Les syndicats, en tant qu’organisations de travailleuses et travailleurs, ont un rôle important à jouer dans la lutte contre l’extrême droite. Tout d’abord, ils sont l’une des rares organisations de masse à disposer d’un vaste réseau de délégués et d’antennes dans la société. Les syndicats sont les mieux placés pour briser le discours social mensonger de l’extrême droite en défendant un programme de gauche cohérent qui fait face aux nombreux besoins sociaux de la classe travailleuse. La mobilisation par l’action est cruciale sur ce point, tout comme dans les actions antifascistes.
Par Bart Van der Biest, représentant syndical dans le secteur des soins de santé
L’initiative « Syndicalisten tegen fascisme » (Syndicalistes contre le fascisme) a été créé à l’époque par des vétérans de la campagne antifasciste du PSL Blokbuster (créée en Flandre en 1991) afin de constituer un réseau informel visant à soutenir les actions de la jeunesse avec des militants syndicaux. Un tel soutien actif faisait défaut depuis un certain temps dans les structures syndicales officielles, au-delà de la participation symbolique à diverses initiatives antiracistes.
En Belgique francophone, l’implication des syndicats dans les mobilisations antifascistes est plus importante qu’en Flandre et l’initiative vient généralement du mouvement ouvrier organisé. D’où vient cette grande différence ?
En Wallonie et à Bruxelles, l’extrême droite reste politiquement marginale. Pourtant, le terreau y est tout aussi fertile qu’en Flandre. Cependant, l’extrême droite est très divisée et chaque tentative de sortie se heurte à une opposition sur le terrain. Par conséquent, le cordon sanitaire tient bon, même s’il a été rompu il y a peu dans les médias par la RTBF vis-à-vis de la formation d’extrême droite francophone « Chez nous » et quand le président du MR Georges-Louis Bouchez a participé à un débat télévisé en Flandre avec le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken.
En Flandre, en revanche, la normalisation du VB est allée très loin. L’extrême droite y dispose d’une longue tradition. Il n’y a pas eu de défascisation sérieuse après la Seconde Guerre mondiale parce que l’extrême droite s’était organiquement cachée dans le mouvement flamand. Cinq ans après la guerre, le VMO (Vlaams Militant Orde) défilait déjà dans les rues et Karel Dillen (président à vie du Vlaams Blok) faisait le salut hitlérien en public sur la Grand-Place de Bruxelles lors d’une manifestation flamande. En outre, le VB est en partie soutenu par les médias traditionnels, un certain nombre de journalistes et de commentateurs tombant même dans le piège de ses mensonges.
Lors du dernier congrès fédéral de la FGTB en juin 2022, l’attitude attentiste de l’appareil syndical a semblé changer. La lutte contre l’extrême droite a été présentée comme l’une des 10 priorités pour les quatre années à venir. Mais entre le vote de résolutions, les applaudissements de congrès, les campagnes sur les médias sociaux et la participation active, en nombre, aux mobilisations antifascistes, ne parlons même pas de diriger la lutte, il y a tout un fossé. La base doit encore exercer pas mal de pression pour que les choses bougent sérieusement.
En outre, au sein des directions syndicales, les actions antifascistes ont trop facilement tendance à s’enliser dans des « manifestations culturelles » où l’élément combatif et mobilisateur est relégué à l’arrière-plan. Les revendications sociales pour lesquelles les syndicalistes se battent tout au long de l’année – telles que les salaires, les conditions de travail, la protection sociale, l’investissement public dans les soins de santé et l’enseignement – sont essentielles dans la lutte contre les problèmes sociaux sur lesquels l’extrême droite prolifère comme une moisissure. Ces revendications ne seront pas satisfaites dans le cadre d’une alliance avec des organisations et partis procapitalistes. A ce modèle, historiquement appelé « front populaire », nous opposons la méthode du front unique : l’unité d’action des organisations anticapitalistes de travailleuses et travailleurs.
Suite à la provocation de Tom Van Grieken lors de la manifestation du secteur non-marchand le 13 juin dernier, un débat a eu lieu au Comité fédéral du SETCa-BBTK (FGTB). Julien Dohet (secrétaire politique du SETCa Liège) a fait valoir que de telles provocations se produiront encore à l’avenir et que le syndicat doit s’y préparer ET ne pas compter sur les forces de police pour régler ce problème. Des applaudissements ont suivi son intervention et d’autres. Mais nous sommes restés sur notre faim concernant les conclusions pratiques…
L’attitude des hautes sphères du syndicat n’est pas très différente de celle de l’entre-deux-guerres. Les mobilisations antifascistes concrètes provenaient alors aussi principalement de la base qui recherchait instinctivement l’unité d’action, ce qui entrait parfois en conflit avec l’agenda des apparatchiks qui faisaient confiance aux partis établis et espéraient que tout se déroulerait sans incident. Il y a eu des initiatives intéressantes de la base, comme les « Arditi del Popolo » (AdP) en Italie au début des années 1920. Ce premier groupe antifasciste rassemblait des syndicalistes révolutionnaires, des anarchistes, des communistes et des socialistes et a pu compter sur 20.000 membres en l’espace d’un an.
Le Vlaams Belang essayant de se donner une « image sociale », l’antifascisme anticapitaliste combatif des syndicalistes est très important. À cette fin, nous avons l’intention, dans les semaines à venir, de développer un texte de plate-forme des « Syndicalistes contre le fascisme » que les militants pourront utiliser pour construire et mobiliser le soutien aux actions.