Transformons la colère en un mouvement de masse des quartiers et lieux de travail !
L’horrible assassinat raciste du jeune Nahel par un policier à Nanterre le 27 juin a soulevé une vague d’indignation et de révolte contre le racisme systémique et les violences policières incessantes, particulièrement à l’encontre des jeunes aux origines d’Afrique du Nord ou subsaharienne. Le puissant mouvement social contre la réforme des retraites et la révolte de la jeunesse dans les quartiers populaires doivent être combinés et approfondis afin d’organiser et de construire une lutte de masse contre la violence policière raciste et contre l’ensemble du système capitaliste.
Déclaration d’Alternative Socialiste Internationale – France
Les événements sont connus. Lors d’un contrôle policier, Nahel Merzouk, un adolescent de 17 ans, a reçu un tir mortel d’un policier. Il l’avait menacé de son arme quelques secondes auparavant en lui disant de couper son moteur sinon « je te tire dans la tête ». Pris de peur et de panique, Nahel a démarré son véhicule. Il s’est directement pris une balle qui lui a traversé l’épaule et le thorax, ne lui laissant aucune chance de survie. L’histoire aurait pu s’arrêter là, comme tant et tant de fois par le passé. La police aurait invoqué la légitime défense face à un véhicule « fonçant » sur un policier. Mais une vidéo a immortalisé la scène et a de suite révélé le mensonge policier.
Nahel s’ajoute à la longue liste de jeunes hommes aux origines d’Afrique du Nord ou subsaharienne tués lors d’une intervention policière. 15 jours avant Nahel, un autre jeune, Alhoussein, 19 ans, a été tué par la police à Angoulême alors qu’il partait travailler.
Pour cette jeunesse, l’injustice n’est pas qu’un sentiment. Les affaires sont souvent classées sans suite et les policiers meurtriers rarement condamnés. La peur d’être confronté à un contrôle de police n’a d’égal que la haine envers les institutions d’un système qui n’est là que pour opprimer et humilier ces couches de jeunes des quartiers populaires.
Cette révolte, c’est la voix de ceux qui ne sont pas entendus. Les faire entendre, eux et toutes les autres victimes de violences policières, et obtenir justice, cela exige de construire un mouvement de lutte de masse. La gauche syndicale et politique doit s’engager dans une solidarité active.
Macron accumule les crises
L’assassinat de Nahel constitue une nouvelle crise pour la macronie, obligée d’admettre qu’il y a un problème. « Inexplicable » et « inexcusable », a été obligé de déclarer Macron suite au meurtre filmé du jeune homme. Voilà qui n’a clairement pas plu aux syndicats réactionnaires dans la police, comme Alliance qui s’est senti lâché par le président. Une crise de plus que Macron doit gérer.
Le meurtre de Nahel a mis aussi l’extrême droite en difficulté. Dans le programme du Rassemblement national de Marine Le Pen, on trouve par exemple permettre aux policiers et gendarmes d’utiliser la force en bénéficiant d’une présomption de légitime défense. Une telle présomption existe en fait déjà dans beaucoup de cas, mais le RN veut rendre cela indiscutable dans tous les cas, ainsi que par exemple l’impossibilité de porter plainte contre les policiers. Autant dire que lorsque les journalistes lui ont tendu le micro après la mort de Nahel, Le Pen ne faisait pas la fière et répondait qu’elle allait s’exprimer plus tard, parce qu’elle n’avait soi-disant « pas encore vu la vidéo »…
Mais pour la droite et l’extrême droite, dans chaque crise réside souvent une opportunité. Et cette opportunité pour eux n’a pas tardé à arriver, avec l’instrumentalisation des révoltes qui ont commencé dans les quartiers suite à ce nouveau meurtre policier.
“Une émeute est le langage de ceux qu’on n’entend pas.” – Martin Luther King
Dès la première nuit après l’assassinat de Nahel, des milliers de jeunes principalement d’origine immigrée sont entrés en révolte dans les quartiers populaires des grandes villes. Nombreuses sont les références aux révoltes de 2005 suite à la mort des jeunes Zyed Benna et Bouna Traoré lors d’une intervention policière à Clichy-sous-Bois.
Mais les comparaisons qui sont faites oublient souvent un élément d’importance : beaucoup de choses ont changé depuis 2005, et pas seulement l’omniprésence des réseaux sociaux.
Ces derniers 20 ans ont surtout vu le manque d’investissements dans les services publics empirer, et de manière exponentielle, d’année en année. Les politiques d’austérité et de diminution des budgets qui ont sillonné la période du néolibéralisme depuis le début des années ‘80 ont causé un mal incommensurable. C’est tout particulièrement vrai pour les personnes économiquement les plus fragiles. C’est à tel point que dans certains quartiers, des personnes retraitées habitant dans des HLM avec trop peu de revenus pour payer leur loyer sont aidées financièrement par de plus jeunes pour leur permettre de continuer à vivre dans la cité.
On trouvait déjà en 2005 cette absence de perspectives d’avenir positives pour de larges couches de la jeunesse vivant dans ces quartiers, particulièrement celle aux origines immigrées. Mais de quelles perspectives parle-t-on aujourd’hui ? Tout a empiré. Les frustrations et les colères sont plus grandes et répandues que jamais. Réduire l’actuelle explosion de colère aux réseaux sociaux ou aux “jeux vidéos” (selon le commentaire ridicule de Macron), cela vise avant tout à minimiser ses causes sociales. Et si cette colère s’est étendue si rapidement à toute la France, et pas seulement aux plus grandes villes d’ailleurs, c’est parce que ces causes sociales sont systémiques et se retrouvent partout.
Dans les révoltes que vivent les quartiers aujourd’hui, la police se trouve devant des jeunes discriminés et humiliés depuis leur plus jeune âge, processus accentué durant la pandémie de covid-19. Ces jeunes hommes ont certainement subi un contrôle au faciès encore tout récemment.
Mais la réponse des autorités se résume à “encore un peu plus de la même chose”. À nouveau plus de « sécuritaire », avec des mobilisations records de policiers, l’envoi de tanks défiler avec arrogance dans les rues des quartiers, et même l’envoi d’unités réservées à la gestion de prise d’otage ou à l’antiterrorisme (BRI, GIGN, RAID). Avec aussi des couvre-feux et la fermeture des transports en commun le soir. Parallèlement, le Garde des Sceaux (ministre de la Justice) Éric Dupond-Moretti a envoyé une circulaire aux parquets pour demander « une réponse pénale rapide, ferme et systématique » contre les jeunes interpellés lors des manifestations de révolte.
Il n’y a pas de meilleure méthode pour attiser les flammes, alors que la mort du jeune Nahel est à peine passée d’une poignée de jours. Comme si davantage de sécuritaire allait permettre de résoudre un cocktail explosif composé de discriminations et d’humiliations racistes créées par les institutions et la perte de repères et d’avenir.
Avec les violences policières, les autorités visent très consciemment à stimuler davantage de violences de la part des jeunes en révolte pour dévier l’attention et tenter de semer la discorde dans notre classe sociale.
Cette réponse autoritaire du gouvernement donne des ailes aux organisations d’extrême droite. Les syndicats réactionnaires Alliance et Unsa Police ont ainsi davantage encore ajouté de l’huile sur le feu, avec un communiqué raciste le 30 juin qui appelle à durcir la répression : « Face à ces hordes sauvages, demander le calme ne suffit plus, il faut l’imposer ! » ; « L’heure n’est pas à l’action syndicale mais au combat contre ces ‘nuisibles' » ; « Aujourd’hui les Policiers sont au combat car nous sommes en guerre. Demain nous serons en résistance et le Gouvernement devra en prendre conscience. » (à noter que UNSA Éducation et le secrétaire général de l’UNSA ont condamné le communiqué). C’est un reflet d’une polarisation qui existe bel et bien et est stimulée : une cagnotte de soutien au policier auteur du tir mortel a récolté 900.000€ (en date du 3 juillet, par 25.000 donateurs) ; elle a été lancée par le politicien d’extrême droite Jean Messiha, ex-membre du RN puis ex-soutien d’Éric Zemmour.
Violences raciste et sociale ; violence policière ; et violence du mouvement
Les révoltes dans les quartiers comprennent des épisodes de casses, d’incendies et de pillages. Il est important de clarifier avant toute chose : la première violence, elle est raciste et socio-économique, c’est celle qui vient des politiques menées par le système et aujourd’hui par Macron. Ce sont elles qui stimulent la colère et son expression de différentes manières, et donc qui stimulent aussi des violences de la part d’une partie des révoltés.
En second lieu, les violences viennent des forces de l’ordre, ce sont les violences policières racistes. C’est tout ceci qui stimule aussi de la violence issue des quartiers.
Le gouvernement et l’extrême droite en profitent aujourd’hui, mais il est trop facile de cacher les problèmes du système derrière ces débordements. Ils sont aussi la conséquence de la politique menée ces dernières décennies et accentuée par Macron, et donc de la haine qui existe envers les institutions. Les cibles principales sont les bâtiments les plus représentatifs des institutions du système, comme les mairies et commissariats, ainsi que les bâtiments de grandes chaînes commerciales, à côté d’autres choses cassées ou incendiées.
Que de la violence vienne d’une partie de la jeunesse révoltée, c’est largement compréhensible ; c’est l’expression de la rage aveugle contre le système, mais ce n’est bien sûr pas la solution. Pour ces quartiers, qui subissent relégation sociale et pauvreté, déjà désertés par les services publics, c’est la double peine : ce sont souvent les biens de la collectivité qui sont touchés, comme des bus, des maisons de quartier, des écoles, des pharmacies, mais aussi des voitures, appartenant aux habitants des mêmes quartiers. C’est hélas notre classe, nos quartiers, qui subit les conséquences des attaques contre des biens qui peuvent profiter à toute la communauté, insérant ainsi des divisions dans nos rangs.
De tels éléments de casses, d’incendies et de pillages permettent aussi d’être saisis par le camp d’en face, pour nous diviser et pour durcir son approche liberticide et l’appareil répressif de l’État. La classe dominante peut alors utiliser justement ces faiblesses de ces révoltes, mobiliser tout son arsenal et particulièrement les médias dominants pour les orienter contre la révolte, vers la division et même l’oubli de ce pour quoi ces révoltes existent.
En fin de compte, ces casses, incendies et pillages affaiblissent la contestation. C’est par la force du nombre et l’unité dans la lutte de l’ensemble de la classe travailleuse et de la jeunesse que nous pourrons arracher de réelles solutions.
Lorsque l’État s’occupe de cette jeunesse, c’est pour l’humilier
Depuis son arrivée à la présidence en 2017, Macron a de suite attaqué frontalement les travailleurs et travailleuses ainsi que la jeunesse avec des politiques d’austérité et de restriction des droits syndicaux. Mais il a aussi accompagné cette guerre de classe par un accroissement de l’autoritarisme de l’État et ses forces de l’ordre, tout en encourageant le racisme systémique inhérent au système capitaliste. Quand tu t’attaques à la majorité de la population, mieux vaut la diviser pour mieux régner.
La brutalité politique de Macron à l’encontre des travailleurs et des jeunes a été un véritable marchepied pour la croissance du RN. Le racisme d’État et les stigmatisations permanentes se sont accrus : de la loi sécurité́ globale à la loi sur le séparatisme en passant par la chasse à « l’islamo-gauchisme »… Macron et ses gouvernements n’ont eu de cesse d’alimenter la division et d’accumuler les gages à destination de l’extrême droite.
Ce n’est donc pas étonnant si Marine Le Pen est en tête dans les sondages, et ce malgré le puissant mouvement social contre la réforme des retraites. Que le RN soit vu comme le « véritable » opposant, c’est le but de Macron et ses ministres. C’est d’ailleurs pourquoi ce sont surtout eux qui aujourd’hui, bien plus que le RN, distillent consciemment le racisme et la division, avec notamment la loi JO 2024, la future loi immigration et l’opération militaire raciste anti-migrants comoriens à Mayotte (« l’Opération Wuambushu »), et bien sûr aujourd’hui encore avec la réponse autoritaire et raciste de Darmanin et sa police face aux révoltes dans les quartiers populaires.
La politique néolibérale menée particulièrement depuis « le tournant de la rigueur » de Mitterrand en 1983 puis dans les décennies qui ont suivi a vidé les services publics de leur contenu, avec des conséquences concrètes vécues partout, mais surtout dans les quartiers populaires où s’accumule la pauvreté. Logements insalubres, perspectives d’emplois difficiles, manque d’accès aux soins et aux services publics de base : là-bas plus que partout ailleurs, le désinvestissement dans tous les pans de la vie se fait cruellement sentir. L’absence de perspectives d’avenir est le dénominateur commun à de larges couches de la jeunesse habitant ces quartiers. Et pour tenter de masquer cette pauvreté et ce manque de perspectives, le système a d’autant plus encore besoin de l’arme de la division, notamment raciste.
L’attitude agressive de la police dans les quartiers pauvres où les personnes d’origine immigrée sont surreprésentées est destinée à maintenir les gens enfermés dans des logements et des écoles inférieurs aux normes et à les maintenir dans une forme de ségrégation. Et les politiciens racistes cherchent à présenter ces populations comme une menace pour les couches « blanches » parmi la classe travailleuse et la classe moyenne afin de disposer d’un plus large soutien pour leurs politiques répressives.
“Il n’y a pas de capitalisme sans racisme” – Malcolm X
Dans cette société, le racisme est systémique. À l’instar des autres oppressions qui sévissent dans la société (particulièrement le sexisme et la LGBTQIA+phobie), le racisme est une arme consciemment utilisée par la classe dominante et ses instruments politiques pour imposer plus facilement sa politique en évitant de devoir faire face à une classe travailleuse unifiée.
Dans cet exercice, l’État français a toujours excellé. De l’introduction de l’esclavage sur base du commerce triangulaire avec les Antilles jusqu’à l’assassinat de Nahel, les autorités françaises ont toujours appliqué des politiques enfermant les personnes « de couleur » dans un statut d’infériorité, longtemps ouvertement, aujourd’hui non plus dans les mots mais toujours dans la pratique.
Le contrôle au faciès n’est pas un mythe : en France, une personne noire ou d’origine nord-africaine a 6 à 7 fois plus de risque de se faire contrôler qu’une personne blanche. Si on y ajoute le fait que les jeunes de 18-25 ans sont 7 fois plus contrôlés que la moyenne de la population, les statistiques montrent qu’un jeune homme noir ou d’origine nord-africaine a une probabilité 20 fois plus élevée d’être contrôlé. Et ce n’est qu’une étude, probablement en dessous de la réalité.
Le racisme est systémique, et pas seulement dans les contrôles policiers : discriminations à l’embauche et à l’accès au logement, sous-représentation dans les études et formations menant à des emplois aux conditions de travail et de salaire supérieurs, surreprésentation dans les emplois non qualifiés moins rémunérateurs, …
Violences racistes et policières – la promesse d’injustice
C’est un fait que l’utilisation des armes par la police ainsi que les meurtres ont augmenté sous Macron, même si l’adoption de la loi sur l’usage des armes par la police a été introduite en février 2017 sous Hollande, par le Premier ministre Bernard Cazeneuve, juste avant que Macron arrive au pouvoir. De 2017 à 2021, l’usage des armes par les policiers a augmenté de 26 % par rapport à 2012-2016. L’augmentation est même de 39 % sur l’usage des armes contre un véhicule.
Mais le changement dans la loi n’est pas le seul accélérateur des violences policières. L’arrivée de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur a fait passer un cap aux violences meurtrières : comme le magazine en ligne Basta! l’indique, depuis 2020, le nombre de personnes tuées par un tir des forces de l’ordre a doublé ; et trois fois plus de personnes sont décédées suite à une arrestation.
Les condamnations de policiers meurtriers sont extrêmement rares. On peut imaginer que l’assassin de Nahel, vu l’existence de cette vidéo et vu la pression, devrait probablement être condamné. D’autant qu’il est lâché par une partie de sa hiérarchie et par les autorités politiques, qui jouent la stratégie du « policier violent isolé », pour tenter d’éviter que toute l’institution soit montrée du doigt. Mais la jeunesse des quartiers populaires est très consciente qu’il ne s’agit pas d’un problème d’individus au sein des forces de l’ordre, mais bien de violences racistes généralisées, stimulées par les autorités politiques et au sein de même de la police.
Le gouvernement a beau se cacher derrière l’invariable « laissez la justice faire son travail », nous sommes nombreux à savoir que dans ce genre de cas, comme dans bien d’autres, la justice ne fait pas ce qu’on attend d’elle. Dans une société composée de différentes classes sociales aux intérêts antagonistes, les différentes institutions jouent le rôle, en dernière instance, de défendre la classe qui dirige. Dans notre société, il s’agit de la classe capitaliste. Et c’est bien à une justice de classe que nous avons à faire.
Le rôle de l’État ; le rôle des forces de l’ordre
Comme l’expliquait Friedrich Engels il y a plus de cent ans, l’émergence de l’appareil répressif de l’État, comprenant armée, police, prisons, etc. reflète historiquement la division de la société en classes sociales ayant des intérêts antagonistes impossibles à concilier. L’État est constitué, selon les termes d’Engels, de « détachements spéciaux d’hommes armés », qui maintient le conflit de classes « dans les limites de l’ordre » mais défend en fin de compte les intérêts de la classe dominante (pour approfondir : lire L’État et la Révolution, Lénine). La répression et la menace du recours à la violence font partie intégrante de la protection des richesses et de la domination de la classe dominante dans une société aussi inégalitaire que la nôtre.
C’est pourquoi la répression de la part du bras armé de l’État capitaliste est vive contre chaque mouvement social qui menace les intérêts de la classe dominante. Le déchainement policier contre le mouvement des Gilets Jaunes fin 2018 et en 2019 a blessé 25.000 manifestants, dont 353 à la tête, 30 éborgnés et 6 mains arrachés ; ainsi que la mort de Zineb Redouane, une octogénaire algérienne qui vivait à Marseille.
Le puissant mouvement social contre la réforme des retraites a lui aussi reçu une répression policière impressionnante, avec notamment l’éborgnement par le tir d’une grenade de désencerclement d’un cheminot syndicaliste SUD Rail à Paris, ou encore l’arrachage par une grenade d’un pouce d’une travailleuse dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap (AESH) à Rouen. Dans les secteurs et entreprises où le personnel a été en grève reconductible (raffineries, collecte et traitement des déchets, …), la violence de l’État capitaliste s’est aussi illustrée, par sa justice et sa police, avec le forçage de piquets de grève et la réquisition de personnel pour relancer le travail.
Durant la pandémie, le personnel soignant était officiellement applaudi par les autorités, mais lorsqu’il manifestait pour davantage de moyens et de personnel, la réponse était invariablement les matraques et les gaz lacrymogènes.
La jeunesse aussi, particulièrement ces dernières années, est une cible privilégiée de la répression policière. La classe dominante connaît le risque d’une jeunesse qui se lève et qui peut entraîner derrière elle des couches entières de la classe travailleuse. Lorsqu’elle se mobilise contre les politiques anti-écologiques, ou contre l’arrogance antidémocratique de Macron à l’occasion du mouvement contre la réforme des retraites, elle est directement sous attaque. Gaz lacrymogènes, matraquages, tirs de LBD, grenades de désencerclement, charges policières contre les cortèges, nasses et gardes à vue arbitraires…
En mars, un enregistrement audio a démontré que de jeunes manifestants arrêtés ont reçu des gifles, des intimidations, des insultes (y compris racistes) et des menaces physiques par des policiers de la BRAV-M (Brigade de répression de l’action violente – motorisée). D’autres témoignages faisaient part d’attouchements sexuels dont été victimes des jeunes femmes emmenées dans un commissariat. Le but de tout ceci est de faire peur, et de faire taire les mouvements sociaux.
La police ne peut pas être « abolie » dans le cadre d’une société capitaliste. Tant que les capitalistes seront au pouvoir, ils devront trouver un moyen de protéger leurs intérêts et leurs biens. Il n’est pas non plus possible de créer une police « non raciste » tant que le racisme et la ségrégation institutionnels restent intacts dans la société. Des petites améliorations peuvent être parfois gagnées, sur base de luttes, mais la solution est de se débarrasser du capitalisme lui-même.
Pour un mouvement de masse de la classe travailleuse et de la jeunesse contre les violences du système !
Le mouvement ouvrier doit jouer un rôle en s’impliquant activement dans l’organisation, la canalisation de toute cette colère et cette énergie mises dans les casses et pillages. Cette colère doit s’orienter non vers les bâtiments publics et de grandes enseignes commerciales, mais vers ce qu’il y a derrière : le système lui-même, qui crée les conditions pour que les violences existent, et qui s’en nourrit.
Mi-juin, l’intersyndicale a acté la fin du mouvement contre la réforme des retraites. Un puissant mouvement social, qui n’a pas obtenu le retrait de la réforme, mais qui a pesé et va peser lourdement sur l’atmosphère sociale et politique durant les 4 années de mandat qu’il reste à Macron. En réalité la bataille des retraites n’est pas terminée, et septembre pourrait sonner le renouveau du combat syndical, sur les retraites ou d’autres questions. Le potentiel de lutte va rester explosif, avec une avant-garde renforcée numériquement et qualitativement au côté de couches larges de travailleurs et travailleuses enrichies par ce combat historique et qui ont repris confiance dans la force de la lutte collective. Tout ce potentiel doit être engagé dans une lutte de masse contre les humiliations et violences racistes et policières.
Fin mai 2020, le meurtre raciste de George Floyd par la police aux USA avait relancé le mouvement #BlackLivesMatter (« les vies des noirs comptent »). En écho et pour s’opposer au racisme systémique et aux violences policières en France, des dizaines de milliers de personnes s’étaient mobilisées, particulièrement à l’appel du comité « La vérité pour Adama ». Un an plus tard, ce sont encore 150.000 personnes qui se sont mobilisées dans les rues partout en France. Le caractère structurel du racisme et des violences policières est de plus en plus visible et largement reconnu. Le mouvement Black Lives Matter a permis de mettre à mal la propagande officielle. C’est une base sur laquelle construire pour aller plus loin.
Les milliers de personnes présentes à la Marche blanche organisée à Nanterre le 29 juin en hommage à Nahel reflètent la volonté de se mobiliser pour la vérité et la justice, et pour que les choses changent. De telles mobilisations peuvent servir d’exemple. Le mouvement ouvrier organisé doit se tourner vers ces couches parmi la jeunesse, souvent non organisées syndicalement, pour élargir la lutte à toutes les couches de la classe travailleuse, fournir les méthodes de lutte et montrer des perspectives pour faire reculer les autorités et l’extrême droite, et aller vers des victoires.
Pour construire un bon rapport de force, il faut chercher à rassembler et organiser toutes celles et ceux qui veulent lutter contre le racisme, car c’est par l’action collective et la mobilisation de masse que des victoires peuvent être obtenues. Et ce qui nous unit, c’est que nous sommes victimes, à des degrés divers, des pénuries sociales (manque de logements sociaux, manque d’emplois décents, manque de moyens dans les services publics,…) et de l’exploitation qui découle du système de profit capitaliste.
Un programme qui ne laisse personne de côté
Les organisations syndicales ont encore trop souvent l’attitude de se concentrer sur leurs “bastions”, mais si ceux-ci peuvent et doivent jouer le rôle moteur, il est absolument crucial de chercher à entraîner dans leur sillage les secteurs et les couches moins mobilisées, et tout particulièrement la jeunesse , notamment des quartiers. C’est une des faiblesses de la résistance contre la réforme des retraites et c’est aussi tout l’enjeu d’une lutte antiraciste ambitieuse.
Durant le mouvement contre la réforme des retraites, nous avions d’ailleurs proposé la mise sur pied de comités de lutte et de grève anti-Macron partout, sur les lieux de travail, dans les écoles et facs, mais aussi dans les quartiers populaires. Des comités larges, ouverts à tous et toutes, qui permettent de construire la lutte à la base, démocratiquement, en impliquant tout le monde activement dans sa préparation et son organisation. Si de tels comités avaient été mis en place, ils pourraient aujourd’hui servir de tremplin pour faire passer la révolte contre le racisme d’État à un autre niveau.
Dans les syndicats, beaucoup de militants et de militantes se sont aujourd’hui investis dans la solidarité avec les victimes de violences policières racistes. Mais c’est beaucoup moins le cas des organisations syndicales elles-mêmes. Les organisations syndicales et leurs activistes ont un rôle majeur à jouer dans la mise sur pied d’un mouvement de masse, qui implique activement toutes les couches de la classe travailleuse, la jeunesse et les populations opprimées.
Nous devons réagir à chaque attaque raciste par la mobilisation : une mobilisation de masse de l’ensemble qui doit s’opposer en fait à toutes les politiques racistes journalières dont sont victimes principalement les quartiers populaires ainsi que les populations dans la “France d’Outre-Mer”, dont la gestion par l’État français est un vestige direct de son empire colonial. “Une émeute est le langage de ceux qu’on n’entend pas” disait Martin Luther King. Donnons une voix à ceux et celles qu’on entend pas par la solidarité active et la construction d’un mouvement de masse contre les politiques racistes structurelles. Il est impossible de résoudre le problème en s’en remettant aux institutions de l’État qui entretiennent le racisme systémique.
La colère doit être rassemblée autour du mouvement ouvrier en défendant un programme qui combat l’austérité et le racisme par la solidarité : une lutte massive unitaire de la classe travailleuse, la jeunesse et des populations opprimées, armée d’un programme de revendications offensives pour imposer ce que le camp d’en face refuse de mettre en place : la vérité et la justice pour toutes les victimes des violences policières racistes ; la démilitarisation de la police, le démantèlement des unités les plus réactionnaires comme les Brigades anticriminalité (BAC) et la BRAV-M, et la mise sous contrôle démocratique de la police par les communautés ouvrières et quartiers défavorisés, les secteurs de travail clés et syndicats pour en finir avec les brutalités policières.
Une revendication cruciale est celle d’investissements publics massifs dans les quartiers défavorisés : dans les services publics, le logement et l’accès à un emploi bien rémunéré pour tous et toutes ; dans l’éducation, l’accès à la santé à la culture et au sport ; dans les associations et les centres sociaux. La France Insoumise a raison de porter une telle revendication, reprise dans son plan d’urgence « Justice partout » (voir ici)
Les conditions de travail et de salaire doivent changer. Un minimum est de défendre une augmentation immédiate de tous les salaires de 10% et le retour de l’échelle mobile des salaires supprimée par Mitterrand en 1983 pour affronter l’inflation. Garantir l’accès à l’enseignement pour toutes et tous implique aussi l’instauration d’un salaire étudiant à hauteur du SMIC. Quant aux secteurs à bas salaires, plaçons-les sous contrôle public afin d’assurer un véritable statut au personnel, avec un bon salaire et de bonnes conditions de travail. Il nous faut un emploi garanti et du temps pour vivre, et donc une réduction collective du temps de travail, sans diminution des salaires, avec embauches compensatoires et diminution des cadences.
Les militant.e.s de la FI et les syndicalistes ont un rôle à jouer dans la construction d’un mouvement de lutte unifié. Mélenchon avait d’ailleurs remporté des scores exceptionnels dans les quartiers populaires lors de l’élection présidentielle 2022, même si l’alliance de la NUPES qui a suivi a mis à mal une partie du soutien, un accord qui n’était pas partagé par tous et toutes dans les quartiers populaires surtout, puisqu’il contient des éléments qui se sont illustrés dans la gestion du système, qui ont mené des politiques locales contre les intérêts des habitants de ces quartiers.
Pour une lutte socialiste révolutionnaire
Vivre dans une société où personne n’aura à craindre la répression de l’État et le racisme, ça implique de se débarrasser du capitalisme. La seule manière de répondre aux besoins sociaux de l’ensemble sans discrimination nécessitera de remettre le pouvoir à la majorité sociale.
Finissons-en avec l’exploitation capitaliste des deux sources de toutes richesses, les travailleurs et travailleuses et la nature, en nationalisant sous contrôle et gestion démocratiques les secteurs clés de l’économie. De cette manière, il serait possible d’avancer vers une économie démocratiquement planifiée qui poserait les bases de l’anéantissement de toute oppression, exploitation, violence, inégalité et injustice. C’est le projet du socialisme révolutionnaire : renverser le capitalisme et balancer le racisme, le sexisme, la LGBTQI+phobie et les autres discriminations et oppressions dans les poubelles de l’histoire.