Manifestations de masse et grèves en Turquie

La pire catastrophe minière dans l’Histoire du pays

Socialistworld.net

Ce mardi 13 mai, un équipement électrique apparemment défectueux a déclenché une explosion mortelle dans une mine de charbon à Soma, dans l’Ouest de la Turquie. Les dernières nouvelles rapportent qu’au moins 282 mineurs ont perdu la vie alors que plus de 100 mineurs sont encore coincés au fond et qu’un nombre incalculable de corps reste encore dans les galeries. La catastrophe de la mine de Soma est le pire accident industriel de l’Histoire de la Turquie. Alors que les opérations de sauvetages continuent, les espoirs de trouver des rescapés diminuent à chaque heure.

Très rapidement, des manifestations ont éclaté dans toute la Turquie, car beaucoup de travailleurs et de jeunes considèrent avec raison le gouvernement AKP au pouvoir et ses amis pro-big business comme les premiers responsables de cette catastrophe. Celle-ci est arrivée dans le sillage d’une vague de scandales impliquant le parti dirigeant et la famille du Premier Ministre Erdogan ces derniers mois, ainsi que suite au mouvement de masse contre le gouvernement l’année dernière autour des événements sur la place Taksim.

Cette fois-ci cependant, les craintes de la classe dirigeante turque reposent sur le fait que le cœur même de la classe ouvrière, qui a été pendant un certain temps une base importante du soutien électoral pour l’AKP, est enragée et se soulève contre le régime de plus en plus impopulaire d’Erdogan.

Quand Erdogan a visité la mine de Soma ce mercredi, il a été massivement hué, et dénoncé par les habitants et les familles des mineurs en colère comme un meurtrier et un voleur. Une vidéo montre Erdogan devant se cacher dans un supermarché, protégé par des gardes du corps, pour échapper aux manifestants enragés.

A Istanbul, à Ankara et dans beaucoup d’autres villes, des milliers de personnes sont sorties en rue depuis mercredi, exigeant la démission du gouvernement, rencontrant parfois une forte répression policière. 4 centrales syndicales turques ont finalement appelé à une grève nationale de 24 heures jeudi, qui a été massivement suivie, et accompagnée de manifestations de masse, dont 20 000 manifestants dans la ville de Izmie, dans l’Ouest du pays, la 3e plus grande ville de Turquie.

Les politiques d’Erdogan et de l’AKP ont, fondamentalement, toujours visé à aider les capitalistes proches du parti dirigeant. Cela s’illustre dans la réponse arrogante et méprisante de l’AKP à la douleur et à la colère montante dans toute la société après le massacre de Soma. Elle a été symbolisée par le conseiller du Premier Ministre turc, Yusuf Yerkel, photographié en train de donner des coups de pieds à un parent d’un des mineurs morts pendant qu’il était maintenu au sol par deux agents de sécurité. Erdogan lui-même a commenté que le désastre était « une chose ordinaire, dans la nature du travail », et qu’il n’y avait pas de travail garanti sans accident…

Mais comme le disent les mineurs, les représentants des travailleurs et les manifestants, ce n’était pas un accident, mais un massacre. L’appel ci-dessous, écrit par le SPOT (Solidarity with People of Turkey), dit que « sur la période de 12 ans de pouvoir de l’AKP, plus de 14 000 décès liés au travail se sont produits ». Aussi, la responsabilité pour ce dernier désastre meurtrier au travail repose entièrement sur les épaules du gouvernement néo-libéral de l’AKP et de ses appuis les grands patrons.

Ce gouvernement a privatisé la mine de Soma en 2005. Il a été prouvé maintenant qu’en Turquie, le taux de mortalité dans les mines privées est 11 fois plus élevé que dans les mines d’État, ce qui illustre graphiquement comme les vies de centaines de mineurs ont été sacrifiées sur l’autel de la course au profit d’une poignée de vautours privés. Une revendication essentielle du mouvement devrait donc être la re-nationalisation sous contrôle ouvrier démocratique des mines privatisées.

Les autorités turques ont aussi refusé depuis des années de signer la convention sur la Sécurité et la Santé dans les mines (n°176), qui donnent des obligations au gouvernement et aux dirigeants des mines de garantir des conditions de santé et de sécurité minimum aux mineurs, et de prévenir les accidents. Les dirigeants de l’AKP ont aussi rejeté les appels de l’opposition qui demandaient une enquête sur la sécurité et les conditions de travail dans les mines il y a quelques semaines, évidemment pour protéger leurs copains propriétaires de mines. Les relations incestueuses entre le parti dirigeant et la classe capitaliste est telle qu’il semblerait que la femme du propriétaire de la mine de Soma soit même une conseillère locale pour l’AKP !

Le CIO en Turquie, Sosyalist Alternatif, (qui fait circuler les propositions pour l’action développées ci-dessous) et le CIO dans son ensemble sont fermement solidaires des mineurs de Soma et de leurs familles, et des travailleurs et des jeunes en général qui luttent en Turquie. Nous soutenons la construction d’un mouvement de masse prolongé qui peut faire tomber le régime pourri d’Erdogan. Dans ce sens, la grève de jeudi doit être le premier pas de la construction d’un tel mouvement, pour se débarrasser du gouvernement AKP et le remplacer par un gouvernement des travailleurs, qui défende les droits démocratiques, brise l’étreinte du capitalisme et mette en place des politiques socialistes.

Sosyalist Alternatif revendique:

  • La formation d’une commission d’enquête indépendante constituée de représentants des mineurs, des syndicats et des organisations démocratiques de la société civile. Les activités de cette commission devraient être complètement transparentes – et toutes ses finances doivent être publiques !
  • Les propriétaires de la compagnie minière et le gouvernement doivent être tenus responsables et répondre de ce qui s’est passé !
  • Une assistance médicale doit être apportée aux rescapés et aux familles des victimes. Une compensation financière conséquente doit leur être versée !
  • Non aux agences d’intérim qui imposent des conditions de travail néo-libérales, déréglementées et flexibles. Non au travail des enfants. Des salaires décents pour les mineurs, avec lesquels ils puissent se nourrir eux et leurs familles.
  • Suppression de tous les obstacles légaux et pratiques à l’appartenance syndicale et encouragement de la syndicalisation.
  • Les hauts fonctionnaires directement responsables du désastre, dont le ministre de l’énergie et le ministre du travail, doivent démissionner immédiatement !
  • Ouverture des comptes de Soma et révélation des finances de la compagnie. Les propriétaires des mines se sont enrichis ces dernières années sur le dos des travailleurs – tous ces profits doivent être rendus aux travailleurs !
  • Soma et toutes les compagnies privées doivent être re-nationalisées sous contrôle et management démocratiques des travailleurs, sans compensation.


SPOT (Solidarity with People of Turkey) condamne le gouvernement turc pour la mort des mineurs

Au moins 245 mineurs ont perdu la vie dans la ville de Soma dans l’Ouest de la Turquie, après qu’une explosion ait provoqué l’effondrement d’un puits. Des dizaines de mineur sont été blessés, dont 4 sont dans un état critique. Des centaines sont toujours coincés sous terre. Soma K-mürleri A? possède la mine à titre privé.

L’explosion s’est produite lors d’un changement d’équipe, le nombre exact de personnes toujours coincées sous terre n’est donc toujours pas clair.

Le gouvernement a deux visages, avec les capitalistes cupides et les médias à leurs bottes !

La déclaration de 3 jours de deuil, l’annulation des voyages prévus du Premier Ministre, les messages de condoléances, la présence d’un ministre sur les lieux, sont tous des larmes de crocodile et des tentatives de cacher la réalité. Les gens n’ont pas oublié que c’était le Premier Ministre Erdogan qui s’est exclamé que « la mort est le destin des mineurs de charbon » après un accident meurtrier dans les mines il y a quelques temps.

La « commission de recherche et d’investigation » des risques miniers proposée par les députés des partis d’opposition CHP, MHP et BDP a été rejetée par le gouvernement AKP il y a à peine 20 jours. Des motions en relation avec l’industrie houillère de Levent Tuzel, député du HDP à Istanbul, ont été balayées avec des excuses comme « les ministres concernés mènent des inspections constantes ».

La déclaration récente des directeurs de la compagnie qui possède la mine, qui se vante d’une baisse des dépenses d’environ 60%, n’a pas non plus été oubliée. La diminution de la main d’œuvre, les licenciements forcés d’ouvriers expérimentés, la sous-traitance à des ouvriers sans expérience, ne sont que quelques unes des tactiques des patrons cupides à la poursuites de marges de profit plus élevées.

L’un des ouvriers décédé n’avait que 15 ans ; cela montre clairement l’étendue de l’exploitation qui a lieu. Les représentants médiatiques des patrons et du gouvernement parlent de hauts standards de sécurité dans les mines et parlent de « douloureux accident » dans leurs Unes. Par ailleurs, la valeur donnée aux travailleurs est explicite dans les mots d’un « expert » des mines de charbon de Soma, le Professeur Dr Orhan Kural, qui a déclaré à une chaine télé : « Mourir du monoxyde de carbone est doux ; ils ne ressentiraient aucune douleur. Je souhaite une mort sans douleur pour moi-même ».

Nous, membres du SPOT, (Solidarity with People of Turkey), voudrions exprimer nos condoléances et notre profonde tristesse pour la classe ouvrière, pour ceux qui sont morts tragiquement et pour leurs familles. Nous jurons de montrer les visages de ceux qui sont responsables de cette tragédie, c’est à dire le gouvernement et les patrons qui sont plus préoccupés par leurs profits que par le bien-être des travailleurs. Nous n’allons pas laisser ces morts sur un lieu de travail passer inaperçues. En 12 ans de règne de l’AKP, plus de 14000 décès liés au travail se sont produites. Nous ne les oublierons jamais.

Nous appelons toutes les communautés, les organisations démocratiques et les syndicats à faire entendre leurs inquiétudes sur ce sujet et à nous rejoindre en manifestant à la fois contre le gouvernement AKP et contre ceux pour qui les profits et le capital valent plus que les travailleurs.

Vous pouvez envoyer la déclaration aux officiels turcs listés ci-dessous. Nous vous prions également de mettre en copie spot.turkey@mail.com.

Président turc, Mr Abdullah Gül: Email: cumhurbaskanligi@tccb.gov.tr, Fax 0 (312) 470 24 33

Premier Ministre de la République Turque, Recep Tayyip Erdo?an: Email: bimer@basbakanlik.gov.tr, Fax: +90 312 422 26 69, +90 312 422 18 99

Ministre de l’énergie et des ressources naturelles: Mr. Taner Y?ld?z, Email: bilgi@enerji.gov.tr Phone: +90 312 212 64 20

Si vous avez besoin de plus d’informations, n’hésitez pas à contacter SPOT : spot.turkey@mail.com
Merci d’avance pour votre soutien, Oktay Sahbaz, SPOT.

Modèle d’email :

Le gouvernement AKP et les patrons sont responsables de la mort des mineurs du charbon à Soma, en Turquie.

A qui de droit,

Je soussigné, appelle les ministres et hauts fonctionnaires de Turquie à lancer une investigation indépendante sur la mort des 274 mineurs (à ce jour) dans la mine de charbon privée de Soma.

Je pense fortement que la mort des mineurs ne devrait pas être caractérisée comme « leur destinée » ou « un hasard lié à leur occupation ».

Je vous exhorte à écouter les revendications du public turc et de l’opinion publique internationale, et à faire rendre des comptes aux propriétaires de la mine de charbon de Soma pour les conditions de santé et de sécurité hautement dangereuses qui ont mené à la mort désastreuse de centaines de mineurs.

En Turquie, les mines de charbon privées exposent quotidiennement les mineurs à des conditions de travail hasardeuses qui menacent leur vie, et il est prouvé que le taux de mortalité dans les mines privées turques est 11 fois plus élevé que dans les mines d’État.

Par ailleurs, la requête faite au parlement turc le 29 avril 2014 pour une enquête sur les conditions de santé et de sécurité dans la mine de charbon de Soma présentait une opportunité de prévenir les morts de plus de 245 mineurs le 13 mai 2014.

Il est clair que des milliers de mineurs ont risqué leur vie à cause des mesures de réduction des coûts, avec des conséquences tragiques pour les mineurs et leurs familles.

Le gouvernement turc doit faire rendre des comptes aux responsables pour les meurtres brutaux des mineurs de Soma et assurer que des mesures sont prises pour améliorer la santé et la sécurité dans le secteur minier dans le but de prévenir de tels « accidents » dans le futur.
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