Il y a quelques années, les débats autour de la crise climatique se concentraient sur le comportement individuel et la consommation, comme si notre avenir reposait sur la disparition des pailles en plastique et sur les douches courtes. La nouvelle étude d’Oxfam aide à recentrer le débat sur la racine du problème: l’empreinte carbone moyenne des grandes entreprises du BEL20 s’élève à 20,84 millions de tonnes de CO2 par an, soit les émissions annuelles des 34% les plus pauvres de Belgique.
Par Constantin (Liège)
Oxfam relaye l’analyse du cabinet de conseil Oliver Wyman et Carbon Disclosure Project (CDP), selon laquelle seules 3% des grandes entreprises belges seraient effectivement engagées sur une trajectoire d’émissions compatible avec un réchauffement de 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle (objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris de 2015). Les priorités du capital sont limpides: Oxfam souligne que sur la période 2016-2021, les entreprises du Bel 20 (l’indice boursier belge) ont versé pas moins de 47,5 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, ce qui équivaut à 70% des bénéfices réalisés par ces entreprises. C’est aussi l’équivalent de 68 fois le budget annuel des TEC !
C’est une excellente chose de dénoncer ainsi les véritables responsables de la crise climatique. Le rapport d’Oxfam est toutefois très léger dès lors qu’il s’agit d’envisager les solutions. Il cible – à juste titre – la nécessité de faire payer les plus riches ainsi que ces grandes entreprises qui compensent leur inaction climatique par un évitement fiscal frénétique. Mais lorsqu’elle défend que « Aucun dividende ne devrait pouvoir être versé tant que l’entreprise n’est pas sur une trajectoire d’émissions compatible avec l’objectif de 1,5 °C », cela ressemble à un souhait. Comment imposer cela alors que si peu a pu être réalisé jusqu’ici ?
Peu de temps après la sortie de l’étude d’Oxfam, Glen Peters, directeur de recherche à l’institut de recherche climatique CICERO en Norvège, tirait une fois de plus la sonnette d’alarme : les émissions mondiales de dioxyde de carbone devraient encore augmenter d’environ 1% en 2023 pour atteindre un nouveau record. Chaque année, les émissions continuent d’augmenter.
Deux constats s’imposent. Le premier, c’est qu’on ne peut pas simplement faire comme avant, aligner les rapports et les recommandations, en espérant un résultat différent. Le second, c’est qu’on ne contrôle pas ce qu’on ne possède pas.
Construire un mouvement de lutte suffisamment puissant pour exproprier les criminels climatiques est une priorité vitale. Placer ces entreprises sous contrôle public démocratique est un premier pas nécessaire pour assurer une reconversion rapide des industries polluantes en garantissant la santé des travailleuses et travailleurs sans perte de salaire et avec amélioration des conditions de travail. Mettre la main sur leurs avoirs permettrait aussi le redéploiement des transports en commun sur tout le territoire, tout en assurant leur gratuité ; des investissements massif dans les énergies renouvelables, l’établissement d’un plan public d’isolation et de rénovation du bâti quartier par quartier pour réduire la consommation d’énergie, des investissements dans la protection civile et les services d’aide pour mieux nous préparer aux catastrophes à venir, etc.