Face à des inégalités sans précédent, la popularité de l’impôt sur la fortune ne se dément pas

« Tax the rich! », voilà ce qu’ont scandé des militants en occupant des terrains de golf. A l’approche des élections, le PTB popularise le hashtag #taxtherich. Même dans les pages de médias de droite comme le Financial Times, des voix s’élèvent contre l’injustice de la fiscalité actuelle. Dire que l’idée d’imposer les riches est populaire est un euphémisme. L’un des principaux outils permettant de déplacer la charge fiscale vers les riches est la « taxe des millionnaires » (comme l’appelle le PTB) ou l’impôt sur la fortune (une taxe non pas sur ce qu’une personne gagne ou achète, mais sur ce qu’elle possède). En Belgique, selon les sondages, entre 75 à 85 % de la population sont favorables à une telle mesure.

Par Jeroen (Gand), article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

L’idée d’un impôt sur la fortune n’est pas neuve. En Europe, trois pays – l’Espagne, la Norvège et la Suisse – disposent d’une forme d’impôt sur la fortune. En France, il existait l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) jusqu’en 2018. C’est évident, cela ne suffira pas pour en finir avec tous les problèmes auxquels la classe travailleuse est confrontée. Même là où la mesure est en vigueur sévissent encore la cherté de la vie, le sous-financement structurel des services publics ou la charge fiscale trop lourde pesant sur les travailleuses et travailleurs.

Bien entendu, quand l’establishment capitaliste envisage une forme ou l’autre d’impôt sur la fortune, il n’est question que de mesure symbolique ou même microscopique, à moins qu’elle ne soit compensée ailleurs. En Suisse, par exemple, quand l’impôt sur la fortune a été instauré, l’impôt sur les successions a été supprimé. La Suisse tire environ 4 % de son budget de l’impôt sur la fortune, soit le pourcentage le plus élevé au monde.

La popularité de la chose s’explique par les décennies de politiques néolibérales qui ont progressivement retiré la charge fiscale des épaules les plus fortes pour la faire supporter à la masse des plus petites. Aujourd’hui, une femme de ménage paie parfois plus d’impôts que la multinationale qui l’emploie ! En toute légalité. Une armée hétéroclite de sociétés de conseil et de cabinets d’experts-comptables oriente les entreprises et les grosses fortunes vers toutes les échappatoires, de sorte que la plupart d’entre elles ne paient pratiquement pas d’impôts. Et quand la loi n’est pas suffisamment bienveillante, d’autres solutions peuvent être trouvées : Luxleaks, Panama papers, Paradise papers… Le manque à gagner pour la collectivité a été répercuté par des coupes budgétaires dans les services publics (y compris l’administration fiscale, comme c’est pratique…).

Le constat est sans appel : jamais au cours de l’histoire de l’humanité la répartition des richesses n’a été si inégale. Dans le cas de la Belgique, il n’est toutefois question que d’estimation puisque nous ne disposons toujours pas de cadastre du patrimoine (c’est-à-dire le registre des possessions de chaque personne). Selon la World Inequality Database, entre 2000 et 2020, la valeur de toutes les richesses accumulées est passée d’environ 3,7 fois le revenu national (tout ce qui est gagné comme revenu par tous les Belges) à plus de 5,5 fois ! Tellement plus de richesses supplémentaires, mais dans moins de moins en moins de mains. Les 10 % les plus riches de Belgique possèdent environ 60 % de la richesse totale. Les 50 % les plus pauvres, moins de 8 %…

Même si notre ambition est seulement d’inverser l’inégalité croissante des dernières décennies, non seulement un véritable impôt sur la fortune sera nécessaire, mais il faudra aussi supprimer toutes les échappatoires, les exceptions et toute l’évasion fiscale organisée à la faveur des riches et des entreprises. Ceux-ci combattront avec acharnement la moindre atteinte à leur fortune. Cela fait des années que leur personnel politique bloque l’élaboration d’un cadastre des fortunes.

Comme nous l’avons vu récemment lors de la lutte contre le relèvement de l’âge de la retraite en France, où 80 % de la population s’est exprimée contre cette mesure, il ne suffit pas qu’une majorité de la population soit convaincue de quelque chose. Seule une pression de masse peut imposer des réformes. Cette pression doit d’abord s’exercer dans la rue et en particulier dans les secteurs sur lesquels on a épargné pendant tant d’années au grand plaisir des riches : enseignement, transports publics, pensions… Cette mobilisation de masse sera également cruciale pour riposter à tous les chantages et sabotages de la part des grandes fortunes, notamment par les armes de l’expropriation et de la nationalisation. Il faudra bien les forcer à céder ce qu’ils refuseront de donner.

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