Climat. Devant nous le déluge ?

Depuis la parution de cet article le 26 septembre sur le site de nos camarades allemands de Sozialistische Alternative, la ville de Volos en Grèce a connu de nouvelles inondations. À part les terribles pertes humaines, surtout en Libye, l’impact énorme sur la production agricole grecque est un présage de ce qui nous attend. L’article fait aussi mention des inondations qui en juillet 2021 firent de nombreuses morts en Allemagne et en Belgique. Les priorités du gouvernement allemand décrites ci-dessous nous démontrent que les leçons n’ont pas été tirées. Cela démontre encore une fois de plus que le capitalisme est soit incapable soit indifférent aux menaces de la crise écologique, même dans les pays impérialistes les plus riches.

Par Conny Dahmen, Cologne

Un été comme un cauchemar sans fin ; à peine les premières pelles s’étaient-elles attaquées à la boue à Volos en Grèce, que dans l’espace de quelques heures un raz-de-marée emporta en mer Méditerranée des quartiers entiers de la ville libyenne de Derna. Le bilan est d’au moins 11.000 morts. Peu avant la même tempête avait inondée de vastes zones en Turquie, en Bulgarie et en Grèce.

Après que cet été plus de 1,7 million d’hectares de forêts et de villages ait brûlés en Grèce (d’après les données du système européen d’information sur les feux de forêts EFFIS), en septembre les pluies diluviennes de la tempête Daniel inondèrent 720.000 hectares tuant 16 personnes (selon les statistiques officielles). Des dizaines de milliers d’habitants à Volos et dans le Pélion se sont retrouvés privés d’électricité et d’eau potable pendant des jours. Ils se retrouvent aujourd’hui devant les décombres de leurs existences. La pleine de Thessalie n’est plus qu’un lac de boue où, selon Efthymios Lekkas, professeur en gestion de catastrophes naturelles, l’agriculture ne pourra y être reprise qu’après cinq ans au plus tôt. La région fournissait auparavant plus de 25% de la production agricole et près de 11% des emplois du pays.

Depuis le début des relevés, jamais autant de pluie n’est tombée en Grèce. La station météorologique de la ville de Zagorá dans le Pélion a enregistré 734 litres de pluie par mètre carré en 20 heures. En guise de comparaison, lors des inondations de juillet 2021, dans la vallée de l’Ahr (région de l’Eifel en Allemagne) il était tombé jusqu’à 200 litres par mètre carré en deux à trois jours.

L’accumulation rapide de conditions météorologiques extrêmes est un symptôme bien connu de l’avancé du changement climatique. Les ouragans méditerranéens (Medicanes) comme la tempête Daniel se forment plus rapidement et deviennent plus forts lorsque la température de l’eau est trop élevée. Même sans plus émettre de gaz à effet de serre, de tels événements climatiques extrêmes continueraient à se produire. Nous devons y faire face.

Effondrement climatique et défaillance de l’État

La situation des États des régions concernées rendent cependant une telle adaptation difficile, voire impossible. Ainsi, en Libye, les avertissements des météorologues furent initialement soit ignorés par les autorités, soit diffusés trop tard. Après le désastre, l’aide du gouvernement arriva trop tard et s’avéra insuffisante. Selon un rapport de la Banque mondiale d’avril de cette année, le PIB libyen a chuté de plus de 50 % depuis le début de la guerre civile en 2011. En conséquence, les infrastructures (tels les deux barrages qui se sont effondrés à Derna) et les systèmes d’alerte se sont détériorés. Les habitants des pays du Sud sont généralement touchés de manière beaucoup plus extrême par les conséquences du changement climatique. Ils les subissent au côté des conséquences des interventions néocoloniales des États impérialistes occidentaux et par le pillage opéré par les grandes entreprises.

En Grèce non plus il n’y eu aucune évacuation. L’approvisionnement immédiat en biens essentiels, voire en eau, n’était initialement possible que grâce aux actions de solidarité de la population locale. Même après neuf jours, il restait encore des gens à secourir de leurs toits.

Les véhicules de secours, les hélicoptères des pompiers ou de l’armée, les canots pneumatiques et les engins de chantier ne sont arrivés qu’après des heures interminables et la plupart des avions de sauvetage n’ont pas pu être utilisés. Ce n’est qu’au bout de quatre jours que le gouvernement a installé un centre de crise sur place.

La pleine de Thessalie est connue comme une zone potentiellement inondable, ayant déjà subi une inondation en 1994 et plus récemment en 2020. Néanmoins, malgré toutes les promesses des gouvernements concernant l’expansion des infrastructures de protection contre les inondations, rien ne s’est produit. Les ponts, les barrages et les routes sont réparées et reconstruits de la même piètre manière (sinon au mauvais endroit) comme auparavant.

Se protéger contre les catastrophes signifie lutter contre le capital

En Allemagne aussi, les infrastructures et la protection contre les catastrophes ont été et sont toujours négligées. Alors que d’énormes sommes d’argent sont injectées dans l’armée et l’armement, la coalition au pouvoir («Ampelregierung» – gouvernement «feu de circulation» qui réunit les sociaux-démocrates, les libéraux et les verts) pratique l’austérité de tous les côtés avec des coupes budgétaires de 23 % chez l’Office fédéral de protection civile et d’aide en cas de catastrophe, de 9 % chez le Fonds fédéral pour la protection de la nature, de 34 % pour l’aide humanitaire et la prévention des crises, de 10% chez l’Agence fédérale des secours techniques (THW).

Au lieu de réduire les dépenses, nous avons besoin d’investissements massifs dans la protection contre les catastrophes et encore davantage dans la protection du climat et de la nature. Afin d’atténuer directement les inondations, il est plus urgent que jamais de restaurer les rivières ainsi que les plaines inondables naturelles qui ont été nivelées. En Allemagne, 80 % des zones d’inondation naturelle des principaux fleuves ont déjà disparu. En raison de cela et des barrages, les rivières coulent beaucoup plus vite qu’auparavant, de sorte qu’un raz-de-marée dans le Rhin ne prend actuellement que 30 heures pour descendre de Bâle à Karlsruhe alors qu’en 1955 cela aurait encore pris 65 heures. Les forêts doivent être protégées et reboisées à grande échelle, notamment à proximité des cours d’eau.

Mais rien de tout cela n’arrivera tant que les entreprises privées utiliseront leurs représentants politiques dans les groupes de pression pour déterminer où l’argent de l’État est investi et comment l’énergie est produite.

Si l’on veut assurer que le réveil du cauchemar ne doit pas être un suicide, nous devons enfin priver de pouvoir ceux qui nous ont conduits au désastre. Les entreprises de l’énergie, de l’automobile et des matières premières, pour les profits desquelles des millions de personnes meurent de faim, sont brûlés ou se noient, doivent être transférées dans la propriété publique et organisées de manière démocratique. Ce n’est que si nous dépassons le capitalisme et organisons l’économie de manière démocratique que la production (y compris celle de l’énergie) pourra vraiment être transformée dans le sens de la durabilité.

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