Macron et son gouvernement sont sortis victorieux, mais profondément affaiblis, de la bataille des retraites. Pour reprendre le contrôle de la situation, il leur fallait tenter d’amadouer de potentiels alliés à droite, injecter des éléments de division racistes dans la société et détourner l’attention des questions sociales. Le soldat Gabriel Attal, nouveau Ministre de l’Éducation nationale, a répondu « présent ! » avec l’interdiction de l’abaya dans les établissements scolaires. Comme l’a résumé le député de la France Insoumise, Thomas Portes: « Les fournitures scolaires augmentent de 11%. Les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap, NDLR) et les professeurs sont en sous-effectif. Des parents ne peuvent même plus payer la cantine. L’urgence pour Gabriel Attal c’est de faire la police du vêtement : une décision islamophobe.»
Par Stéphane et Myriam
Aux femmes de décider !
Macron a donné le ton de la rentrée politique: « il faut réduire significativement l’immigration » (en parlant du projet de « loi Immigration ») et « il faut reciviliser » (à propos des révoltes dans les banlieues fin juin). Interdire l’abaya, c’est une attaque de plus contre la communauté musulmane. Une attaque de plus aussi contre les femmes : vêtements trop courts, vêtements trop longs ; leur corps est en permanence instrumentalisé à des fins de divisions, à l’aide de l’islamophobie et du sexisme.
Qu’il s’agisse d’une mini-jupe, d’un t-shirt troué, d’un crop top, d’un pantalon, d’un voile ou de l’abaya : nous défendons le droit des femmes à librement choisir de porter ce qu’elles désirent. Cela implique une opposition résolue aux conservateurs qui veulent interdire un vêtement, mais aussi aux autres conservateurs qui veulent l’imposer.
Le port de l’abaya est présenté – à tort – comme une attaque contre la laïcité et la République. Interdire l’abaya ou même tout port de signe religieux, cela n’a rien à voir avec la lutte contre l’islam radical. La mesure est même plutôt de nature à en renforcer l’influence par effet boomerang. Si l’on veut s’en prendre à la force d’attraction de l’islam radical sur des jeunes aliénés de la société, il faut s’en prendre aux discriminations et à la pénurie de moyens, notamment dans le domaine de l’éducation. La question est totalement liée à la défense d’un enseignement de qualité accessible à toutes et tous, qui tienne compte des différents milieux et qui dispose du personnel qualifié en suffisance pour faire face aux discriminations au sein de l’établissement ainsi qu’à la pression des proches.
Le prétexte de défense des droits des femmes sert régulièrement d’alibi raciste dans les pays occidentaux avec un aspect très genré : les hommes étant considérés comme « oppresseurs » et « dangereux », les femmes comme « victimes à sauver ». Il existe bien entendu des rapports de domination sexistes, mais ils sont présents dans toute la société. Mais les viols et agressions de quelqu’un comme Patrick Poivre D’Arvor sont considérées comme un cas individuel, alors qu’un cas de violence exercé par un migrant ou une personne issue de l’immigration est directement relié à sa « culture ».
Pour rendre réellement possible de faire un choix en toute liberté, il est essentiel d’améliorer la position sociale de toutes les femmes dans la société et tout particulièrement de garantir leur indépendance financière. Cela signifie de se battre pour des allocations sociales qui dépassent le seuil de pauvreté, un salaire décent indépendamment du genre, de la religion ou de l’apparence, etc.
Le rôle crucial du mouvement des travailleurs et travailleuses
La révolte dans les quartiers socialement défavorisés à la suite du meurtre policier et raciste du jeune Nahel ainsi que le caractère partiellement émeutier qu’elle a prise ont souligné les faiblesses et les erreurs commises par les directions syndicales au cours des dernières décennies. Ce fut aussi le cas durant le récent mouvement contre la réforme des retraites. Tout porte à croire que le sommet des appareils syndicaux est incapable de considérer la classe travailleuse au-delà des couches traditionnellement organisées. De là l’échec à élargir la lutte au moment de la bataille des retraites et à réagir avec une approche de classe conséquente concernant l’abaya ainsi que la population musulmane et celles des banlieues.
La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet s’est d’ailleurs favorablement prononcée concernant l’interdiction de l’abaya dans les établissements scolaires : « Si c’est considéré comme un signe religieux, évidemment qu’il faut l’interdire. » Macron n’espérait probablement pas trouver un tel soutien à sa volonté de diviser notre classe sociale ! Cette division se reflète aussi partiellement à l’Assemblée Nationale au sein de la NUPES, l’alliance de partis autour de la France Insoumise, regroupant des formations à gauche de Macron et à droite de la FI.
Les syndicalistes et les militant.e.s de la FI ont un rôle important à jouer dans l’émergence d’un mouvement de lutte unifié. Mélenchon avait d’ailleurs remporté des scores exceptionnels dans les quartiers populaires lors de l’élection présidentielle 2022. L’alliance de la NUPES qui a suivi a toutefois mis à mal une partie de ce soutien puisqu’il a intégré des responsables de politiques d’austérité locales. Le collectif « On s’en mêle », un réseau d’acteurs de terrain des quartiers populaires lancé en soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon, avait ainsi rapidement exprimé sa colère et sa déception en dénonçant les logiques d’appareils de la NUPES qui s’étaient imposées à leur détriment.
Les points forts et l’atmosphère combative du mouvement historique sur les retraites peuvent servir de levier pour une lutte de masse en faveur d’une hausse généralisée des salaires et des allocations, pour bloquer les futures lois « immigration » et « travail » et toute la politique austéritaire et oppressive. Le mouvement des travailleurs et travailleuses a un rôle crucial à jouer en défendant par la lutte un programme qui ne laisse personne au bord du chemin. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut assurer que personne ne se trompe de colère et ne s’oriente vers l’extrême droite ou son frère jumeau, l’islam politique réactionnaire.