Témoignage. Pension à 67 ans ? Non merci! Laura, 45 ans, coiffeuse

Nous commençons dans ce numéro d’octobre 2023 de Lutte socialiste, la publication de témoignages de travailleurs et de travailleuses pour qui le recul de l’âge de la pension à 67 ans est insoutenable. Le mois prochain, nous parlerons de Bogdan, ouvrier polonais dans une boulangerie industrielle près de Bruxelles.

Par Guy Van Sinoy

Je m’appelle Laura et je travaille comme ouvrière coiffeuse dans un salon de la région de Mons. Je viens d’une famille ouvrière. Mon grand-père est venu d’Italie dans les années ‘50 pour travailler au charbonnage. Il y a laissé sa santé et est mort de silicose.
Après la fermeture des charbonnages, dans les années ‘60, on ne trouvait plus beaucoup de travail dans l’industrie au Borinage et il fallait venir travailler à Bruxelles. Mon père a donc travaillé à Bruxelles comme ouvrier chez Michelin, puis chez Volkswagen.

L’école professionnelle

Mon père et ma mère ont été très fiers que je suive une formation professionnelle comme coiffeuse. J’allais ainsi échapper à l’usine et trouver du travail dans ma région. À ma sortie de l’école professionnelle, en 1996, l’âge de la pension pour les femmes était toujours fixé à 60 ans. Née en 1978 je pensais donc partir plus tard en pension en 2038, à l’âge de 60 ans. Mais l’année suivante, l’âge de la pension des femmes a été reporté à 65 ans, sous prétexte « d’égalité » avec les hommes. On aurait pourtant tout aussi bien pu respecter cette égalité en descendant l’âge de la pension des hommes à 60 ans !

Mes débuts dans la profession

Beaucoup ne savent pas que les ouvrières coiffeuses et ouvriers coiffeurs doivent acheter leur propre matériel : brosses, peignes, tondeuses, lames de rasoir, ciseaux. Pour une paire de ciseaux de coiffeur de qualité, il faut compter aujourd’hui au minimum 150 euros. J’ai donc dû commencer par acheter mes premiers outils et j’ai trouvé rapidement une place dans un salon grâce à mon diplôme.

Travailler debout avec souvent des produits irritants

Une coiffeuse travaille toujours debout, les bras levés en permanence. Cela provoque des problèmes musculaires et de circulation sanguine. Après un certain âge le dos est abîmé, les muscles des bras, des épaules et les poignets sont usés. Et il ne s’agit pas de tomber trop souvent malade sous peine de recevoir son préavis. Par tradition familiale je suis syndiquée, mais la plupart de mes collègues n’osent pas dire qu’elles sont syndiquées.

La plupart des produits utilisés au quotidien sont toxiques ou irritants et provoquent parfois des allergies. Les solvants, les produits décolorants, les aérosols de laque sont irritants pour les voies respiratoires. Beaucoup de patrons-coiffeurs considèrent l’âge du personnel comme un handicap. Et je connais pas mal de collègues âgées qui ont difficilement retrouvé du travail quand, pour une raison ou l’autre, le salon qui les employait avait fermé ses portes.

Travailler jusqu’à 67 ans ?

Aujourd’hui le gouvernement a reporté l’âge de la pension des hommes et des femmes à 67 ans. Je devrais donc devoir travailler jusque… 2045 ! Je ne me vois pas, ni moi ni mes collègues, travailler jusqu’à 67 ans. Tous les patrons-coiffeurs le savent. Mais, apparemment, les politiciens qui ont décidé cela sont plus stupides que les patrons-coiffeurs…

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