La crise politique s’approfondit aux Pays-Bas

Le quatrième gouvernement de Mark Rutte (VVD, Parti libéral) vient de chuter. Depuis la trahison du parti travailliste social-démocrate, la gauche politique est affaiblie et incapable de vaincre la droite. Les sociaux-démocrates ont ouvertement choisi des gouvernements néolibéraux depuis les années 1990, ce qui leur a coûté de nombreuses voix. En 2023, les partis établis « de gauche » ne représentent plus que 34 des 150 sièges de la Chambre basse.

Par Jorein Versteege (Socialistisch Alternatief, ASI-Pays-Bas)

Cinq partis de gauche sont présents à la Chambre basse. Le BIJ1 est considéré comme le plus à gauche. Parti né de la lutte contre le racisme et l’oppression, il se dit anticapitaliste, mais il a été marqué par une série de conflits internes exacerbés par l’absence de programme visant à construire l’unité dans la lutte contre toutes les formes d’oppression. 

Le Parti pour les animaux se présente comme une variante radicale de la Gauche verte qui a intégré progressivement d’autres thématiques que celle du bien-être animal. En septembre dernier, il a connu une crise interne lorsque la direction du parti a voulu écarter la tête de liste. Les médias ont présenté les choses comme une bataille entre les fondateurs activistes de 2004 et une génération plus jeune plus modérée.

La Gauche verte et le Parti travailliste constituent une liste commune pour les élections de novembre. Les sondages laissent présager une progression en termes de voix, surtout par crainte d’une nouvelle victoire de la droite. Mais ils ne sont pas dignes de confiance. Ils peuvent s’allier avec n’importe qui pour constituer un gouvernement et sont eux-mêmes de fervents partisans des lois du marché.

Dans les sondages, le Parti socialiste (SP, un parti de gauche radicale) est en très mauvaise posture, avec seulement 3 à 4 % d’intentions de vote. Sa présidente Lilian Marijnissen semble conduire le parti à la défaite, une fois de plus. Le SP n’a pas gagné une seule élection depuis 2010. Cela fait des années qu’il refuse d’en tirer les leçons. Sa direction cherche désespérément à se rapprocher du monde politique traditionnel. Lilian Marijnissen a déclaré qu’elle serait heureuse de faire partie d’un gouvernement avec le VVD libéral ! Lorsque l’organisation de jeunesse du parti (Rood) a vivement critiqué cette déclaration, toute la structure a été dissoute.

La confusion politique produit régulièrement des météores populistes. L’extrême droite a réussi à marquer des points avec des figures comme Geert Wilders et Thierry Baudet. Ces formations s’avèrent toutefois très instables. Nous pouvons nous réjouir que l’extrême droite néerlandaise se prenne régulièrement les pieds dans le tapis. Le Forum pour la démocratie (FvD), en particulier, a perdu des députés en raison du comportement de Baudet, qui croit fermement aux théories du complot et soutient Donald Trump et Vladimir Poutine. Le FvD a perdu plusieurs membres au profit de partis dissidents tels que JA21 et BVNL.

Les nouveaux prétendants sont le Boer Burger Beweging (BBB, Mouvement agriculteur-citoyen) et le Nouveau contrat social (NSC). Le BBB a marqué des points sur base des protestations d’agriculteurs. Le Nouveau contrat social n’a pas encore de sièges, mais les sondages en font le futur plus grand parti. Il a été fondé par Pieter Omtzigt, ancien député du CDA (Appel chrétien-démocrate) considéré par beaucoup comme un homme politique intègre et différent. C’est en partie dû au rôle qu’il a joué dans la poursuite en justice des fonds de pension et, plus récemment, dans l’affaire des plus de 25.000 familles accusées à tort de fraude aux allocations familiales. Mais le Nouveau Contrat Social ne représente pas une rupture avec le système, il assurera précisément la continuité des mêmes politiques une fois au gouvernement.

Malgré un paysage politique très fragmenté et l’absence d’une voix de gauche forte, les revendications radicales bénéficient d’un soutien certain. Par exemple, nombreux sont celles et ceux qui souhaitent que le gouvernement cesse de subventionner les combustibles fossiles. Beaucoup espèrent également des investissements dans la collectivité, tels que des salaires corrects liés automatiquement à l’augmentation des prix et de meilleures conditions de travail. Même en l’absence d’un parti des travailleuses et travailleurs doté d’un programme socialiste, le mouvement ouvrier et les socialistes anticapitalistes peuvent intensifier la lutte en ce sens.

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