Edito Tax the Rich… Oui! Mais comment?

Boris  Malarme
par Boris Malarme

La question d’un gouvernement de gauche en Wallonie en 2024 est déjà au centre du débat public. Un tiers des Wallon.ne.s et Bruxellois.es souhaite que le PTB participe au pouvoir. Parmi les électeurs du PTB, c’est même 86 % ! La pression est énorme pour que le parti parvienne à conclure un accord de coalition avec le PS à l’issue des élections de 2024. Dans quel contexte ? Un retour de l’austérité à hauteur de 5 milliards d’économies par an, conclut le comité ministériel restreint de la coalition fédérale Vivaldi. La Sécurité sociale, les pensions et les allocations sociales sont dans la ligne de mire de la droite et du patronat. Tous les carcans budgétaires qui avaient volé en éclat lors de la crise sanitaire de 2020 sont en train d’être remis en place.

Par Boris Malarme

Un gouvernement de gauche en Wallonie ?

Un gouvernement de gauche en Wallonie ne devra pas limiter son programme à ce qui est possible à la marge et aux mesures symboliques. Signifier un changement tangible dans le quotidien de la population, cela implique de partir des besoins réels à combler. Concrètement, il FAUT un plan radical d’investissements publics. Dans les soins de santé (a-t-on besoin d’une nouvelle pandémie pour en illustrer la nécessité ?). Dans l’enseignement (combien de plafonds doivent encore s’effondrer dans des classes, comme à Charleroi fin mars ?). Dans les crèches (le personnel de la petite enfance a crié sa colère fin avril à Bruxelles). Dans des transports publics gratuits (les modes de déplacement les moins émetteurs de CO2 après la marche et le vélo). Dans la création de suffisamment de logements sociaux au sein d’un plan global de révision de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et de la gestion des rivières (il y en a-t-il vraiment qui estiment que les inondations de 2021 ne seraient qu’un accident en pleine crise climatique ?).

La planification écologique, économique et sociale qui s’impose nécessitera un gouvernement de désobéissance qui refuse les carcans budgétaires. Des initiatives audacieuses seront nécessaires pour mobiliser le mouvement des travailleur.euse.s afin de construire un rapport de force favorable tout en développant des liens solides avec le mouvement ouvrier en Flandre et à Bruxelles.

À l’occasion de la présentation du livre du PTB « Fais le Switch », Raoul Hedebouw a comparé le programme de son parti au New Deal de Roosevelt (1934-38) ou à la politique du gouvernement de Front populaire en France (1936-38). Il s’agit affectivement d’un programme de relance de l’économie capitaliste via l’investissement public (le keynésianisme). L’idée est ici d’accroître les plans de relance existant tout en mettant un terme aux Partenariats-Public-Privé (PPP) où la collectivité prend les dettes à charge et le privé empoche le profit. Raoul a par contre loupé l’occasion de souligner la lutte de la classe travailleuse aux États-Unis en 1934 (et l’intervention remarquable des révolutionnaires, pour la stimuler) ou encore la puissante vague de grèves avec occupation d’usines de 1936 en France, à un cheveu de déboucher sur une révolution socialiste. Au lieu de regarder vers les mouvements à la base de la société, le PTB concentre son attention sur l’action des autorités et conclut qu’à l’instar de cette époque, celles-ci doivent aujourd’hui « mobiliser l’épargne privée et aller chercher l’argent chez les plus riches ». En bref, financer le « Switch » via une banque publique et un impôt sur les fortunes.

Banque publique ou nationalisation du secteur?

« Je rencontre beaucoup de gens qui regrettent la CGER et qui sont enthousiastes à l’idée de créer une nouvelle entité de ce type», explique Raoul Hedebouw. Mais une banque publique qui subit la compétition des banques privées dans un marché capitaliste sera rapidement mise sous intense pression pour entrer en concurrence avec les rendements spéculatifs. C’est d’ailleurs ce qui explique que nous n’avons plus de CGER aujourd’hui. Une fois qu’une banque publique fonctionne comme une du privé, la suite logique est tout simplement d’en devenir une. Le secteur financier devrait être retiré de la logique de marché dans sa totalité et être entièrement nationalisé sous contrôle de la collectivité. On en finirait ainsi avec la spéculation tout en finançant les multiples investissements publics nécessaires.

La banque Belfius, détenue par l’État, a déjà menacé de couper l’accès aux prêts au futur gouvernement wallon en cas d’arrivée au pouvoir du PTB car il y aurait danger de dépenses excessives et de perte de contrôle de la dette publique wallonne. Raoul Hedebouw a répondu : «Belfius se comporte exactement comme le monde des affaires et des banques s’est comporté avec la Grèce, où tout a été mis en place pour étouffer ne fut ce qu’une tentative de politique de gauche». Il a raison. Et la menace doit être prise au sérieux.

Les défis de la Taxe des millionnaires

Le PSL est favorable à une taxe des millionnaires telle que le défend le PTB. Mais nos détracteurs menacent directement d’une fuite des capitaux et on peut leur faire confiance. Le PTB réagit en expliquant que le phénomène serait marginal. Après tout, dit-il, l’impôt sur la fortune (ISF) en France ne représentait que 2% de l’assiette fiscale au moment de son abolition par Macron. La proposition d’une taxe des millionnaires à hauteur de 8 à 10 milliards d’euros annuellement comme le propose le PTB représente plus de deux fois le montant de l’ISF français dans une économie six fois plus petite. On parle de l’équivalent de 12 ISF ! D’ailleurs l’introduction du premier impôt sur la fortune en France en 1982 par le gouvernement PS-PCF a entraîné une fuite des capitaux inédite. Des riches ont traversé la frontière suisse avec des coffres de voitures remplis de cash et de lingots d’or !

Le programme commun PS-PCF dépassait d’ailleurs de loin le programme actuel du PTB, avec entre autres la nationalisation de 36 banques et de cinq grands groupes industriels. Mitterrand et son gouvernement ont tenté de convaincre le patronat du bienfait de leur politique de relance keynésienne par l’investissement public. Mais la classe dominante redoute la moindre politique de gauche capable de donner confiance au mouvement ouvrier. Le sabotage patronal de l’économie et la pression des marchés a fait céder le gouvernement. La première mesure du «tournant de la rigueur» (1983) fut l’abolition de l’indexation automatique des salaires.

La confrontation avec le capital est inévitable et on ne se prépare pas à l’intense bras de fer à venir en entretenant l’illusion que la dictature des marchés peut être domestiquée. À la fuite des capitaux, il faudra riposter par la nationalisation du secteur financier sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité. Aux lockouts patronaux et délocalisations, il faudra riposter par la réquisition des outils de travail et la nationalisation pour sauver l’emploi. À la crise de la dette et l’étouffement financier des marchés, il faudra riposter par le non-paiement de la dette publique, avec indemnités uniquement pour de petits investisseurs sur base de besoins prouvés. Voter PTB sera la meilleure option électorale pour la classe travailleuse en 2024. Mais la construction parallèle d’un parti révolutionnaire tel que le PSL est parfaitement cruciale.

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