Élu au salaire moyen des travailleur.euse.s : une tradition du mouvement ouvrier

Ces dernières semaines, le PTB a marqué des points en concentrant ses attaques dans les parlements et les médias sur les nombreux avantages que s’octroient les élu.e.s. Suppléments de pension supérieurs aux plafonds légaux, allocations de retraite particulièrement élevées : ça s’est passé dans tous les parlements et tous les partis traditionnels (et moins traditionnels) étaient parfaitement au courant. Le choc est d’autant plus grand que nos pensions et notre niveau de vie ont été l’objet d’une offensive permanente ces dernières années.

Malgré les révélations concernant les pensions d’Herman De Croo (Open VLD) et de Siegfried Bracke (N-VA), on entend surtout leurs partis parler aujourd’hui de la manière dont ils entendent trouver de l’argent auprès… des chômeurs et des malades ! L’argument selon lequel ils ignoraient combien ils gagnaient eux-mêmes ne tient évidemment pas la route. Ils savent au centime près combien nous touchons en étant au chômage, en étant malade ou en travaillant (histoire de dire que c’est trop), ils connaissent donc très bien leurs propres revenus.

La campagne du PTB est qualifiée par la droite de « nid à crasses » (selon Jean-Marie Dedecker, un expert en la matière) et par les médias de l’establishment comme « antipolitique ». Lorsque nos salaires et nos allocations sociales sont attaquées, nous n’entendons jamais de telles accusations… Apparemment, la politique consiste à s’attaquer à nos conditions de vie tandis que questionner les somptueuses allocations de celles et ceux mènent cette offensive serait « antipolitique ».

L’un des arguments les plus forts des élu.e.s du PTB dans ce débat est qu’ils et elles vivent de l’équivalent du salaire moyen d’un.e travailleur.euse. Concrètement, cela signifie qu’ils et elles ne sont pas emportés par le style de vie du monde des députés et autres cadres de haut vol. Ils et elles restent les deux pieds sur terre, dans la réalité de la classe travailleuse. Ils et elles viennent d’un autre monde que celui de Jean-Marie Dedecker et consorts.

La tradition des élu.e.s au salaire moyen d’un ouvrier est ancrée dans le mouvement ouvrier. Elle remonte à la Commune de Paris de 1871, une révolution ouvrière qui a tenté de construire une nouvelle forme d’État. La Commune de Paris n’a duré que 72 jours, mais elle a jeté les bases de ce que pourrait être un État des travailleur.euse.s. Ce n’est pas un hasard si Lénine a accordé une grande attention à la Commune dans son livre « L’État et la révolution » et si nombre de ses enseignements ont marqué de leur emprunte la révolution russe et les débuts de la construction d’une société différente qui ont suivi.

Pour Karl Marx, la Commune de Paris était « la première révolution du prolétariat », « la forme politique de l’émancipation sociale, de la libération du travail par la prise de possession des moyens de production, qui sont créés par les travailleurs eux-mêmes ou sont des dons de la nature ». L’une des nouveautés de la Commune de Paris était que les élus ne gagnaient pas plus que les personnes qu’ils représentaient. Privés de confort excessif ou de mandat synonyme d’enrichissement personnel, ils connaissent à tout moment les besoins et les conditions de celles et ceux qu’ils représentaient.

Marx expliquait : « La Commune fut composée des conseillers municipaux, élus au suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Au lieu de continuer d’être l’instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l’administration. Depuis les membres de la Commune jusqu’au bas de l’échelle, la fonction publique devait être assurée pour un salaire d’ouvrier. Les bénéfices d’usage et les indemnités de représentation des hauts dignitaires de l’État disparurent avec ces hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d’être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l’administration municipale, mais toute l’initiative jusqu’alors exercée par l’État fut remise aux mains de la Commune. »

Par la suite, Lénine a souligné quelques règles de base importantes pour tout État ouvrier avaient été établies par la Commune de Paris : 1) la soumission permanente à la révocation des personnes élues ; 2) l’impossibilité pour tout fonctionnaire élu de gagner plus que le salaire moyen d’un ouvrier ; 3) la transition immédiate vers un régime où tout le monde peut exercer des fonctions de contrôle et de surveillance dans la mesure où tout le monde devient un « bureaucrate » pour une période déterminée afin que personne ne puisse réellement devenir un bureaucrate. À cela s’ajoute la nécessité de remplacer l’armée permanente par le peuple en arme.

Cette forme politique d’émancipation sociale était une partie importante de la lutte pour la transformation de la société, mais elle n’en constituait qu’une partie. Marx notait dans son analyse de la Commune de Paris : « De même que la machine d’État et le parlementarisme ne sont pas la vie réelle des classes dominantes, mais seulement les organes généraux organisés de leur domination – les garanties, formes et expressions politiques de l’ordre ancien – de même la Commune n’est pas le mouvement social de la classe ouvrière et donc pas le mouvement du renouveau général de l’humanité, mais ses moyens d’action organisés ». L’exécution des tâches administratives locales et nationales « au salaire de la classe ouvrière » était un élément important de la réforme politique de la Commune.

Depuis lors, le principe selon lequel les représentants élus du mouvement ouvrier doivent vivre avec un salaire moyen d’un ouvrier est courant dans son aile radicale. Il a été adopté par les marxistes russes qui, après la révolution, ont également introduit une tension salariale maximale (rapport entre les salaires les plus élevés et les plus bas) dans la société. Il est important de veiller à ce que les élu.e.s soient à la hauteur du niveau de vie de leurs électeur.trice.s. En outre, le salaire moyen des travailleurs est également important pour barrer la route aux carriéristes qui cherchent à s’enrichir personnellement en profitant du mandat de la classe ouvrière.

Le principe d’un.e représentant.e élu.e au salaire moyen des travailleur.euses.s a toujours été utilisé et mis en œuvre par notre organisation. Dans les années 1980, les députés britanniques de la Tendance Militant vivaient du salaire moyen d’un ouvrier, à la grande colère de la direction du parti travailliste. Ces dernières années, nos député.e.s irlandais.e.s ont fait de même, et aujourd’hui Mick Barry (député irlandais) et Kshama Sawant (membre du Conseil de la ville de Seattle) font de même. Tout ce que ces élu.e.s gagnent de plus que le salaire moyen d’un.e travailleur.euse est versé dans un fonds de solidarité utilisé pour soutenir les luttes de la classe travailleuse.

Il est extrêmement positif que le PTB suive également cette tradition. Il est ainsi mieux placé pour dénoncer les profiteurs. Ce n’est pas antipolitique ; au contraire, cela met en évidence un élément de classe qui est manifestement présent dans la politique également. Cela met en évidence une différence entre les politicien.ne.s qui représentent les intérêts de la classe capitaliste et celles et ceux qui sont du côté de la classe travailleuse et qui, par conséquent, vivent comme celles et ceux qui la composent.

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