisserait la porte ouverte à des organisations comme le Hamas. Dans un scénario plus positif, des comités de résistance populaire comme lors de la Première Intifada pourraient voir le jour. Dans l’ensemble, il existe une menace d’augmentation de la violence, accompagnée d’éventuels flux de réfugiés ou d’expulsions par Israël vers la Jordanie.

Jordanie, fin d’une normalisation

Le Premier ministre jordanien a récemment déclaré que les tentatives d’Israël d’expulser les Palestiniens vers les pays voisins seraient considérées comme « une déclaration de guerre ». La Jordanie est faible tant sur le plan économique qu’en termes de ressources naturelles (en particulier l’eau). Le pays a déjà du mal à accueillir les millions de réfugiés palestiniens, irakiens et syriens.

En Jordanie, la moitié de la population est déjà d’origine palestinienne. Des manifestations quotidiennes rassemblent des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes qui crient des slogans tels que “Ouvrez les frontières !” et “Nous marchons pour libérer la Palestine, morts ou vifs !”

Des mesures telles que le rappel par la Jordanie de son ambassadeur en Israël ou l’annulation de l’accord “Eau contre énergie” ne suffiront pas à calmer la colère suscitée par le massacre. En 2018, une grève générale a permis d’arrêter certaines coupes budgétaires et de renverser un premier ministre. La montée de la classe ouvrière jordanienne organisée pourrait également être décisive dans le développement d’une réponse de la classe travailleuse à la guerre contre le peuple palestinien.

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