Edito Le Vlaams Belang en route vers le pouvoir? No pasaran !

Geert Cool
par Geert Cool
Rédacteur en chef de Lutte Socialiste

Le Vlaams Belang souhaite entrer dans une coalition en 2024, au moins au niveau communal. Il capitalise habilement sur le mécontentement suscité par la politique des partis traditionnels en ciblant des groupes de population spécifiques. Le VB se présente au grand public comme « populaire » et « social », mais il se prépare à l’exercice du pouvoir en envoyant députés et personnalités du parti suivre de coûteuses formations de gestion. Le cocktail proposé par l’extrême droite est un danger pour les minorités en premier lieu, mais aussi pour les acquis de la classe travailleuse dans son ensemble.

Forces et faiblesses

Les campagnes populistes de l’extrême droite visent à puiser dans le réservoir de mécontentement. Les inégalités sont particulièrement profondes aujourd’hui en conséquence des années successives de politiques antisociales au bénéfice de l’élite capitaliste. De plus en plus de gens boivent la tasse. Selon Statbel, 18,7 % de la population belge est menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale. La dynamique est d’autant plus vive que le démantèlement des services publics se poursuit, avec des conséquences encore plus désastreuses dans les plus petites villes et les zones rurales.

C’est sur cela que le VB capitalise. Il exploite cette colère sociale pour semer la division et la discrimination, notamment avec son militantisme anti-woke qui n’est rien d’autre qu’une campagne contre chaque personne opposée aux discriminations. Il alimente ainsi délibérément le backlash ou retour de bâton antiféministe. Le VB détourne l’attention des véritables causes, la soif de profit du capitalisme, et dresse les jeunes et les travailleur.euse.s les un.e.s contre les autres. Il recycle simplement ses vieilles recettes racistes, sexistes et LGBTQIA+phobes.

Sa percée rurale est appuyée par une campagne très visible sous la bannière « Sauvons nos agriculteurs », par le biais d’affiches sans logo de parti, mais qui permet de disposer d’une entrée. Quand la défense des droits des animaux était populaire, en 2019, le parti s’était présenté comme le « parti des animaux ». Le VB mange à tous les râteliers et s’investit dans diverses manifestations, des agriculteurs aux policiers en passant par les actions contre les mesures COVID.

Le 13 juin dernier, le président du VB Tom Van Grieken a tenté de s’imposer dans une manifestation du secteur non marchand. Le mouvement ouvrier organisé reste toujours une zone interdite à la haine de l’extrême droite. Mais le parti cherche à limiter l’espace pour ses opposants, d’où son meeting provocateur au centre de Bruxelles fin mai.

Le dégoût des politiques menées par tous les partis procapitalistes est un tapis rouge électoral pour le l’extrême droite. Mais il n’a rien à apporter comme solution, c’est sa principale faiblesse. Une fois au pouvoir, c’est toujours la politique antisociale qui mène la danse. En Italie, Meloni a réduit le montant des allocations de chômage. En Finlande, l’extrême droite est responsable de coupes budgétaires dans les soins de santé. En Belgique, le VB vote invariablement pour maintenir les pensions ou les salaires au plus bas alors que l’avidité de ses propres députés est légendaire. Le VB se frotte les mains à l’idée de profiter des avantages de la gestion publique et certains députés et permanents du parti suivent de coûteux cursus à la Vlerick Business School et à l’Antwerp Management School…

Le défi en 2024

Mais pour ça, il faut encore briser le cordon sanitaire. Le VB veut au moins participer aux négociations pour le nouveau gouvernement flamand et a annoncé être prêt à faire des concessions. En 2019, « l’indépendance de la Flandre » n’était une priorité que pour 8 % de l’électorat du VB, ce thème peut donc rapidement être rangé au placard. Une participation gouvernementale reste toutefois peu probable, car cela mettrait la N-VA dans une position impossible au niveau fédéral.

Le VB veut le meilleur score possible en juin 2024 comme tremplin vers les élections communales d’octobre 2024. Dans les années 1990, les percées du VB concernaient surtout les grandes villes. Il s’agit aujourd’hui des villes de moindre importance. Dans beaucoup de celles-ci, le VB dispose à peine d’une antenne locale, encore moins de têtes de liste connues pour entrer au collège échevinal. Lors des élections communales de 2018, tous les médias ont publié des articles sur des dizaines de candidats du VB qui affichaient ouvertement des sympathies néonazies. Mais dans certaines communes où le parti est présent depuis un certain temps, il dispose de meilleures chances.

Dans la région de la Dendre existe un danger de majorité absolue à Ninove, mais aussi une possible percée à Alost, entre autres. Dans la périphérie anversoise, le président du VB se présentera à Schoten et Marijke Dillen à Schilde. De plus petites villes comme Turnhout et Lier peuvent nous réserver de mauvaises surprises, ainsi qu’une série d’autres communes, surtout aujourd’hui alors que le manque de moyens développe des tensions dans chaque localité. La possibilité que le VB prenne le pouvoir à l’un endroit ou l’autre au niveau communal en octobre 2024 est très réelle.

Quelle stratégie antifasciste ?

La progression de l’extrême droite représente un danger pour de nombreuses personnes, notamment pour le mouvement ouvrier, car elle renforce toutes sortes de division qui sont autant d’obstacles à l’unité dans la lutte. La participation au pouvoir constitue un danger supplémentaire : cela permet d’attaquer directement le mouvement ouvrier par des politiques antisociales et la répression. Ses combattants de rue se verraient ainsi encouragés à ne pas se limiter leur haine au harcèlement en ligne.

On ne stoppera pas l’extrême droite avec les partis procapitalistes responsables des politiques d’austérité qui alimentent le VB ni en concentrant notre stratégie sur ceux-ci. Cela risquerait de nous entraîner sur le terrain des institutions de l’establishment. Le mouvement ouvrier doit se battre sur son propre terrain : la lutte sociale. Ce n’est que sur ce terrain que l’on trouve des réponses aux pénuries et au mécontentement. Les prix et loyers élevés, la flexibilisation de l’emploi et la pression au travail, les services publics défaillants… doivent être au cœur du combat antifasciste.

Démasquer le caractère antisocial de l’extrême droite est d’autant plus efficace si cela est lié à des luttes actives pour le progrès social, tant au niveau syndical que politique. La construction d’un rapport de forces est essentielle à cet égard et exige des luttes sociales qui ne se limitent pas au défoulement ainsi que la construction d’un relais politique du mouvement ouvrier.

C’est pourquoi la percée du PTB est très importante. Cela constitue l’un des facteurs qui empêchent l’extrême-droite de prendre son essor dans la partie francophone. Mais un PTB plus fort entraîne plus de responsabilités, à la fois dans l’organisation des luttes et dans l’application de mesures qui représentent de réelles avancées pour les travailleur.euse.s. Du côté francophone, la pression augmente pour des gouvernements de gauche de rupture. Mais si des gouvernements comprenant le PTB ne font pas suffisamment la différence, cela pourrait ouvrir la porte à l’extrême droite. Gagner des voix c’est une chose, mais il faut avant tout disposer d’un rapport de force associé à un programme qui ne se limite pas à ce qui est acceptable dans le cadre de la logique de profit du capitalisme, mais qui vise à obtenir un changement de société qui garantisse ce qui est nécessaire. C’est l’approche que nous utiliserons pour faire campagne en faveur du PTB en 2024.

Un antifascisme actif permet d’éviter que la base militante de l’extrême droite ne devienne socialement acceptable. Mais il faut y lier un programme anticapitaliste et socialiste pour affaiblir le soutien passif de l’extrême droite. Il faut orienter la colère vers la lutte anticapitaliste, en particulier par le biais des luttes des travailleur.euse.s, et vers une transformation socialiste de la société. C’est la méthode par laquelle nous avons aidé à organiser la résistance au VB avec Blokbuster dans les années 1990, c’est aussi l’approche de la Campagne ROSA et de tous nos efforts pour une alternative socialiste. Le capitalisme pourrit et cela en donne des expressions politiques qui ne sont que des moisissures. Pour en finir avec l’extrême droite, nous devons en finir avec ce capitalisme.

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