Le groupe allemand Rammstein était programmé pour trois concerts à Bruxelles ces 3, 4 et 5 août alors que son chanteur Till Lindemann est mis en cause pour agressions sexuelles par de multiples femmes.
TW : violence sexuelle, violence physique
Le scandale a commencé lorsqu’une jeune fan d’Irlande du Nord, Shelby Lynn, a accusé Lindemann de l’avoir droguée à son insu et d’agression sexuelle en marge du premier concert de la tournée, à Vilnius, le 20 mai. Depuis, cela a pris de l’ampleur, avec un nouveau témoignage d’une jeune fan autrichienne, Beate H. (nom d’emprunt) qui a été frappée par Lindemann après avoir refusé ses avances.
Le système Rammstein
Le « système Rammstein » mis en place par Lindemann mais soutenu et facilité également par son entourage sont des ‘after-party’ où drogue et alcool sont proposées à des jeunes fans pendant les concerts, notamment par une ‘rabatteuse’ mais également via les réseaux sociaux. Elles sont invitées à venir rencontrer Lindemann dans une pièce VIP backstage, séparée du reste du lieu.
Tout est mis en place pour que les personnes invitées ne puissent pas dire ‘non’ une fois dans la pièce : des témoignages ont rapporté l’utilisation de la méthode du ‘spiking’ (mettre de la drogue dans le verre d’une personne à son insu) afin de réduire les capacités cognitives, la présence également de personnel de sécurité empêchant les personnes de quitter la pièce, la pression de groupe, l’isolation des jeunes victimes qui se retrouvent sans leurs ami.e.s…etc. Pour beaucoup des témoignages, ce qui devait être un moment de rencontre avec leur idole se transforme alors en cauchemar absolu.
Une culture de violence et de misogynie
Lindemann n’est pas le seul à avoir un comportement de prédateur : Dans une interview publiée par les journaux allemands NDR et Süddeutsche Zeitung, deux femmes ont accusé le claviériste du groupe, Christian «Flake» Lorenz d’agressions sexuelles. Ces témoignages parlent de faits remontants aux années 90 et début 2000.
Rammstein en tant que groupe est également connu pour son goût pour la provocation depuis déjà sa création : utilisation de la violence, du sexe/porno et de références aux nazis dans leurs clips, ce qui a créé de nombreuses controverses au fil des années.
Egalement, des poèmes/chansons de Lindemann comme ‘Wenn du schlafst’ (When you sleep 2020), Platz Eins (2020), Ach so gern (2019) dépeignent des scènes de violence sexuelle et montrent un portrait très sombre du chanteur, où le consentement est inexistant. Dans When you sleep : « I like to sleep with you when you sleep And when you don’t move at all (…) Some Rohypnol in the wine And you can’t move anymore (…) ». Traduction : « J’aime dormir avec toi quand tu dors et quand tu ne bouges plus du tout (…) Un peu de Rohypnol dans le vin et tu ne peux plus bouger (…) « .
Réactions
Le batteur de Rammstein Christoph Schneider s’est distancié du chanteur dans un post Instagram. Il admet que « des choses pas correctes » ont eu lieu autour de Lindemann mais que « Je ne pense pas qu’il se soit passé quoi que ce soit d’interdit, ou en tout cas je ne l’ai pas remarqué ». Les autres membres tentent de dire qu’ils n’étaient pas au courant, ou que c’est seulement Lindemann le problème, alors que tout le monde savait ce qu’il se passait, et cela depuis des décennies.
A côté de ça, des voix dans le Métal s’élèvent pour dénoncer le comportement de Lindemann et de Rammstein : par exemple le bassiste de Brutus s’est prononcé contre le fait que Rammstein puisse jouer 3 fois sans aucun problème. Clairement, il s’agit d’une question d’argent, les enjeux financiers autour de cette tournée étant énormes.
Le parquet de Berlin a ouvert une enquête « pour des faits présumés relevant du domaine des délits sexuels et de la distribution de stupéfiants ». Soi-disant, plus aucune fête n’est organisée après les concerts, mais est-ce vrai ? Selon des témoins, la rabatteuse de Lindemann continue à chercher des jeunes filles pour lui.
Actions
Rammstein termine sa tournée à Bruxelles, mais chaque concert s’accompagne d’appels au boycott et de manifestations.
Une action de protestation a rassemblé 300 personnes à Berlin samedi dernier pour protester contre l’organisation de concerts du groupe dans la capitale allemande.
Avec la Campagne ROSA à Vienne en Autriche (voir photo) nous avons participé à une action de plus de 2000 personnes.
#Metoo Metal
Ce n’est pas la première fois qu’un scandale comme celui-ci éclate dans le monde du métal. L’affaire Marylin Manson il y a deux ans a déclenché une vague de reactions misogynes concernant les victimes des abus sur les réseaux sociaux.
Le lundi 1er février 2021, l’actrice Evan Rachel Wood a rompu des années de silence et a publiquement accusé son ancien partenaire Brian Warner – alias Marilyn Manson – de l’avoir maltraitée pendant leur relation à la fin des années 00. Presque immédiatement, plusieurs autres femmes ont partagé leurs propres expériences d’abus aux mains du chanteur, tandis que le post original de Wood sur Instagram a suscité une vague de soutien et de solidarité de la part de personnes comme l’ex-fiancée de Warner, Rose McGowan, et le guitariste de Limp Bizkit, Wes Borland.
Mais il y a eu aussi un revers à tout cela. Le post de Wood a déclenché un récit tout à fait différent, allant de la désinformation à la misogynie pure et simple. Lorsque Metal Hammer a posté à l’époque l’histoire sur ses médias sociaux, les réactions ont inclus des soupçons sur la véracité des déclarations, des reproches aux victimes et une quantité inquiétante de « rires », tandis que d’autres ont souligné le fait que Manson a nié les allégations dans une déclaration.
L’affaire Depp/Heard a également déclenché une misogynie sans précédent, cette fois-ci dans l’industrie du cinéma (bien que Depp soit également connu dans le monde de la musique avec son groupe Hollywood Vampires). La méthode DARVO (Deny, Attack, and Reverse Victim and Offender = nier, attaquer et inverser la victime et l’agresseur) employée par Depp semble être le chemin que Lindemann souhaite prendre pour se défendre, niant toute accusation et jouant à la victime.
Sex drugs and Rock & Roll = libération sexuelle ?
C’est l’adage des ‘rock stars’, particulièrement des années 60 et 70. Les Rolling Stones, Led Zeppelin, Bob Dylan, David Bowie, Aerosmith….Des affaires qui ressortent aujourd’hui et qui passent mal : la fameuse libération sexuelle de l’époque n’a pas voulu dire la même chose pour tout le monde. Pour certains cela voulait dire pouvoir avoir des relations avec des mineur.e.s sans avoir de problème avec la loi (qui était pourtant déjà punitive à l’époque). Pour de très jeunes filles (parfois 12, 13 ans) cela voulait dire avoir accès à leurs idoles, tout en se faisant passer pour ’emancipées’.
Or, dans une société structurée sur les classes, le pouvoir et la hierarchie, l’émancipation réelle n’existe pas, surtout pour les personnes les plus vulnérables. Le consentement réel étant remplacé par de fausses idées de libération sexuelle (le ‘droit’ de dire oui, mais pas le droit de dire non), qui reste un concept flou, à mettre sous le tapis quand cela ne convient pas aux clichés véhiculés par ces rock stars.
Le réel consentement passe par une émancipation économique, et donc sociale. Dire non, c’est avoir le pouvoir de dire non. On y était clairement pas à l’époque et toujours pas aujourd’hui vu les scandales récents, bien qu’au moins la problématique soit dénoncée par le mouvement féministe en cours. Les Lindemann, Manson, Depp et Polanski de ce monde sont dénoncés pour ce qu’ils sont, des abuseurs systémiques.
Abus de pouvoir = système capitaliste
Evan Rachel Wood a eu raison de dénoncer la misogynie rampante dans les industries qui lui ont permis et continuent de permettre à d’innombrables autres hommes prédateurs de se comporter comme tel. Le sexisme et les comportements abusifs sont répandus dans toute la société, en particulier chez les riches, les puissants et les célébrités, et plus particulièrement à l’égard des femmes, des jeunes filles et des personnes LGBTQIA+ jeunes et vulnérables.
Comment peut-on mettre fin à la violence sexiste dans une société si scandaleusement inégale, et où la place de la femme est d’être objectifiée ?
Derrière cette violence sexiste se cache le capitalisme : Les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+ sont sous pression dans le monde. Aux États-Unis, le droit à l’avortement a été limité. Des sexistes et abuseurs comme Jeff Hoeyberghs et Johnny Depp retrouvent la bienveillance des médias. Continuons la lutte ! Les crises alimentent les oppressions. Il faut passer de la visibilisation du problème à la lutte contre ses racines !
Pas de capitalisme sans sexisme ! Le féminisme socialiste, plus nécessaire que jamais ! #webelieveher
Video Youtube : The End of Rammstein ? Serious Accusations against Till Lindemann