Pride is a protest ! Renouons avec l’héritage radical et anticapitaliste du mouvement

La Brussels Pride a beau rester un événement essentiellement festif, le slogan de l’édition 2023 en mai dernier était « Protect the protest ». Les violences envers les personnes LGBTQIA+ et leurs associations et organisations n’ont pas disparu en dépit de la visibilité accrue de la communauté, de ses revendications et de ses inquiétudes. Les discriminations LGBTQIA+phobes et ses terribles répercussions personnelles sont ancrées dans les tréfonds du système capitaliste.

Le dernier rapport de l’International Lesbian and Gay Association (ILGA) pour l’Europe souligne que « l’année 2022 a été la plus violente de ces dix dernières années pour les personnes LGBTQIA+ » sur notre continent. Des bars gays ont même été visés par des attaques terroristes en Norvège et en Slovaquie l’année dernière, en causant plusieurs morts. En Belgique, Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances) confirme que le nombre de crimes LGBTQIA+phobes connaît également une hausse inquiétante, confirmée d’année en année. Mais une récente étude de l’OBPS (Observatoire bruxellois pour la prévention et la sécurité) a de nouveau souligné que les données existantes sont largement incomplètes. Comme c’est le cas pour les violences sexistes, les faits sont peu rapportés car largement négligés par la police.

Toujours pour l’année 2022, Unia a enregistré 137 dossiers relatifs à l’orientation sexuelle dont près de la moitié concernent des violences physiques. « C’est le premier phénomène qu’on a en termes de violence. Ce sont des coups et blessures, avec parfois même des bandes qui vont attaquer des personnes homosexuelles. Deux hommes qui se tiennent la main, par exemple dans la rue, ça suscite des réactions viscérales. On ne constate pas le même type de violence sur d’autres phénomènes comme le racisme, l’antisémitisme. Les personnes en situation de handicap, etc. », explique son directeur, Patrick Charlier.

Les crises du capitalisme alimentent les discriminations

Ce n’est aucunement un hasard si la situation s’aggrave parallèlement au backlash antiféministe, ce retour de bâton qui voit les forces de droite et réactionnaires tenter de reprendre du terrain à la suite de la nouvelle vague de luttes féministes de ces dernières années.

Ce n’est pas non plus un hasard si ces deux phénomènes s’épanouissent alors que la société plonge d’une crise à l’autre. Le système capitaliste est en crise, l’avenir est incertain, une polarisation politique est à l’œuvre sur tous les terrains. Et toutes les nuances des forces de droite (des populistes de droite aux fondamentalistes religieux) tentent d’instrumentaliser ce sentiment d’insécurité. La stabilité qu’ils défendent, c’est celle de la domination sociale, celle où les personnes opprimées et dominées restent à leur place, celle où l’on dévie la colère vers toute une liste de boucs émissaires afin de protéger le statu quo et la structure hiérarchique d’un capitalisme plongé dans la tourmente. 

Bien entendu, cette conception de la société repose également sur l’obligation de se conformer à des normes de genre liées à l’hétérosexualité, avec des traits jugés typiquement masculins ou féminins, les personnes transgenres étant tout particulièrement prises pour cible.

Le capitalisme corrompt tout, même nos luttes

Le capitalisme est capable de récupérer chaque chose pour en faire une source de profits. La libération sexuelle des années ’60-70 dissociée du combat pour renverser le système a ouvert la voie à une chosification extrême du corps des femmes, à l’essor de l’industrie cosmétique, à une intensification inouïe de l’exploitation sexuelle, etc.

Durant les activités liées aux Pride, on connaît bien toutes ces entreprises qui font mine d’adopter une image de marque favorable aux droits LGBTQIA+ tout en restant à l’écart de la lutte, voire en s’y opposant directement. L’hypocrisie dépasse de loin la simple récupération commerciale. En juin 2021, une étude(1) a révélé qu’aux États-Unis, 25 grandes entreprises qui n’hésitent pas à arborer les drapeaux et symboles LGBTQIA+ avaient donné collectivement plus de 10 millions de dollars à des politiciens anti-LGBTQIA+. La multinationale de la distribution Walmart avait ainsi fait un don de 30.000 dollars à des élu.e.s de l’Arkansas qui ont fait adopter une loi interdisant les traitements d’affirmation de genre aux jeunes personnes trans. Au même moment, ses magasins étaient remplis de produits pro-LGBTQIA+.

Les Pride trouvent leur origine dans le soulèvement de Stonewall en 1969. Mais dans l’ensemble, les capitalistes ont su transformer une manifestation radicale contre un système oppressif en une vaste campagne de marketing. Pride is a protest ! Renouons avec l’héritage radical et anticapitaliste du mouvement !

Liste d’attente : ne laissons personne de côté !

Sans surprise, le Premier ministre De Croo se situe à l’opposé de cette approche. Pour lui, la Pride est avant tout une célébration. Bien entendu qu’il n’a pas envie d’entendre autre chose ! Sa politique, c’est celle dans laquelle ont trempé tous les partis établis : des coupes budgétaires partout. Et donc, des listes d’attente partout. Dans les soins de santé, ce sont les personnes qui cherchent à entamer une transition qui sont victimes des pires listes d’attente, plus d’un an et demi, avec toutes les conséquences psychologiques que ça comporte ! Et soyons clairs : là où il y a pénurie, il y a discriminations.

Combattre sérieusement pour les droits des personnes transgenres, cela implique aussi de se battre pour plus de moyens publics pour nos soins de santé. Il faut en finir avec toutes les listes d’attente en assurant qu’il y ait suffisamment de personnel et d’infrastructures pour que chaque personne qui nécessite des soins puisse en avoir. Nous défendons également une tout autre organisation des soins de santé, au sein d’un service national de soin de santé où ce ne sont pas les managers qui décident, mais les professionnels du secteur et des représentants des patients. Certaine.e.s considèrent que ce type de revendications larges donne un objectif inatteignable de suite, mais nous ne construirons par la solidarité que cette lutte exige autrement qu’avec une approche qui bénéficie à toutes les personnes opprimées et exploitées par le capitalisme.

Aujourd’hui, plus de 40 % des jeunes LGBTQIA+ en Flandre ne se sentent pas en sécurité à l’école. Les écoles sont dépourvues des ressources et connaissances suffisantes pour réagir de manière adéquate. Défendre un enseignement réellement inclusif, cela exige d’arracher un financement massif de l’enseignement, pour des classes plus petites, pour une formation accrue des enseignants y compris aux questions liées au genre, et pour une collaboration avec les associations de terrain qui ont accumulé une expertise largement ignorée par les pouvoirs publics.

Pour repousser la discrimination face au logement et en finir avec les longues listes d’attente pour bénéficier d’un logement social, nous devons nous battre en faveur d’un ambitieux plan de rénovation et de construction de logements sociaux, dont l’ampleur déterminera également l’efficacité de la pression sur l’ensemble des loyers du pays. Et ce, dans le cadre d’un plan public d’isolation et de rénovation du bâti, quartier par quartier. Nous voulons en finir avec toutes les formes de précarité, y compris la précarité énergétique !

Alors, oui, ça exige des moyens. Mais la société n’a jamais été aussi riche. En nationalisant les secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques des travailleur.euse.s, nous pourrions utiliser les richesses monumentales qui existent pour répondre aux besoins de toute la population, et assurer l’épanouissement de chaque personne. Retirer tout le secteur pharmaceutique de la logique de profits, par exemple, permettrait d’assurer que la production de médicaments et de traitement hormonaux ne soit pas laissée à la simple appréciation des actionnaires. Pour en finir avec les pénuries, retirons la production des griffes des capitalistes !

Une telle révolution dans l’organisation de la société modifierait aussi inévitablement les attitudes liées au genre et à l’orientation sexuelle. Celles-ci sont ancrées dans la société de classes et dans les relations de pouvoir qui en découlent. Une société socialiste démocratiquement planifiée poserait les bases de l’émancipation de l’humanité dans toute sa diversité.

Voilà toute l’essence du combat de la Campagne ROSA et des actions Pride is a protest tout au long de l’année. Un monde où chacun.e peut être soi-même est possible ! Le 12 août, nous participerons à la Pride d’Anvers avec une délégation Pride is a protest. Rejoins-nous !

  1. https://www.theguardian.com/us-news/2021/jun/14/corporations-anti-lgbtq-politicians-donations-study
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Première page de Lutte Socialiste