Le scandale a fait le tour des médias: lors de la cérémonie de remise des trophées de la coupe du monde féminine de football, le président de la Fédération espagnole Luis Rubiales a embrassé Jenni Hermoso sans son consentement. Il a ensuite démenti le caractère non consenti de ce baiser et a dénoncé une « chasse aux sorcières », un « faux féminisme » qui a pour objectif de « l’anéantir socialement ».
Par Laura (Bruxelles)
Une solidarité énorme
Plus de 80 joueuses de football espagnoles ont signé une déclaration indiquant qu’elles ne reviendraient pas jouer pour l’équipe nationale tant que les dirigeants restaient en place. Les « lionnes » d’Angleterre, la star de l’équipe nationale féminine des États-Unis Alex Morgan, des joueurs de Cadix et Séville ainsi que bien d’autres personnalités ont témoigné leur solidarité.
Des manifestations ont éclaté dans différentes villes avec pour slogan « Se acabó! » (C’est fini), dénonçant les terribles violences sexuelles que subissent les femmes au quotidien et exigeant également la démission de Rubiales. Sous cette pression de plus en plus forte, 21 jours après son baiser forcé, celui-ci a présenté sa démission. Cela démontre le potentiel que présente l’action collective pour arracher des victoires. Et pas seulement sur le terrain de foot !
Hypocrisie du gouvernement et des hautes instances du football
Bien que la FIFA se soit engagée à créer une entité « sport sûr », des plaintes ont été signalées dans pas moins de 16 autres pays. Abus signalés, mais qui attendent toujours d’être résolus. La Real Federación Española de Fútbol est actuellement l’exemple le plus populaire.
De son côté, le gouvernement Sanchez (PSOE) se dit solidaire des joueuses, ce qui relève toutefois plus de la posture politique que de la conviction. Récemment, Víctor Francos Díaz, le président du Conseil Supérieur des Sports (qui dépend du gouvernement), a osé déclarer soutenir les joueuses en ignorant cependant la raison du conflit, car « absolument rien n’est parvenu au gouvernement ». Pire, il invoque même une loi menaçant les joueur.euse.s d’une amende pouvant aller jusqu’à 30.000€ ainsi qu’une suspension de 2 à 15 ans en cas de refus de rejoindre la sélection. On est donc loin d’une solidarité sans faille. Cette loi sert de moyen de chantage et de répression pour étouffer tout mouvement de joueur.euse.s qui se battent pour leurs droits. Avec une certaine réussite, puisque certaines joueuses ont accepté de revenir en sélection.
Démocratisation du sport et investissements massifs
Cet exemple n’est pourtant que la partie visible de l’iceberg, car la quasi-totalité des femmes subit le harcèlement sexuel que ce soit lors de leur activité sportive, sur leur lieu de travail ou dans la rue. Les centres sportifs et leur fonctionnement ne sont que le reflet de la société dans laquelle ils s’inscrivent: une société capitaliste qui, dans sa course de profits, engendre volontairement des discriminations dans son fonctionnement même.
Rubiales a beau avoir démissionné, il faut soutenir les joueur.euse.s dans leur lutte et encourager les mobilisations à se poursuivre afin d’aller plus loin pour obtenir des avancées féministes concrètes dans les fédérations sportives du monde entier. Nous devons aussi nous battre pour une démocratisation des instances sportives, un contrôle – par les joueur.euse.s et leur syndicat – de l’embauche et du licenciement de tout employé sexiste, raciste ou LGBTIA+phobe. Des investissements conséquents sont également nécessaires afin d’avoir des infrastructures et du personnel qualifié permettant une pratique de sport de qualité égale à celle de leur pendant masculin en général.